Chapitre LXXXIV

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Le navire pirate, la grande voile noire au vent, voguait vers Izila Tsa Booskarr. Littéralement, l'île de Booskarr. Contrairement à leur première rencontre, les pirates ne les avait pas enfermés, mieux, ils les avaient libérés de leurs chaînes qui les entravaient toujours, les avaient nourris et réhydrater. Ils avaient même soigné leurs blessures. C'était une toute autre rencontre comparée à leur première. Tiomah et Rhiannon avaient énormément de chance de s'en être sortis. 

Le soir de leur fuite, ils avaient été interpellés par des gardes qui veillaient à ce que les esclaves ne puissent pas fuir. Tiomah avait préféré éviter la confrontation puisque la princesse n'était pas en état de se battre. Il aurait pu lui prendre l'épée de la jeune femme et se battre avec eux mais c'était aussi prendre le risque de rameuter d'autres gardes. Ils avaient donc préféré fuir. En les poursuivant, un garde avait attrapé Rhiannon par le bras et elle s'était prit un coup d'épée sur la hanche, coupant sa ceinture. Tiomah l'avait tirée au bon moment pour que l'attaque ne lui soit pas fatale. Ils avaient ensuite trouvé un cheval, attaché là, sans propriétaire. Ils l'avaient donc volé, fuyant sur son dos. Dans le feu de l'action, Rhiannon n'avait pas pu récupérer son épée et avait donc du l'abandonner. Elle était frustrée de l'avoir perdue et avait râlé quelques jours bien qu'elle avait fini par passer à autre chose. Après plusieurs jours à se cacher, Tiomah essayant de soigner ses blessures du mieux possible, sachant que celle provoquée par la lance dans l'arène s'était réouverte. Il avait réussi à la stabiliser et ils purent prendre une barque, ou plutôt la voler elle aussi, abandonnant le cheval. Ils s'étaient d'abord arrêter sur une petite île qui n'était pas habitée. Le jeune homme s'était chargé de trouver des fruits pour qu'ils puissent manger et une source d'eau potable. N'ayant rien pour la récupérer, il avait improvisé des paniers avec de grandes feuilles. Ils avaient ensuite reprit la route pour Izila mais la mer n'était pas avec eux. Elle était calme ou les courants les repoussaient vers les villes esclaves. Ils s'étaient donc fatigués jour après jour, pendant un mois environ, n'ayant fait que la moitié du trajet. Ne pensant pas que ça prendrait aussi longtemps, Tiomah n'avait pas prévu assez d'eau ou de nourriture. Ils avaient vider leurs stocks, même en essayant de faire attention. Ils s'étaient donc retrouvés au milieu de la mer des îles, sans eau potable et sans nourriture. Le soleil brûlant leur peau jour après jour. Le bateau pirate les avait sauvé en débarquant de la sorte, au moment opportun. Cependant, Tiomah avait vraiment eu peur pour Rhiannon qui avait coulé après s'être cognée. Lorsqu'ils l'avaient repêchée, elle ne respirait plus et le jeune homme avait tout fait pour la réanimer. Les pirates lui avait dit de lâcher l'affaire, que c'était trop tard et à peine quelques secondes après ces paroles défaitistes, elle était revenue à elle, crachant l'eau qui s'était infiltrée dans ses poumons. 

Les pirates auraient très bien pu les emprisonner à nouveau et les renvoyer chez leur maître mais ils en avaient décidé autrement. Le chef des pirates, à qui Rhiannon rappelait sa fille décédée, était présent sur le navire. Il avait donc ordonné qu'ils soient bien traités, nourris et loger comme tous. Les deux avaient donc pu se reposer pendant plusieurs jours alors qu'ils approchaient de l'île d'où venait Tiomah. 

Dans son hamac, Rhiannon se balançait légèrement, bercée par les vagues qui poussaient le bateau. Elle en sortit, laissant le Booskarri dormir tranquillement. Elle s'était assez reposer et elle voulait comprendre pour quelle raison le chef ne les capturait pas à nouveau. Elle sortit donc de la cale où ils dormaient pour remonter sur le pont. Elle demanda où se trouvait le capitaine du navire et il était dans sa cabine. Un pirate l'amena devant et s'éloigna ensuite. Rhiannon frappa doucement à la porte, bien qu'assez fort pour qu'il l'entende.

-Entrez, dit-il simplement.

Rhiannon poussa la porte et elle s'avança, cherchant un siège. Elle en trouva un en face de son bureau et elle le tira, s'installant dessus.

-Tu te sens mieux gamine ? demanda-t-il en l'observant. Les arènes n'ont pas été douces avec toi, mh ?
-Oui, merci, répondit-elle d'abord avant d'hausser les épaules au sujet de la vie qu'ils avaient mené à Nekruse. 
-Qu'est-ce qui t'amène dans ma cabine ? fit-il, curieux.
-Pourquoi ? Pourquoi ne pas nous mettre au fond d'une cale ? Pourquoi nous traiter comme vos égaux ? l'interrogea-t-elle.

L'homme laissa un léger rire gras s'échapper de ses lèvres, la regardant en souriant ensuite.

-Tu préfèrerais y retourner ? demanda-t-il amusé.
-Non. Mais je ne comprends pas... souffla-t-elle.
-Et pourquoi pas ? dit-il en haussant les épaules. Vois-tu, je trouvais déjà dommage que tu aies été emprisonnée la première fois. Une personne aussi douce que toi n'a rien à faire comme prisonnière. Je ne pouvais pas te libérer sous peine que tous demandent à l'être et que mes hommes me prennent pour un faible mais...
-Pourquoi tous les hommes que je rencontre pensent que la clémence est un signe de faiblesse ? soupira Rhiannon. Toute ma vie, ou une grosse partie du moins, des gens ont cherché à me tuer, encore et encore...
-Comment ça ? Pourquoi chercherait-on à te tuer ? fit-il en haussant un sourcil.
-Vous savez garder un secret ? demanda-t-elle.
-Et bien, je suis un pirate mais je sais me taire quand il faut. Tu as ma parole, dit-il en souriant.
-Je ne m'appelle pas Myla ou gamine, dit-elle avant de sourire à son tour. Il y a presque douze ans, j'aurai dû mourir avec les miens dans ce château qui était ma maison... Je suis la princesse Rhiannon...
-J'ai entendu des rumeurs à ton sujet mais je n'y croyais pas. Pourtant, je savais qu'il y avait quelque chose de particulier chez toi. Une aura... Quelque chose... affirma le capitaine.
-Si vous le dites, dit-elle en haussant les épaules. J'ai réussi à fuir et Tiphon a laissé croire au monde que j'étais morte. Un jour, le village qui m'avait recueilli, mes parents adoptif, mes amis, ont été attaqué par ma faute et j'ai fuit à nouveau. J'ai été recueillie par une rébellion. Tiphon a ensuite découvert par je ne sais quel miracle que j'étais bien en vie et il a cherché à me tuer en massacrant toutes les filles aux yeux bleus et aux cheveux bruns sur son passage. Ensuite, la rébellion dans laquelle je me trouvais à été attaquée et j'ai été séparée d'eux. Ils sont tous morts sauf moi, souffla-t-elle. Grâce à celle que j'aimais, je suis en vie. Ensuite, je me suis retrouvée à la Cité d'or où je suis devenue aveugle mais j'ai rencontré une femme qui m'a aidée à apprendre à me battre malgré la cécité. Un peu avant ça, j'ai été confrontée au roi. J'ai su utiliser les mots pour le convaincre que je n'étais pas celle qu'il cherchait et puisque j'étais aveugle, il y a cru. C'est la première fois qu'il a fait preuve de clémence, je suppose du moins... Et puis, je suis partie pour Meridie et j'ai fini dans une cale, à mourir de faim et j'ai entendu un homme se faire manger. Et vous connaissez le reste de l'histoire... lui raconta la jeune femme. Que pensez-vous que je ressens ? demanda-t-elle.
-Et bien, une telle vie ne peut que conduire à la haine, à la colère et au désir de vengeance, en conclut le pirate. Comptes-tu me tuer ? 
-Non. Je suis sereine. Est-ce que cela fait de moi quelqu'un de faible ? J'en doute. Certes, ma vie est un périple pénible où la mort ne fait que m'entourer. Je suis fatiguée de tout ça mais je n'ai pas l'intention de vous tuer, ni vous, ni les autres, affirma-t-elle. Je ne laisse pas ces sentiments me guider. Évidemment que je ressens de la colère, de la frustration, de la haine même mais ce n'est pas ce qui doit me définir. J'ai envie de me venger mais le seul que je veux tuer, c'est Tiphon. Je vais récupérer le trône qui appartenait à ma famille et libérer les neuf royaumes. C'est mon destin mais je ne sèmerai pas la mort sans raison. Je n'y prends aucun plaisir. Comme dans cet arène, je n'avais simplement pas le choix. Leur vie ou la mienne, j'ai choisi de vivre, répondit-elle avec un calme à toute épreuve. 
-Tu n'es pas au courant ? Tiphon est mort. Silo, son fils, a reprit le trône. Tout le monde sait mais tout le monde se tait. Silo a tué son père, l'informa l'homme.
-Devenu trop bon et donc trop faible ? demanda-t-elle en haussant un sourcil.
-J'imagine que c'est ça, oui. Tiphon avait réellement changé. Peut-être même grâce à toi si tu es réellement son premier geste de bonté... affirma-t-il.
-Et comment se passe le règne sous Silo ? poursuivit Rhiannon.
-Oh... C'est horrible. Nous ne sommes pas touchés puisque ses hommes ne viennent pas jusqu'à Peira mais j'ai entendu des choses qui n'étaient pas jolies. Il demande des impôts qu'il sait impossible à payer, la famine se répand dans les royaumes, il fait massacrer ceux qui ne paient pas et il est entré en guerre avec Orien, lui dévoila le capitaine.
-Alors Tiphon ou Silo, ça n'a pas grande importance. Je désire me venger, je dois bien l'admettre mais je veux surtout libérer les neuf royaumes. La vengeance ne les fera pas revenir mais je peux au moins sauver tous les autres, déclara-t-elle. 
-J'imagine que le monde ne s'en portera que mieux, souffla-t-il.
-C'est mon destin. C'est ce que je dois accomplir, dit-elle, sûre d'elle. Mais je ne pourrais pas le faire seule. J'aurai besoin d'aide, surtout si les royaumes sont en guerre. Il va falloir que nous les aidions... 
-Et... Tu veux que nous, les horribles pirates, nous t'aidions ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
-Pourquoi pas ? Si vous avez des hommes prêts à se racheter une conduite, des hommes qui veulent faire quelque chose de bien, alors je les accueillerai à bras ouverts, proposa-t-elle. La rébellion n'est plus mais rien ne nous empêche de la reconstruire. Je sais que Nyala voudrait que je me batte jusqu'au bout, affirma la jeune femme.
-Et bien... Je ne sais pas gamine... souffla-t-il doucement.
-Si je parviens à reprendre le trône, je vous offrirai tout ce qui est nécessaire pour vivre sans plus avoir à vendre de pauvres gens qui n'ont rien demandé, promit la jeune femme en se levant.

Elle ne voulait pas insister ou lui forcer la main. Elle avait proposé mais il avait le droit de refuser et elle ne lui en tiendrait pas rigueur bien qu'elle ne laisserait plus les pirates agir impunément si elle venait à être sur le trône.

-Terre en vue ! s'exclama un pirate à l'extérieur.
-Je suppose que nos chemins se séparent ici. Merci pour votre aide, vous nous avez sauvés d'une mort certaine, dit-elle simplement en sortant de la cabine.

Les pirates n'avaient pas le droit d'approcher de trop d'Izila Tsa Booskarr où ils se faisaient attaquer donc ils restaient là. Il fallait donc qu'ils terminent à la nage mais le capitaine sortit de sa cabine.

-Donnez leur un canot, ordonna-t-il avant de poser les yeux sur Rhiannon. Je ne te promets rien mais reviens à Peira. Parle à mes hommes et s'ils veulent se battre à tes côtés, je les laisserai partir mais c'est à toi de les convaincre gamine, proposa-t-il.
-Est-ce que vous accepteriez de ramener tous vos bateaux et de cesser de capturer des gens innocents ? demanda-t-elle.
-Pour l'instant, je peux accepter mais si tu ne récupères pas ton trône, nous continuerons, affirma le pirate.
-Ca me va, dit-elle simplement. Merci, ajouta la jeune femme avant d'embarquer dans le canot qui fut ensuite descendu dans l'eau. 

Tiomah prit les rames et il s'éloigna du navire sans hésiter. Il craignait qu'ils changent d'avis mais Rhiannon était calme puisqu'elle savait qu'ils ne le feraient pas. Le capitaine, le chef des pirates, l'appréciait. C'était évident. Il avait donc accepté de les laisser s'en aller sans encombre. Tiomah pouvait voir son île bien qu'ils étaient encore loin. Il allait devoir ramer deux ou trois heures avant d'atteindre le port marchand. Il était impatient de retrouver les siens après tout ce temps passé en mer et dans l'arène de Nekruse. 

-Dashak Rhiannon, souffla-t-il en la regardant, alors qu'elle profitait de la brise, les yeux fermés.

La jeune femme eut un sourire en entendant ces mots. Elle avait réussi à tenir sa promesse. Ils étaient en vie et Tiomah rentrait chez lui.

-Ja mih verloro mih gaholjalom krih, souffla-t-elle, un sourie aux lèvres.

Tiomah sourit à son tour, ramant à nouveau vers Izila Tsa Booskarr.

The Lost Kingdom [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant