Chapitre XXIV

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La nuit tombait sur Deos. La plus longue nuit de l'hiver. La lune était pleine, brillant et éclairant le royaume. La journée avait été calme. Pas de problème, pas de soulèvement dans les rues. Rien n'était venu perturber le roi. Pourtant, ce dernier était nerveux. Il avait suivi les conseils de la prêtresse noire mais il n'en voyait pas les résultats. Il avait envoyé des hommes parcourir les neuf royaumes à la recherche de la princesse mais ils ne la trouvaient pas. Il y avait eu quelques fausses pistes qui n'avaient mené à rien. Le roi n'avait aucune indication particulière à donner aux rats de Makila. Une jeune femme ayant la vingtaine, les cheveux bruns et les yeux bleus. C'était trop peu mais il n'avait aucune autre information au sujet de Rhiannon. Il ne savait pas vers où elle avait fuit, dans quel coin elle avait pu grandir, avec qui elle pourrait se trouver. Il n'avait rien et ça le frustrait. La prêtresse noire lui avait fait entendre que son destin avait été changé. Il avait espéré qu'un de ses hommes l'avait donc tuée mais elle avait affirmer que son destin restait sombre et qu'elle voyait encore cette fille dans ses visions. C'était donc la preuve que ce n'était pas chose faite. L'héritière légitime du trône était encore en vie. Ca le rendait fou de le savoir mais il se contenait. Tiphon contrôlait ses émotions. Il espérait simplement que quelqu'un, quelque part, finirait par la trouver et s'occuperait d'elle. Une fois la menace éliminée, il n'aurait plus à s'en faire et son destin serait alors radieux. C'était ce qu'il pensait. Mais pour que cela arrive, il fallait à tout prix la trouver. Il demandait très souvent des nouvelles à Makila mais à chaque fois, il avait la même réponse : rien. Ils n'avaient rien. 

Installé sur son trône, le roi Tiphon se rongeait les ongles nerveusement. La prêtresse noire avait accepté de rejoindre le château, un endroit tout de même plus confortable que sa vieille cabane perdue dans la forêt. Le roi l'avait confortablement installée, certainement dans l'espoir que les dieux le remercie de prendre soin d'une des personnes qui pouvaient communiquer avec eux. Elle se trouvait donc à ses côtés, debout. Elle l'observait mais ne disait pas un mot. Elle voyait le tourment l'envahir. Plus les jours passaient et plus son inquiétude grandissait. Il craignait très certainement qu'elle ne soit pas trouvée à temps.

-Ne pourriez-vous pas avoir une vision positive ? demanda-t-il d'un seul coup.
-Je ne choisi pas ce que je vois et vous le savez, roi Tiphon. J'aimerai pouvoir éclairer votre lanterne et vous dire où la trouver mais je ne le peux. Si les dieux ne m'offre pas leur vision éclairée, je ne peux rien y faire, répondit-elle, toujours aussi calmement qu'à son habitude.
-J'en ai marre d'attendre, grogna le souverain, toujours confortablement installé.

Il restait dans son trône du matin au soir. C'était comme s'il s'y accrochait, comme s'il restait assis là rien ne pourrait lui arriver. Il refusait de s'en aller du château. Très probablement parce qu'il avait peur de la croiser. Il préférait qu'elle vienne à lui si cela devait se passer de la sorte. Il était protégé par ses hommes et par les remparts que lui offrait Deos. C'était comme ça qu'il voyait les choses. La prêtresse avait beau lui dire que cela ne changeait en rien ses visions, il campait sur ses positions, persuadé qu'il pouvait être maître de sa destinée.

-Vous devriez sortir, prendre l'air, lui dit-elle avec bienveillance.
-Non. Je ne m'exposerai pas, affirma-t-il.
-Même si je vous dis que vous ne risquez aucun danger ? demanda la prêtresse.
-Peu importe ce que vous direz. Je suis en sécurité ici, rétorqua le roi.
-Vous oubliez que vos ennemis ont périt en ces murs, souffla-t-elle.

Tiphon tourna la tête vers la femme, fronçant les sourcils. Il n'aimait pas ce qu'elle disait, pourtant elle n'avait pas tort. Les Rexaron étaient morts dans ce château qui était censé les protéger. Cependant, la situation était différente. Il savait sa vie en danger et des gardes étaient postés nuits et jours, prêts à se battre si des personnes venaient à prendre le château d'assaut. Il sentait pourtant qu'il avait besoin d'air. Rester dans cette salle allait finir par le rendre fou, si ce n'était pas déjà le cas. L'homme poussa un long soupir et il se leva du trône.

-Accompagnez-moi dans ce cas, dit-il en marchant vers la porte.

La prêtresse accepta et elle le suivit jusqu'à l'extérieur, dans les jardins du château. La nuit était calme. Il n'y avait pas un bruit. Il marcha avec sa conseillère à ses côtés, restant silencieux. Il ne cessait de cogiter. Il ne pouvait s'en empêcher. 

-Pensez-vous réellement que les dieux ont scellé mon destin ? Que quoi que je fasse, elle me tuera ? demanda-t-il, inquiet.
-Je ne peux le dire, roi Tiphon. Les dieux ne me montrent que ce qu'ils veulent que je vois. Peut-être votre fin n'est-elle pas liée à cette fille et qu'elle sera simplement présente. Peut-être qu'elle l'est. Je ne peux vous le dire avec précision... Les dieux aiment le flou. Ils aiment jouer avec nous. Nous ne sommes que le fruit de leur création, des pantins qu'ils guident à leur guise, lui expliqua-t-elle avant d'hausser les épaules.
-J'ai parfois l'impression que vous ne servez à rien, râla le roi avant de soupirer.
-Je ne suis qu'un outil en ce monde. Je ne fais que porter un message, aussi évasif soit-il. Il faut vous contenter de ce que je peux vous apporter et rester patient. Je ne peux rien faire d'autre pour vous, répondit la prêtresse toujours aussi neutre.

Elle ne ressentait aucune animosité. Elle comprenait la frustration du roi mais elle ne pouvait en faire davantage. Elle avait fait tout ce qui était en son pouvoir. Le reste appartenait aux dieux. Seuls eux la guideraient à lui ou la feraient disparaître. Elle n'était que leur messagère. Elle recevait des visions divines et les interprétait comme elle le pouvait mais elle ne pouvait dire avec exactitude ce qu'elle voyait. Pour elle-même, c'était un brouillard complet. Elle avait des flashs d'images sans lien à première vue et elle tentait de reconstituer le puzzle. C'était frustrant pour lui mais il n'aurait rien d'autre et il devait s'y faire. S'il ne l'acceptait pas, soit mais il ne pouvait rien y faire malgré tout. 

Tiphon essayait sincèrement de se contenir et d'être patient. Il essayait mais c'était bien trop dur. Savoir sa vie entre les mains d'une enfant qu'il aurait dû tuer des années plus tôt, c'était trop pour l'homme de pouvoir. Il avait ce besoin d'être certain. Il n'aimait pas les réponses de la prêtresse mais il avait conscience que malgré son insistance, il n'en tirerait rien de plus. Soit il patientait jusqu'à en savoir plus, jusqu'à ce qu'elle soit trouvée, soit il perdait la tête à force de la creuser. L'homme s'arrêta et s'installa sur un banc. Il leva ensuite la tête vers la lune, l'observant dans tout sa splendeur. Il restait songeur. Il s'efforçait à ne pas penser mais il n'y arrivait pas. Impossible... Il finit par grogner avant de se lever. Il abandonna la prêtresse dans les jardins, retournant à son trône. Il avait prit l'air et ça suffisait amplement pour lui. Il préférait rester à l'abri malgré tout. 

En dehors du château, un homme était installé sur son cheval. Il portait une cape qui couvrait sa chevelure et son visage. Il s'avança quelques mètres avant de descendre du canasson. Il prit les rênes pour continuer de le guider. Il observait Deos et ses habitations. Quelques torches éclairaient les rues qui n'étaient pas encore désertes. Quelques personnes se baladaient encore. Il vit ensuite une taverne où il y avait de l'agitation. Curieux, il s'avança et se rendit jusqu'à l'endroit. Il entra et s'installa à une table sans découvrir sa tête. Le mystérieux inconnu demanda une pinte de rhum au tavernier qui lui amena sans hésiter. Il déposa cinq pièces de fer sur la table et le propriétaire de l'établissement les prit. Il s'éloigna, laissant l'homme déguster sa boisson en toute tranquillité. Il porta le verre à sa bouche et but une gorgée avant de grimacer légèrement. Il avait connu meilleur breuvage dans sa vie mais il n'allait pas s'en plaindre malgré tout. Cela faisait un petit moment qu'il était sur les routes et il profitait donc de ce moment de calme. Il était venu à Deos dans un but précis. Il voulait rencontrer le roi. Il se donnait donc un peu de courage car il craignait tout de même sa réaction. Le roi Tiphon n'était pas connu pour être tendre ni pour être compréhensif. De plus, l'inconnu arrivait tard et il ne savait pas si le souverain accepterait de le recevoir mais il n'avait pas envie d'attendre davantage. Il avait trop attendu pour se rendre en ces lieux. Le plus vite il le rencontrait et mieux ce serait. Il termina donc son verre et sortit de la taverne. Il se remit en route vers le château, récupérant son cheval qu'il avait attaché devant. Une fois assez proche, il laissa à nouveau son cheval, faisant un nœud pour qu'il ne puisse pas partir sans lui. L'homme à la capuche monta les marches qui menaient à la demeure du souverain, tranquillement. Il fut arrêté par des gardes, lui demandant ce qu'il faisait là.

-Halte là étranger ! Que viens-tu faire ici ? demanda le soldat.
-Je viens voir le roi, répondit-il simplement.
-Et qui es-tu ? continua-t-il.
-Un ami, souffla l'inconnu. J'ai des informations qui pourraient l'intéresser.
-Bien. Attends là, dit-il. Surveille-le, souffla-t-il ensuite à son compagnon.

Le garde entra dans le château et il se présenta à Tiphon. Il posa un genou à terre, se penchant ensuite.

-Mon roi, un homme vient de se présenter aux portes. Il dit être un ami et avoir des informations pour vous, expliqua-t-il.
-A-t-il décliné son identité ? demanda Tiphon, suspicieux.
-Non, mon roi. Il a seulement dit être un ami. Il a le visage couvert d'une capuche... répondit le garde.

Tiphon hésita quelques instants en entendant ces paroles. Cet homme était-il réellement un ami ? Quelles informations détenait-il ? Étaient-elles pertinentes pour lui ? Devait-il risquer de faire entrer un inconnu ? Il se rongea le pouce avant de soupirer. Il était bien gardé alors si cet homme ne s'approchait pas trop, il n'aurait pas le temps de l'atteindre.

-Bien ! Faites-le entrer, dit-il, appréhendant malgré tout.

Le garde hocha la tête et il retourna auprès de l'autre soldat et de l'inconnu. Il le laissa donc passer et l'homme capuchonné les remercia en reprenant sa route. Il entra dans le château et observa la décoration. Les bannières des Venom décoraient les murs. Ils se sentaient très clairement chez eux. Il n'y avait plus aucune trace des Rexaron. C'était comme s'ils n'avaient jamais été sur le trône alors qu'il leur appartenait. Les élus des dieux... L'inconnu arriva dans la salle du trône et il s'avança. Les gardes l'arrêtèrent et l'homme eut un léger sourire. Le roi semblait méfiant. Pour Tiphon dit le terrible, il ne l'était pas tant. 

-Qui êtes-vous ? Pourquoi venez-vous ici, surtout à une heure si tardive ? Il m'a été rapporté que vous avez des informations. Quelles sont-elles ? l'interrogea Tiphon.
-Tant de questions et quelle impatience, souffla l'homme en souriant.
-Répondez avant que je vous fasse décapiter, grogna le roi qui perdait déjà patience.
-Vous regretteriez ce choix, affirma-t-il.
-Alors répondez ! Que faites-vous ici ?! s'énerva-t-il, inquiet pour sa vie.

Le roi craignait que cet homme soit envoyé par la princesse pour l'éliminer. Il suffisait parfois d'un seul homme à la visée parfaite pour détruire un homme et sa vie. Il n'était donc pas rassuré. Il se montrait bien trop mystérieux, le visage caché par sa capuche. Cela ne mettait pas le roi à l'aise. Plus vite il déclinerait son identité, plus vite il se sentirait mieux ou pourrait faire réagir ses gardes si c'était nécessaire. 

L'homme ne dit rien et il posa un genou au sol et son avant-bras sur l'autre, se penchant légèrement. Il lui montrait donc du respect. Cela n'effaçait pas la méfiance de Tiphon mais ça piquait sa curiosité, il ne pouvait le nier. L'homme plaça ses mains de chaque côté de sa capuche, dévoilant ses cheveux blonds et son regard plus noir que les ténèbres, un sourire dessiné au coin de ses lèvres.

-J'ai cru comprendre que vous cherchiez une princesse, souffla l'homme en relevant la tête vers le roi.

The Lost Kingdom [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant