II.

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Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis s'est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Les regrets (1558), extrait de « Heureux qui comme Ulysse », Joachim du Bellay.


† † †


J'avais mal aux fesses.

Nous chevauchions depuis une demi-journée à peine, et j'avais déjà la sensation d'être directement assise sur les os de mon bassin. Je ne pouvais pas me plaindre : j'avais une Lamia avec moi, une guide, un objectif, et une potentielle solution.

Briallen, la femme chez qui m'avait conduite Tann, m'avait accueillie chez elle. Je m'étais réveillé auprès de la cheminée, couverte de couverture en laine, une infusion chaude et du potage m'attendant.

Briallen était une sorcière de terre. Elle avait émis l'hypothèse que ma sensation de froid provenait du sortilège puissant qui m'avait engloutie, alors elle m'avait soignée avec des plantes durant quelques jours. Quelques jours durant lesquels j'en avais profité pour lui demander toutes les réponses dont j'avais besoin.

J'avais atterri dans les Highlands, en août. En l'an de disgrâce 1666.

Moi non plus je n'y croyais toujours pas lorsque j'y pensais. Alors, le dire à voix haute...

- Et ce Salathiel, à quoi ressemble-t-il ? Est-ce qu'il à la patte sur le cœur, ou est-ce qu'il va falloir que je lui vende quelques années de mon existence pour retourner à mon époque ?

Devant moi, ballotant de droite à gauche sur son cheval baie, Briallen me jeta un coup d'œil abscon par-dessus son épaule.

- C'est un Alchimiste. Il n'a pas besoin de ton temps.

Je levai les yeux au ciel. Évidemment, dit comme ça ; je supposais que le vieillard avait créé sa propre pierre philosophale et qu'il était encore plus vieux que la Matriarche Morticia.

- Et je ne sais pas ce qu'il pourrait te demander en échange. Je t'ai déjà dis tout ce que je savais à son propos.

- Pas grand chose.

Elle me sourit.

- Parce que je ne connais pas grand-chose de lui. Tout ce qui se dit à son sujet ne sont probablement que des rumeurs. À l'instar de tous les Alchimistes...

- Comme lorsqu'on dit qu'on sait qu'on est arrivé près de sa maison lorsque des hiboux commencent à nous suivre ?

La femme haussa les épaules.

- Je suis au moins certaine qu'il officie près de Salisbury.

Je trouvais tout de même étonnant que l'homme qui pouvait m'aider habita là où moi-même j'avais grandi, quelques siècles plus tard. Comme toute sorcière baignant dans l'occulte depuis sa naissance, je savais que cela aurait été d'une paresse et d'une naïveté paradisiaque que de croire qu'une telle coïncidence fut le fruit du hasard...

Je perdis l'équilibre quand mon cheval me surprit en suivant celui de Briallen dans un creux. Je lâchais les rênes, me raccrochai à son encolure en serrant les jambes pour éviter de tomber. Encore. Bien sûr, la pression sur ses flancs eut l'effet fort souhaitable de le faire accélérer. Je fus bringuebalée comme un sac de patate dans la remontée.

L'Épine & la PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant