Ange divin, qui mes plaies embaume,
Le truchement et le héraut des dieux,
De quelle porte as-tu coulé des cieux,
Pour soulager les peines de mon âme ?Le premier livre des Amours (1552), extrait de « Ange divin, que mes plaies embaume », Pierre de Ronsard.
† † †
Mon instinct était une bête griffue.
Qu'importe à quel point le rebord donnant sur le vide était étroit, il s'y raccrochait de toutes ses forces.
— Lilith ! invoquai-je, implorante.
Nous traversâmes le couvert des arbres qui nous égratignaient et nous fouettaient. Une bourrasque s'enroula en dessous de nous. Elle amortit notre chute, mais céda rapidement et s'évapora en écorchant au passage l'écorce des arbres alentour. Roscelin et moi roulâmes au sol, chacun de notre côté.
Étalée de tout mon long sur le dos, je crachotais en grimaçant. Si je n'avais pas vomi malgré cette séance de wingsuit ascensionnel en carence de parachute, ce devait être parce que je n'avais rien dans l'estomac... Hormis de la bille qui me remuait les entrailles.
Débarrassée de ma chevalière noir et rouge, mes pouvoirs m'obéissaient mieux – ils n'étaient plus entravés par un sort qui repérait dès que j'étais submergée par mes émotions. Malgré tout, c'était toujours mon instinct qui motivait mes dons, non pas ma raison. Je m'en contenterais pour l'instant.
Aussi fraîche qu'un lendemain de soirée, je me redressai. Nan, en fait, c'était pire qu'un lendemain de soirée. Surprenant mes propres réflexions, je me dis que je devais être en forme, finalement, si j'avais l'énergie de penser à des conneries.
— Ross ? Ça va ?
Sous cette forme mi-sorcière mi-Démone, je n'avais plus besoin de la Marque du familier pour y voir dans l'obscurité. Les rayons de la Lune de sang ne perçaient pas la coupole sylvestre de rayons argentés, sépulcraux et mystérieux. L'atmosphère distillée par l'astre rougit était bien différente : dangereuse, puissante et sauvage, saisissant droit au cœur, sans détour ni échappatoire...
Roscelin avait roulé à quelques foulées de moi... et se tenait l'aile en contenant ses râles de souffrance. Je me précipitais vers lui.
— Oh ! vil Diable ! Mais comment c'est possible ! Je croyais que les Anges étaient immortels ! m'écriais-je en louchant, sans oser y toucher, sur quatre carreaux d'arbalète transperçant son aile.
Pas un, pas deux, pas trois.
QUATRE !
Quatre putains d'épais projectiles en bois aux pointes dentelées qui faisaient couler, comme un ruisseau, son sang blanc le long de ses plumes.
— Immortel... ça veut pas dire invulnérable, articula-t-il entre deux respirations laborieuses.
L'orage du galop des Venge'Rouges se rapprochait de nous. Je ne savais pas où nous nous étions écrasés. Ross était salement blessé. Nous ne pouvions plus semer nos poursuivants.
La panique s'enfonça en moi avec un sourire sadique. Je pouvais voir l'éclat de ses dents acérées avant qu'elle ne les enfonçât dans ma gorge serrée.
Roscelin attrapa ma main dans la sienne, planta ses yeux dans les miens.
— Enlève-les.
— Quoi ?! Mais tu vas te vider de ton sang !

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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...