Chapitre 7 : Souvenirs

39 12 25
                                    

J'entendis des voix lointaines quelque part. Je ne parvenais pas à ouvrir les yeux, je n'étais consciente de rien. J'avais l'impression de flotter.
  
Étais-je endormie ? Je n'en avais aucune idée, ni du lieu, ni du temps, ni des circonstances. Que m'arrivait-il à ce moment précis ?

Les voix se rapprochaient de plus en plus, mais je ne percevais encore que des bribes de conversation.

- Adèle...renversée...voiture...

Voici l'unique raison de ce que je vivais. J'ai été renversée par une voiture...mais quand ? Tout était flou dans ma tête. C'était normal, j'étais inconsciente. J'entendais juste des bribes de conversation, des tonalités de voix. Ma réflexion n'était pas la même, bien entendu... Est-ce que j'allais me souvenir de ce à quoi j'ai pensé pendant mon "sommeil" ? Non, peut-être pas.

Je devais certainement être dans une chambre d'hôpital. Avec une seule personne à mon chevet. Et j'étais sur le point de penser que ma mère était encore au travail et qu'elle n'en avait que faire de mon arrivée à l'hôpital, inconsciente.

J'exagérais certainement, mais je ne pouvais m'empêcher de croire cela. J'étais une personne horrible pour penser ça... Mais qui était la méchante dans l'histoire ?

PDV Thomas

Je ne pouvais pas croire ce qu'il s'était passé plus tôt. Une heure ou deux, je ne sais plus exactement.

C'était juste tout à l'heure, Adèle a été renversée sous mes yeux et je n'ai rien pu faire à part appeler en urgence les secours. Elle était blessée et inconsciente.

Sur le moment, j'avais peur qu'elle ait perdu la vie aussi tragiquement. J'avais laissé la fille à qui je parlais là où elle était et m'étais mis à courir vers Adèle, qui était affalée en plein milieu de la route, une grosse blessure sur la jambe et le bras gauche.

Alors que le conducteur de la voiture s'était enfui aussi vite qu'il était arrivé, ce qui m'a fait hurler des jurons et de nombreuses insultes.

Je m'étais précipité sur Adèle, j'avais pris son pouls le plus rapidement possible. Il était faible, mais cela m'avait quand même rassuré.

Le choc était quand même important et assez violent, j'étais sur le point de m'imaginer des choses plus sordides les unes que les autres. Mais sentir la respiration d'Adèle m'avait permis de me calmer.

Avec Cléa, la fille avec qui je parlais à l'arrêt de bus, je réussissais à amener son corps sur le trottoir.

Le ciel se couvrait, les nuages finissaient par former un manteau blanc au dessus de nos têtes.

Nous avions attendu une dizaine de minutes avant que les ambulances arrivent. Le bruit des gyrophares me rappelait trop de choses horribles que j'aurai préféré oublier. Mais c'est impossible. Même si je ne les ai pas entendues ce jour-là, cela m'a fait penser au jour où j'ai tout perdu. Le jour où ma vie a basculé.

Je me rappelle de ce que j'ai écrit dans mon petit carnet, mon journal intime, comme si je l'avais appris par cœur... Peut-être que cela vous étonne, un garçon avec un journal intime, mais c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour extérioriser mes sentiments. J'adorais coucher mes peurs, mes joies, mes inquiétudes sur le papier, quand j'étais enfant... Ça me permettait de me libérer. Cette date a été la dernière que j'ai écrit dessus. Après, je n'ai plus trouvé le courage de tenir un stylo pour ça. L'écriture ne me suffisait plus. Mais malgré tout, ce jour-là, ça n'a pas été assez pour me permettre d'oublier.

Dimanche 27 juin 2017

Aujourd'hui, j'ai fêté mes onze ans auprès de mes parents et de mon grand frère, Lucas, âgé de treize ans. Après le repas, nous sommes allés à la plage, elle était vide et tranquille. Nous nous sommes baignés sans trop de difficulté, l'eau était bonne, nous avions tout pour passer un superbe après-midi. Tout pour que cette journée soit mémorable... Elle l'a été, mais certainement pas dans le bon sens du terme...

Ma mère nous a dit de faire attention dans l'eau. Histoire de ne pas se faire mal, ou je ne sais quoi. Mais ce qu'elle n'imaginait pas, c'est que nous allions nager dans la mer, de plus en plus loin, jusqu'à ne plus avoir pied. Nous avions été tellement imprudents... Un défi d'enfants idiots, rien ne plus ni de moins.

Nous entreprenions de faire la course, tandis que nos parents étaient allés chercher nos affaires dans la voiture après nous avoir mis en garde. Mon frère était un joueur, il me poussa à accepter le défi.

C'est alors que nous nous mettions en danger, non surveillés par nos parents.
Je ne savais pas encore bien nager, mais je voulais rendre mon frère plus fier de moi, lui qui savait tout faire et moi qui me sentait comme un bon à rien à côté de lui, qui a tout réussi.

- Allez, p'tit frère ! Encore deux mètres et on fait demi-tour ! Tu peux le faire !

- Je ne sens plus mes jambes !

- Ça va aller, Tommy, je suis là. On va y arriver ! Je vais t'aider.

Mais au bout d'un certain temps, nous ne parvenons plus à faire demi-tour. Le courant nous emportait vers l'horizon, et la plage commençait à ne devenir qu'un petit point dans le paysage.

Mon frère m'encourageait, mais je n'étais plus capable de bouger. Mon corps frémissait, la température baissait et je fus bientôt aspiré par les entrailles de la Terre. Sous l'eau. J'ai vu ma dernière heure arriver, en quelques secondes à peine

Mon frère m'a sauvé la vie. Il m'a vu à temps, quelques secondes à peine avant que je ne meurs noyé. Il a plongé sous l'eau et m'a cherché, jusqu'à ce qu'il croise mon regard de détresse.

Il m'a porté hors de l'eau comme il le pouvait et m'a permis de me raccrocher à un rocher. Lorsque je repris mes esprits, je tournai la tête pour remercier mon frère. J'ai pensé que cette mésaventure était loin derrière nous, désormais, que nous n'avions plus qu'à attendre de reprendre ses esprits pour faire demi-tour et atteindre la plage.

Mais Lucas n'était plus là. Alors je regardais autour de moi, sur la plage, mais rien.

Des bulles se formaient à la surface de l'eau salée et attiraient mon attention. Puis, elles étaient de plus petites, et enfin, invisibles.

Et c'est là que je compris.

Mon frère était aussi fatigué que moi, mais il a préféré me sauver, quitte à mourir à ma place. Le rocher n'était donc que pour l'un d'entre nous deux. Le survivant fut moi. Et la victime fut mon frère. Si seulement nous avions fait plus attention...

Ensuite, j'ai entendu une voix crier nos noms.

Je tourne la tête, et vois mon père, qui nage vivement vers moi.

- Thomas ! Lucas ! Vous nous avez fait peur ! Mais...Thomas ? Où est passé ton frère

Mon père a alors vu le torrent de larmes qui s'apprêtaient à couler sur ma joue. Il m'a fixé, et lui aussi a compris.
Il a essayé de plonger pour aller sauver mon frère comme ce dernier l'avait fait pour moi. Mais c'était trop tard...

Voici les derniers mots inscrits dans mon journal personnel. Ces trois petits points renferment en eux une souffrance que j'éprouverai éternellement, chaque jour, chaque nuit.

Depuis ce jour, je n'ai jamais arrêté de culpabiliser. Au fond, c'était de ma faute si mon frère est mort. C'était moi qui aurait dû mourir, pas lui. Pas un garçon comme lui, aussi méritant. Moi, le moins que rien de la famille, aurait dû périr dans cette eau salée, celle dans laquelle aurait pu se produire l'un des plus beaux jours de ma vie.

Mais au lieu de ça, ce dimanche est le jour où mon quotidien s'est écroulé, moi qui partageait un lien si fort avec mon frère... Un lien que je croyais indéfectible. Jusqu'à ce que la mort nous ait séparés...

Le dimanche 27 juin 2017 était le jour de mon anniversaire mais aussi celui du décès de l'être le plus cher a mes yeux.
Rien que d'y repenser, je ne pouvais plus m'empêcher de pleurer dans cette chambre d'hôpital dans laquelle mon amie sommeillait profondément, toujours inconsciente.

___________________________________________

Hello !

Qu'avez-vous pensé du chapitre ?

Je vous souhaite de passer une bonne journée !

Il a suffi d'un pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant