Chapitre XI

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La pluie tombait immodérément sur Deos comme si les dieux pleuraient les morts. Le ciel était couvert de nuages noirs, comme s'ils annonçaient un mauvais présage. Le mauvais temps avait commencé peu après le suicide de la reine. Une heure plus tard à peine, il commençait à pleuvoir et cela s'était intensifié dans la nuit sans jamais se freiner. Dans l'après-midi, le ciel continuait de déverser la tristesse des divins. Les champs étaient noyés, les chemins impraticables tant la boue était dense. Personne ne pouvait sortir sans être trempé dans la seconde. Le roi observait l'eau tomber du ciel. Cela faisait bien des années qu'il n'avait pas plus de la sorte. Cela était rare sur le continent où le soleil brillait tout le temps, mais pas inconnu. Cependant, cela reportait l'enterrement de son fils et de sa femme. Même s'ils avaient tous deux commis des crimes à ses yeux, l'un la dépravation et l'autre l'abandon de ses obligations envers lui, il souhaitait tout de même les enterrer dignement. Ils restaient sa famille, même s'ils avaient probablement fini dans les enfers de Talia. L'homme poussa un soupir, fixant l'extérieur. Un éclair s'abattit soudainement sur la statue en or qui le représentait au milieu des jardins du château. Surpris, il eut un sursaut et tomba en arrière. Il se redressa d'un bond tandis que le tonnerre grondait. Un second éclair frappa la statue et le souverain fronça les sourcils. Etait-ce là un signe ? L'homme n'aimait pas le sentiment qui l'envahissait. Il était pourtant connu que la foudre ne frappait jamais deux fois au même endroit. Il sortit de sa chambre en trombe et enfila une cape qui disposait d'une capuche.

-Père ? Ou allez-vous ? demanda Silo qui le voyait s'en aller.
-J'ai à faire ! Reste ici, lui ordonna-t-il tandis qu'il s'empressait d'aller aux écuries.

Une fois arrivé, il prépara un cheval. Il lui attacha sa selle et glissa le mors dans sa bouche. Il mit son pied dans l'étrier et grimpa sur le dos de l'animal.

-Mon roi ! Il n'est pas prudent de prendre un cheval, souffla le nouveau palefrenier royal qui vérifiait que la pluie n'endommageait pas l'écurie et que les chevaux étaient au sec.
-Peu importe ! C'est important ! s'exclama Tiphon. Hors de mon chemin ! fit-il en lançant son destrier à plein galop.

Le palefrenier s'écarta d'un bond, soupirant ensuite. Le roi était-il devenu fou ? Par un temps pareil, il n'était pas prudent de sortir et encore moins avec un cheval qui courait. La visibilité était faible lorsque la pluie était si violente et que le vent soufflait tant. Il semblait pourtant déterminé. Peut-être que le décès de sa femme l'avait affecté plus qu'il ne le montrait ? Le jeune homme secoua la tête et se remit au travail tandis que Tiphon s'éloignait du château. Il quitta rapidement Deos pour se retrouver dans la forêt qui l'avoisinait. En effet, il n'y voyait pas grand-chose. La pluie couvrait son visage et dégoulinait dans ses yeux. L'homme les frottait constamment et il baissa la tête, une branche manquant de le frapper dans la gorge. Cela aurait très certainement provoqué une chute violente et peut-être même se serait-il noyé dans une flaque d'eau. Il regarda un instant derrière lui, maudissant cette branche et lorsqu'il tourna la tête de nouveau devant lui, il y en eut une autre qui ne le manqua pas cette fois. Il tomba de son cheval, grognant de douleur alors que la pluie le couvrait. Il se tourna et se mit sur les genoux et les mains. L'homme reprit sa respiration avant de se relever. Il chercha après le canasson, mais il avait poursuivi la route seul. Il grogna de frustration, cherchant un abri. Le roi vit la foudre s'attaquer à un arbre et une branche s'écrasa au sol. Tiphon l'évita de justesse. Il continua d'avancer, cherchant où se cacher de la pluie et de l'orage. Il vit alors le tronc d'un arbre ouvert, lui offrant refuge. Il se glissa dedans et soupira.

-Les dieux s'acharnent, grogna-t-il, voyant que la pluie ne semblait pas se calmer. Cessez cette pluie infernale ! cria Tiphon en regardant vers les nuages sombres.

Le tonnerre gronda et il bougonna, restant dans son arbre. Il espérait que la pluie calmerait rapidement ses ardeurs puisqu'il commençait à avoir froid, étant trempé de la tête aux pieds. Il détestait la pluie. Il venait de Sand qui était entouré par un énorme désert... La pluie, il ne la connaissait que peu et en prenant Deos, il savait que le nord était aussi chaud que Sand contrairement au continent d'Ateleio ou au reste de Notos, d'où il venait. Il n'y avait que Sand et son désert qui étaient chauds dans cette partie du monde. Ateleio était glacial lui. Le Sud n'avait donc rien d'agréable pour le roi. La dernière fois qu'il avait tant plu était la nuit où les Rexaron avaient disparu. Tiphon commençait à penser que c'était un présage, que les dieux le prévenaient, mais il secoua la tête, chassant cette idée de son esprit. Ce n'était que pure coïncidence. Il ne pleuvait que rarement à Deos, mais cela ne voulait pas dire que ça n'arrivait pas tous les dix ans à une telle abondance pour rafraichir les terres. Un cadeau des dieux plutôt qu'une punition. C'était ça. Cette pensée le reconfortait.

Voyant que la pluie refusait de s'arrêter, il décida de sortir de sa cachette. Il mourrait de froid avant qu'elle cesse. Tiphon remit sa capuche bien qu'elle ne lui était pas tant utile. Il s'avançait sous les torrents, frissonnant de froid. Ses dents claquaient sans cesse. L'homme grognait, essayant de faire face au vent hostile qui lui gelait le nez et les lèvres. Il ne voyait que peu devant lui et essayait de se repérer au mieux dans la forêt. Il l'avait déjà parcourue plusieurs fois, mais il avait toujours eu du mal à savoir où il se trouvait exactement et le temps ne l'aidait en rien. Malgré tout, il poursuivait sa route, refusant d'abandonner. Il fallait qu'il atteigne son but. C'était important, vraiment. Il cherchait une prêtresse noire avec qui il avait déjà fait affaire. Il fallait qu'il lui parle, qu'il sache ce que tout ceci voulait dire. Il avait une sensation désagréable et il se devait de la faire s'évanouir sinon elle finirait par prendre le contrôle et il serait maîtrisé par ses angoisses.

Après deux longues heures de marche sous la pluie et dans le vent, il finit par enfin trouver la maison qu'il cherchait, celle de la sorcière. Il frappa à sa porte et elle s'ouvrit dans la seconde. Il entra, retirant sa capuche avant de se débarrasser de sa cape gorgée d'eau.

-Je vous attendais, souffla la prêtresse.
-Vous n'êtes jamais prise par surprise, vous, dit-il simplement.
-En effet, affirma la femme avant de le regarder droit dans les yeux. Les dieux sont en colère...
-C'est ce que je craignais, mais savez-vous pour quelle raison ? demanda Tiphon en s'asseyant sur une chaise.
-Je ne les ai pas consultés, mais il suffit de voir l'état du ciel pour le deviner... répondit-elle.
-Alors consultez les ! Demandez leur la raison de leur colère, grogna l'homme.

La prétresse leva les yeux au ciel et elle prépara de quoi faire un feu. Elle jeta une poudre une fois les flammes hautes dans la cheminée et elles changèrent de couleur, devenant vertes. Elle prit une grande inspiration et ferma les yeux avant de commencer à parler, s'exprimant en kanitras, la langue des prêtresses et de Kannibala, un village dans les îles d'Apeliote d'où venaient les prêtresses noires.

-Nu olis prayajakoriaris bijala Godeus y Godeas, olajad y alajad. Givakoriaran mi powaki dim zefojoria. Givakoriaran nuna mia seka divina, chanta la femme avant d'entrer en transe.

The Lost Kingdom [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant