Aiguise ton épée sur cette pierre.
Fais du chagrin ta violence.
N'émousse pas ton courage, enfièvre-le !

Macbeth (1623), William Shakespeare.


† † †


Sans avoir besoin de parler, Roscelin et moi agîmes.

Le brun se leva d'un bond, filant un bon coup de tête à l'un de ses gardes. Je surpris ceux qui me tenaient en effectuant une roulade en avant. Toutes les tactiques que l'Ordre m'avait enseignées pour me défaire d'un assaillant m'ayant plongé dans une position d'infériorité, se bousculaient dans mon esprit. En m'appuyant avec mes mains toujours liées dans mon dos, je pivotai sur moi-même, frappai la rotule du premier Venge'Rouge, éclatai la cheville du second.

Quand ils tombèrent par terre, pas le temps d'être satisfaite, ni de faire attention aux êtres surnaturels qui s'animaient d'un espoir malveillant. Je donnais un grand coup de chaussure dans la tête du premier qui voulait se relever. Le second se ramassa l'un de ses coéquipiers sur le museau. C'était Ross qui venait de le faire valdinguer. Mais le Lord déchu était en difficulté, à trois contre un.

À cloche-pied, je me jetai si fort sur l'un de ses asseyant qu'il en tomba. Moi avec. Je lui destinais le même sort qu'à son coéquipier : un coup de pied asséné dans sa mâchoire qui craqua.

Ross était maintenant contenu par un Venge'Rouge à la stature impressionnante qui avait passé ses bras sous ses aisselles et le maintenant plus ou moins – plutôt moins, car il gigotait comme un beau diable – en place.

— Va t'occuper de la rousse ! C'est elle qu'il nous faut !

Ce n'était pas un homme, mais une femme qui obéît au mastodonte en se tournant vers moi. Réflexion faite : elle se ruait sur moi. Je me jetais sur le côté, roulais sur quelques mètres.

— Rosell ! Attention !

Fallait pas me le dire deux fois ! L'ombre de la Venge'Rouge s'étendait déjà sur moi. Je recroquevillai mes jambes contre ma poitrine. Quand elle se jeta sur moi, je la repoussai de toutes mes forces. Elle valdingua dans un bel ensemble de velours rouge et de poussière. Juste à côté d'un faune. Ce dernier ne se priva pas pour lui flanquer un bon coup de sabot qui lui offrit une rencontre forcée avec Morphée.

Mes mains ! Je devais libérer mes mains !

Toujours sur le dos, les jambes à nouveau repliées contre ma poitrine, je basculais sur les épaules afin de me donner l'élan nécessaire pour faire glisser mes chevilles derrière mes mains et repasser celles-ci à l'avant de mon corps. Le tout, sous les encouragements des prisonniers. Évidemment, ce genre d'entreprise était toujours plus aisé lorsqu'on ne portait pas trois couches de jupe et un corpiqué façon XVIIe siècle.

Après plusieurs tentatives et la sensation de m'être écartelée les épaules tout en m'étant débarrassée de quelques cervicales superflues, je parvins à mes fins. Je me jetais comme une Démone sur l'homme que Ross avait réussi à retenir tout ce temps. Nous basculâmes tous les trois. Le Venge'Rouge essayait de me repousser et de me frapper les côtes, mais je résistais, malgré sa carrure en valant deux et demi comme moi.

Le motif de la chevalière de Roscelin s'imprima sur le nez de mon assaillant quand il lui décocha un crochet mémorable. Tellement mémorable qu'un bruit sec assorti à une giclée de sang nous indiqua que le cartilage s'était cassé, juste avant que le mastodonte ne tombât dans les pommes.

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