Par toi je change l'or en fer
Et le paradis en enfer ;Les Fleurs du Mal (1861), extrait de « Alchimie de la douleur », Charles Baudelaire.
† † †
Cela n'avait rien d'une question. J'avais passé l'heure des questions et des politesses sucrées. Je voulais des réponses. Et j'étais certaine que ce vieil Alchimiste l'avait compris.
- Je crois que je peux vous aider, en effet.
- Vous croyez ? J'en ai assez de trébucher dans l'obscurité sans bougie ni yeux de chat ! Je veux des réponses claires, sans ambiguïté, sans angle approximatif oublié dans un coin brumeux !
Je refermais la bouche, mes dents claquèrent les unes contre les autres. Je me sentais essoufflée rien qu'à l'idée d'avoir laissé échapper une poignée de grains de sable constituant l'étendue désertique de mes sentiments, que je contenais dans un sablier trop étriqué.
- Apprenez-moi tout ce que vous savez, demandai-je simplement.
Le regard de l'Alchimiste Salathiel tapotait du bout de son ongle la coquille qui me protégeait. Doucement, prudemment, mais sûrement, ils la grattaient, l'effritaient, jusqu'à pouvoir jeter un coup d'œil à l'intérieur.
Résignée à cette idée, je laissai ballotter mes bras le long de mon corps. Car c'était ce que le vieil Alchimiste voulait : dévoiler mes faiblesses, mon passé, mon présent, mes craintes, mes espoirs, mes désirs profonds. Il pouvait tourner toutes mes pages et les recopier, si cela lui faisait plaisir ; je voulais juste qu'il me donnât la solution à toutes mes souffrances...
- Est-ce que tu as quelques siècles devant toi ?
Il me fallut une seconde pour comprendre que c'était sa réponse à ma demande de tantôt, puis une seconde supplémentaire pour décider que j'étais trop tendue pour avoir envie de plaisanter.
- Bien... Je peux t'aider...
Ma poitrine se gonfla, se souleva d'elle-même d'un seul coup. J'ouvrai la bouche pour exprimer ma joie, mais il ne m'en laissa pas le temps.
- Petite Sang-mêlé.
Je chancelai, me rebiffai contre la douleur et l'angoisse que sa dernière remarque faisait naître en moi. Je sentais à peine les mains de Roscelin sur moi, irradiant, pour me soutenir.
J'étais ce contre quoi la Prophétie mettait en garde.
J'étais ce que personne ne voulait.
J'étais une erreur monumentale.
J'étais une fille abandonnée de ses parents...
J'étais...
J'étais...
- Cesse de t'apitoyer. Cesse de fuir. Toutes ces douleurs, ces craintes qui te poursuivent où que tu ailles, qui te tétanisent, tu dois te retourner pour les combattre. Tu auras encore plus mal sur le coup, mais tu n'avanceras jamais vraiment, autrement.
- Mais, je n'aurais jamais dû naître...
- Et cesse de te voiler la face. Tu es très douée pour cela, mais il est temps que tu retires le voile de tes origines. Les réponses primordiales sont en toi.
- Pourquoi ne me les dites-vous pas directement ? On gagnera tous du temps.
Il sourit à la fin de ma phrase. Quelque chose me disait que c'était tout particulièrement l'emploi du mot « temps » qui l'amusait.
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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...