Je n'avais pas fermé l'oeil de la nuit. Ces temps-ci, je ne trouvais plus ma place dans les bras de Morphée. À vrai dire, je ne la dénichais nulle part, cette place que je convoitais tant.
Deux semaines s'étaient désormais écoulées depuis mon réveil à l'hôpital, et je reçois de moins en moins de visites de la part de Thomas. Notre amitié s'est fissurée depuis le jour où sa copine a crié sur tous les toits qu'ils étaient ensemble.
Plus de messages, plus d'appels, plus aucun signe de vie. De temps en temps, Cléa venait me voir et je faisais comme si de rien n'était. Je cachais tant bien que mal mes émotions, juste pendant une petite heure, auprès d'une fille que par principe, je ne suis pas censée apprécier. Elle ne me parlait jamais de Thomas, comme si il n'était pas réellement important à mes yeux. Et pourtant, elle était loin du compte.
J'avais juste envie de hurler ma douleur autant physique que morale, de m'échapper d'ici et de cet insupportable décor, de retrouver le Thomas d'il y avait deux semaines.
Heureusement, ma rééducation portait ses fruits. J'allais pouvoir sortir de l'hôpital dans deux jours, mais munie d'une béquille. J'allais pouvoir redécouvrir les "joies" du lycée, ses élèves imbéciles et ses professeurs tous plus illuminés les uns que les autres. Génial.
Tous les jours, ma mère venait me voir ici, elle prenait des nouvelles. Mais je n'arrivais pas à percevoir autre chose que de la froideur dans son regard. J'avais surtout l'impression qu'elle venait par pitié, et à regret. Était-elle autant sans cœur ou est-ce qu'elle m'aimait ?
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La journée passa comme d'habitude, avec son lot d'ennuis à tous les sens du terme. Rien ne m'intéressait. De temps en temps, j'allais à la médiathèque de l'hôpital pour voir du monde. Mais ceux qui étaient soignés ici depuis longtemps n'avaient pas l'air de vouloir me laisser entrer dans leur cercle personnel.
Certains étaient en fauteuil roulant, d'autres étaient dépressifs, ou encore atteints d'un cancer. Et moi, avec ma béquille et mon bras entaillé, j'étais au milieu de toutes ces gravités, de tous ces gens qui ont subi la malchance de la vie. Car bien évidemment, la vie n'offre pas que des bonnes choses. Je pourrais citer plein d'exemples, mais je m'abstiendrais de le faire.
Ces personnes souriaient, riaient comme si rien ne leur était arrivé, comme si ils n'avaient pas reçu violemment un poids sur les épaules, qu'ils allaient devoir traîner pour la plupart toute leur vie. Je ne sais comment ils ont réussi à trouver ce courage au fond d'eux. Peu de gens seraient capables de surmonter une telle situation.
Je me dirigeais vers eux, car je voulais essayer de parler avec ces adolescents malades. L'ennui se faisait pesant, j'avais envie de me changer les idées avant de pouvoir enfin partir de cet hôpital à l'aspect morbide.
Tous étaient en plein fou rire, et ne remarquaient pas ma présence. Mais lorsqu'une jeune fille dont le crâne était couvert d'un turban posa ses yeux sur moi, tout le monde s'arrêta de parler et finit par me fixer.
- Salut..., commençai-je simplement, ne sachant pas vraiment quoi dire.
- Salut. Qu'est-ce que tu fais à l'hôpital ? m'interrogea la jeune fille. Tu ne m'as pas l'air très atteinte, je me trompe ?
Quel accueil...
Je ne savais pas quoi répondre. Plusieurs jeunes du groupe sortaient de chimiothérapies, d'autres étaient handicapés sérieusement. Comme je le disais, je n'avais rien à faire là.
- Oui... Désolée. Je suis ici après avoir été renversée par une voiture.
Aussitôt ma phrase terminée, plusieurs adolescents dont la jeune fille se mirent à rire ironiquement, cela me vexant énormément.
- Ah ouais ? T'as l'air très bien, pourtant. Avec ta béquille, là, souffla la fille.
- Nous, on est sur le point de crever, alors tu vas nous faire le plaisir de ne pas te plaindre, dit un autre. Bon, je vais te présenter tout le monde vite fait, que tu voies à quel point on est dans la merde. Toi, au moins, tu ne risques pas de tomber dans les pommes ou de mourir comme ça, d'un seul coup.
Je baissais les yeux, ne sachant pas quoi dire. Ce qu'ils m'annoncaient tous me faisaient penser que le monde était rempli de surprises, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Certains n'ont eu aucune chance de résister.
Quand je pense que ces adolescents, de mon âge, étaient sur le point de mourir, sans jamais avoir vécu tout ce que la vie leur aurait offert un jour ou l'autre... C'est là que je me rends compte qu'il est important de profiter, car beaucoup de choses dans notre vie peut basculer du tout au tout.
- Elle, c'est Sara, continua le garçon en pointant du doigt la fille au turban. Elle a dix-huit ans. Elle en est à son troisième protocole. Elle est atteinte d'un cancer du poumon, elle n'a plus beaucoup à vivre.
J'aperçus la dénommée Sara essuyer une larme qui coulait sur sa joue, puis nous regarder en souriant faussement, comme pour ne pas montrer à quel point elle souffrait.
- Lui, c'est Tom. Quinze ans. Handicapé moteur sévère. Il a eu un grave accident de moto l'année dernière, il est devenu tétraplégique.
- Stella et Mary, elles, sont sœurs jumelles. Elles sont atteintes de la mucoviscidose. Toutes les deux. Et elles ont seize ans.
Tout le monde acquiesça. Tout cela me rendait triste, et je me sentais impuissante au milieu de ces adolescents que la vie a refusé d'épargner.
- Dorian, quant à lui, est dans une grande dépression. Il... Il a perdu ses parents dans un accident de train. En même temps que les miens. Dorian, c'est mon meilleur ami. Nos parents étaient tous les quatre associés dans une grande entreprise. Et ils se sont trouvés en même temps, dans le cadre d'un petit voyage d'affaires, dans le train qui leur a coûté la vie.
- Et pour finir, moi, c'est Quentin, termina le garçon. Orphelin. Je suis là à cause d'une maladie cardiaque. Ouais, j'ai dix-huit ans. Ça peut paraitre ultra jeune. La preuve, je ne m'attendais pas du tout à découvrir ma malformation au cœur. Je ne croyais même pas que ça allait pouvoir me tomber dessus.
Et toi, alors ? La fille à la béquille ?Ma gorge était sèche. Je ne comprenais pas comment tant de souffrance pouvait se trouver là, au coeur de ce petit cercle d'amis. Des amis qui ont été liés par leur handicap, leur maladie, leur tristesse.
- Adèle. Seize ans. Née sans être voulue. Ex dépressive. Harcelée au lycée. Amoureuse.
J'avais l'habitude de dire tous ces mots. Enfin...souvent, ils restaient cachés dans ma tête. Je ne les avais jamais prononcé à haute voix, mais pour moi, c'était tout comme.
En revanche, le dernier mot eut beaucoup plus de difficulté à passer mes lèvres. Est-ce que je pouvais vraiment dire que j'étais amoureuse ?Je croyais bien, oui...
Moi, Adèle Roberts, j'étais amoureuse de quelqu'un. Quelqu'un qui ne m'aimait pas.
Finalement, peu importe où je me trouve. Je ne suis jamais à ma place.
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Il a suffi d'un pas
Roman d'amour"N'oublie pas que je suis là. Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, je serai avec toi. Ne laisse pas les autres consumer les sentiments que l'on ressent l'un pour l'autre aussi facilement." •~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~•~• Adèle, c'est une a...