Chapitre 2 : Ma volonté

86 18 47
                                    

J'entrais dans le hall du lycée, tous les regards des élèves, qui s'apprêtaient à aller en cours, posés sur moi. Certains riaient, d'autres me pointaient du doigt, et la plupart chuchotaient entre eux.
Je baissais les yeux pour ne croiser aucun regard, mais quelqu'un m'intercepta. Quelqu'un de grand. C'était bien la dernière personne que j'avais envie de voir ce matin.

- Mademoiselle, vous êtes en retard.

- Je sais. Pas la peine de me le faire remarquer. J'ai une montre.

La voix grave et posée du conseiller principal d'éducation me fit sortir de mes pensées très violemment. Je n'osais pas le regarder, mais ma tête s'orienta toute seule vers son visage ferme. En revanche, je savais me montrer insolente. Je n'avais plus peur.

Il était accompagné d'un élève. Je ne le connaissais pas, mais j'avais entendu dire qu'un nouveau allait arriver en cours d'année, alors ce n'est pas étonnant qu'il ne me dise rien.

- Je vous cherchai, Mademoiselle, me dit le CPE, la voix tout à coup un peu plus adoucie.

- Pourrais-je savoir pourquoi ?

Le C.P.E esquissa un sourire, ce qui signifiait que je n'allais pas recevoir de réponse pour le moment.

Nous entrions dans son bureau en silence, et je me posais toujours la même question.

Je sentais un regard sur moi, je savais qu'il venait de la direction où se trouvait le nouvel élève. Il était mignon, il fallait le reconnaître. Il avait des cheveux bruns frisés, un nez très fin, des yeux marrons mystérieux et il était plutôt musclé.

Adèle, calme toi. Tu ne peux pas aimer maintenant. Tu ne peux pas... Imagine toutes les choses qu'il pourrait se passer... Et puis même, les coups de foudre, ça n'arrive qu'aux autres, non ? Dans les films, voilà, c'est ça ! Ne déçois pas ta mère, répétait en boucle la voix dans ma tête.

- Asseyez vous.

Nous répondîmes à l'ordre en même temps et nous nous asseyions en face du personnage autoritaire. En déjà trois jours de cours, j'avais déjà eu l'occasion de rendre visite au C.P.E au moins deux fois. Alors que d'habitude je suis censée bien me comporter, cette année me mettait de mauvaise humeur. Car je savais qu'une année de cours en plus signifiait une année d'humiliation supplémentaire...

Il y avait très peu de meubles dans la pièce : au milieu se trouvait un grand bureau en chêne massif, et le reste de l'espace était terriblement vide. Une plante en pot dans le coin de la pièce et un petit tableau accroché sur le mur opposé étaient installés, comme pour modifier légèrement l'atmosphère de la pièce. Ce qui, bien entendu, ne cachait pas la froideur de cet endroit sans vie et sans saveur.

- Bien. Je vais répondre à votre question, Mademoiselle.

Eh bien, ce n'était pas trop tôt.

- Je vous ai réuni tous les deux, car Monsieur Garnier est un nouvel élève. Et...je recherche quelqu'un pour lui faire visiter le lycée. Je pense que vous êtes la mieux placée pour lui faire visiter, Mademoiselle. Vous allez certainement être dans la même classe dans plusieurs cours et vous êtes la seule élève de seconde qui connait le lycée mieux que personne. Acceptez-vous ?

Le message était passé. J'avais redoublé, donc les bâtiments scolaires et ce genre de missions, cela me connaissait. Ce que me demandait de faire le C.P.E était peut-être une punition. Même si, avec un peu de recul, je me demandais si c'était réellement une sanction.

Je ne savais pas si cela me dérangeait de l'aider... Mais je n'avais pas que ça à faire, la pression des cours après mon redoublement, la souffrance que je ressentais au fond de moi et les émotions que je n'arrivais pas à évacuer, suffisaient pour que mon emploi du temps soit bien assez chargé. Mais...avais-je le choix ?

Le regard fixe, les mains croisées sur son bureau, le C.P.E attendait patiemment ma réponse.

- Je veux bien, murmurai-je simplement dans un souffle.

Je tournais la tête vers le nouveau et croisa son profond regard. Il avait l'air gentil, assez souriant, mais peut-être n'était-ce qu'une couverture. Peut-être que lui aussi, essayait de cacher son malheur. Il le faisait mieux que moi pour masquer toutes ses émotions, si c'était le cas.

- Super. Bon, dépêchez vous d'aller en cours. Vous avez vingt minutes de retard. Ne vous inquiétez pas, votre professeur est au courant.

Le nouveau sortit du bureau avant moi, et le C.P.E en profita pour me rappeler.

- Mademoiselle ?

Je me retournais, surprise d'entendre une voix aussi posée, mais beaucoup moins stricte.

- Oui ?

- Je compte sur vous.

Je hochais la tête, puis sortis du bureau vide et glacial du C.P.E.. Je rejoignis un couloir, et aperçus le nouveau. Je finis par le dépasser et avancer quelques mètres de plus. Après avoir traversé un couloir étroit supplémentaire, je me rendis compte qu'il était toujours en train de marcher derrière moi.

- Tu me suis ? demandai-je sans me retourner.

- Ah non, pas du tout ! Ne crois pas ça ! répondit-il en arrivant à mon niveau. Je vais à mon cours d'anglais, c'est tout.

- Tu es dans ma classe alors. Moi aussi, j'ai cours d'anglais.

- Au pire, on n'est pas obligés d'y aller ! On a déjà trop de retard.

Il n'avait pas tort, après tout. Ce n'était pas la peine d'aller dans une salle bondée pour vingt minutes de cours, surtout pour que tous les regards soient tournés vers nous. Bon, je ne sais pas si ça le dérange, mais en tout cas, moi oui !

- Tu veux qu'on fasse connaissance ! Tu t'appelles comment ?

Et si je ne voulais pas lui parler ? J'étais juste censée lui faire visiter le lycée, rien de plus ni de moins. Après tout, ce n'est qu'un inconnu.

Avoue que tu as envie de le connaître, Adèle. Qui sait, il pourrait devenir ton ami ? Tu es la première à te plaindre d'être seule, alors vois cette rencontre comme une opportunité de passer une année agréable.

Pour une fois, la voix dans ma tête avait raison.

Je voulais esquiver la question du nouveau, par simple timidité, mais son regard plongea dans le mien et je ne pouvais plus rien faire pour éviter l'insistance présente sur son visage.

- Adèle. Mon nom est Adèle Roberts.

Il esquissa un sourire sincère. En tout cas, celui-ci le paraissait.

- Ravi de te rencontrer, Adèle. Moi, c'est Thomas Garnier.

- D'accord, Thomas.

Nous riions ensemble dans le couloir vide, et il me serra la main d'une poigne ferme, comme pour officialiser notre rencontre. Ce contact me fit frissonner légèrement.

- Parle moi de toi, chuchota-t-il. Tout va bien ?

- Je n'aime pas faire ça, désolée. On ne se connait pas du tout. Mais sinon, ça pourrait aller mieux.

Je n'ai jamais osé me présenter dans les moindres détails, je n'ai pas l'habitude de vouloir me distinguer des autres, je suis d'un tempérament timide et je préfère rester dans l'ombre. C'est la première fois que l'on me donne l'occasion de parler de moi-même, de mes problèmes, de tout ce que j'endure avec difficulté, et que l'on demande juste d'écouter avec patience et compréhension... C'est tout ce que je veux.

__________________________________________

Hello !

Que pensez-vous de ce chapitre ?

Je vous invite à mettre un petit commentaire (ça me motive vraiment !), et pourquoi pas voter pour mon histoire et s'abonner pour ne manquer aucun chapitre ?
Je compte sur vous ;)

Merci beaucoup !

Il a suffi d'un pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant