— Vous prendrez bien un peu plus de thé ? demanda le Lièvre de Mars avec grand sérieux.
— Je n'en ai pas encore pris, répondit Alice offensée, je ne peux donc en prendre plus. — Vous voulez dire que vous ne pouvez en prendre moins : c'est très facile de prendre plus que rien, dit le Chapelier.Alice au Pays des merveilles (1865), Lewis Carroll.
† † †
Roscelin, un creux soucieux sur son front lisse, se décala près de moi. Sa pomme d'Adam qui montait et descendait m'indiquait surtout qu'il avait remis les pieds sur terre et qu'il était impressionné par notre hôte. Moi aussi je l'étais. D'ailleurs, c'était bien pour ça que je me tenais droite comme un « i » et que je gardais les poings serrés dans les pans de mes jupes pour ne pas triturer mes doigts comme une petite fille.
Face à ce regard millénaire, qui assurait sans honte ni orgueil, mais comme une simple vérité, qu'il avait tout vu, tout su, qui n'aurait pas eu la sensation de n'être qu'un enfant ? Pour nous qui avions l'âge de notre apparence, autant dire que nous étions des nouveaux-nés !
Tann se faufila hors de mon sac-sans-fond pour se réfugier dans mes bras. En réalité, c'était mon familier mon refuge. Le Vieux Salathiel – car ça ne pouvait qu'être lui – s'approchait dans un froissement de longues étoffes colorées venues d'un autre temps ; mon cœur s'emballait d'une doucereuse anticipation, était étreint par une excitation, un espoir, presque douloureux.
Je désirais ardemment qu'il répondît à mes questions. J'espérais plus que tout qu'il dissipât les nuages et les bourrasques de mon esprit... Mais j'avais aussi peur qu'il me dise qu'il ne pouvait rien pour moi, qu'il ne pouvait pas m'aider. Et pourtant, c'était l'espoir qui l'emportait, car il l'emportait toujours, aussi fou fut-il. Lorsque je touchais au but, j'espérais à en avoir mal.
L'Alchimiste s'arrêta face à nous, sortit de sa manche ample un morceau d'aile de chauve-souris séché et le tendit à Tann qui n'en fit qu'une bouchée. Si mon familier acceptait la nourriture d'un étranger, alors je pouvais accepter son aide.
— Et bien alors, mes enfants, vous ne répondez pas ?
J'ouvris la bouche en grand, soufflée de me rendre compte que j'étais restée le détailler sans sourciller depuis tout ce temps. Le pire, c'était que l'idée de parler à cet homme dont on m'avait vendu les mérites, les exploits, l'intelligence, le talent et les mythes, qui était à la fois la main qui pouvait m'extraire du terrier du lapin ou bien m'y jeter une bonne fois pour toute, j'en perdais mon éloquence.
J'ouvrais et refermais la bouche, les yeux ronds.
Un pauvre poisson rouge jeté hors de son élément.
Une main jaillit à ma droite. C'était Roscelin qui volait à mon secours en serrant la main du vieil homme tout en se présentant et en assurant que tout était digne du plus grand des intérêts, une main posée dans mon dos.
Je n'avais jamais été fan des chevaliers blancs. J'étais plutôt du type à être amoureuse du fantôme de Sleepy Hollow, lorsque j'avais huit ans. Mais la chaleur se propageant à travers le tissu me procura un électrochoc bienvenu.
Un réflexe me sauva ensuite : l'index et l'auriculaire de ma main gauche se levèrent d'eux-mêmes, comme un pantin bizarrement articulé.
— Rose-Elizabeth Fallbloods, du coven de Salisbury, sorcière de feu.
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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...