Chapitre CVIII

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Une nouvelle journée se levait sur Antarsia. Les récoltes étaient bientôt prêtes et il était temps puisque la nourriture manquait vraiment. Ils avaient eu une réponse négative de Terragi bien qu'ils le regrettaient. C'était uniquement car même dans les zones où la nourriture était abondante, les choses se compliquaient. Nyala n'avait aucune rancoeur. Elle avait demandé et ils avaient refusé mais elle comprenait parfaitement leurs raisons. Ils devaient bien nourrir leurs soldats en cas de nouvelle bataille et le peuple ne devait pas en pâtir non plus donc leur refus était compréhensible bien qu'embêtant. Depuis la mise en place du cadenas et des gardes, il n'y avait plus de vol mais malheureusement, en une semaine, les voleurs, probablement nombreux, avaient considérablement réduit la nourriture pour tout le monde. Nyala était en colère contre eux puisqu'ils n'avaient pas pu tenir ne serait-ce que jusque vers la fin du jeûne intermittent. De plus, elle était énervée contre elle-même car elle avait probablement mal calculé les portions. Elle n'y pouvait grand chose puisque c'était approximatif dès le départ mais ça n'empêchait pas qu'elle s'en veuille. C'était honteux et la cheffe aurait bien eu envie de tous les bannir mais elle avait préféré éviter que tous commencent à se vendre les uns et les autres, brisant davantage l'union déjà fragile de la rébellion. Depuis un moment, les rebelles ne semblaient plus faire confiance à leur supérieure. Elle en connaissait la raison mais elle trouvait cela complètement ridicule. Les soldats de l'armée royale étaient toujours mal vu par un certain nombre d'entre eux alors qu'ils avaient largement fait leurs preuves, tentant de s'intégrer le mieux possible. La situation était donc quelque peu compliquée mais elle espérait qu'avec le retour des repas chaque jour, les rebelles allaient un peu se calmer. Depuis que le manque de nourriture s'était installé à Antarsia, ils avaient agrandis leurs champs pour que les choses se passent mieux à l'avenir et ils avaient déjà replanté en conséquences pour avoir de la nourriture sans plus jamais en manquer. Certes, c'était principalement des pommes de terres mais c'était mieux que rien. Ils avaient aussi planté des plants de tomates pour avoir un peu plus de goût dans les plats. Nyala essayait vraiment de tout faire pour que les choses se passent au mieux. Elle espérait que les pommes de terre seraient nombreuses, même bien plus que ça, pour pouvoir diversifier à nouveau la nourriture des rebelles. 

Nyala avait prit le temps de compter ce qu'il leur restait et malheureusement, ils allaient devoir se passer de nourriture pendant une semaine en continuant de manger une fois sur deux. C'était à ça que Nyala comprenait que beaucoup avaient volé et en énorme quantité. Elle ne vérifiait pas le garde-manger, faisant confiance aux rebelles et elle le regrettait amèrement. Elle ne pouvait plus nourrir tout le monde sans qu'ils ne meurent de faim pendant une semaine, tous. Elle grogna en s'éloignant de la nourriture après avoir bien refermé la porte. Kassandra était à ses côtés, restant silencieuse face à la colère de la cheffe. Elle ne savait pas quoi dire pour la réconforter et cela la frustrait autant que Nyala l'était à cause du manque de vivre. Elle soupira donc tandis que Nyala grinçait des dents. Ils allaient devoir abattre leurs animaux si cela continuait et ce n'était pas le but. Il leur fallait leurs vaches pour le lait et les cochons, certes étaient de la nourriture mais ils servaient aussi à se débarrasser de tous les déchets de nourriture pour éviter que la puanteur ne s'installe dans le village rebelle. Les poules servaient aux œufs et il était donc préférable de les garder, elles aussi. Alors qu'elle marchait, restant dans ses pensées, Ny vint lui attraper le pantalon, tirant dessus.

-Qu'est-ce que..? souffla-t-elle en baissant les yeux. Qu'est-ce que tu me veux, mh ? demanda-t-elle en se baissant pour le prendre dans ses bras.

Le chiot avait bien grandit et ses frères et sœurs aussi. Tous avaient trouvés un foyer et se baladaient librement dans le village lorsqu'il faisait jour. Les enfants les adoraient et jouaient avec. C'était au moins quelque chose de positif. Elle chercha donc après Rhiannon pour lui rendre son chiot qui était venu l'embêter. 

-Rhiannon ! Ton chien ! s'exclama Nyala en la voyant au loin. Il est encore venu m'emmerder !

La princesse se retourna et vit Ny dans les bras de la jeune femme. Elle s'approcha et le récupéra, venant le caresser.

-Faut que tu arrêtes de l'embêter, mh ? C'est pas bien tu sais ? Oui, oui ! C'est pas bien ! C'est pas parce que t'es trop mignon, oh que tu es mignon, que tu peux l'embêter, le gronda-t-elle sans aucune crédibilité, caressant le petit bidon du chien.
-Tu serais une très mauvaise mère, tu le sais ça ? demanda Nyala amusée.
-Ouh boudouboudou ! Le petit chien trop mignon, doudidou ! fit-elle avant de lever les yeux vers Nyala. Tu m'as parlé ? 

Nyala leva les yeux au ciel en riant et secouant la tête, amusée, avant de soupirer doucement.

-Quelque chose ne va pas ? fit Rhiannon, fronçant les sourcils.
-Si, si. Tout va bien, répondit-elle en lui souriant.
-Tu mens aussi mal que je suis une mauvaise mère ! affirma la princesse.
-Ah ! T'avais très bien entendu en fait ! s'exclama Nyala avant de rire légèrement. Ce n'est rien. Je ne peux rien y faire de toute façon, souffla-t-elle finalement.
-Explique-moi tout, dit-elle avant de regarder par-dessus l'épaule de Nyala. Bonjour Kassandra, la remarqua-t-elle avant de sourire.
-Bonjour, soupira la jeune femme avant de s'éloigner, voyant que Nyala ne semblait pas avoir envie de lui parler.
-Oh... Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Rhiannon, perplexe.
-Je ne sais pas. Tout allait bien, affirma la jeune femme.
-Hmm... T'as essayé de lui parler à elle de ce qui t'embête ? l'interrogea-t-elle.
-Elle l'a vu comme moi donc non, elle le sait déjà mais elle n'a rien dit, rétorqua Nyala, haussant les épaules.
-Mh... Bon ! Et qu'est-ce qui te tracasse ? reprit la princesse.
-La nourriture. Ils sont bien plus nombreux à avoir volé que je le pensais... On va devoir se priver de manger pendant une semaine, tous, à cause de ces égoïstes, expliqua-t-elle simplement.
-C'est un problème... Déjà un jour c'est compliqué alors une semaine... soupira Rhiannon.
-Exactement. Terragi ne nous aidera pas donc nous sommes coincés. Nous n'avons presque plus de poisson, plus de viande, bientôt plus de légumes ni de pommes de terre. C'est la fin, grogna Nyala, frustrée par la situation.
-Divise les portions, proposa la jeune femme.
-Ils ne voudront jamais. C'est déjà pas grand chose alors si je divise tout pour tenir jusqu'aux récoltes... répondit-elle avant d'être interrompue.
-Tu es leur cheffe. Tu dois t'imposer. Je comprends que tu veuilles contenter tout le monde et éviter de fragiliser le lien qui nous unit tous mais qu'ils s'en prennent aux voleurs. Tu as tout fait pour que les choses se passent bien et tu n'es pas responsable de l'égoïsme d'autrui, répliqua Rhiannon qui la soutenait et la conseillait. 
-Je sais que tu as raison mais j'ai déjà du mal à me faire obéir depuis un moment. Ils râlent pour tout et n'importe quoi depuis que les soldats sont arrivés dans nos rangs. Je n'ai pas envie que tout parte en éclat, expliqua Nyala.
-Ceux qui ne comprennent pas, ou plutôt refuse de comprendre, ne mérite pas que tu t'inquiètes. Quoi qu'il se passe, tu auras toujours dix-huit milles hommes et femmes prêts à se battre avec toi et je ne pense pas que les soldats partiront donc quoi ? Vingt-deux milles au lieu de vingt-cinq ? Certes, c'est une grosse perte et chaque personne est importante mais ceux qui refusent de se plier aux règles, ceux qui laissent parler leur égoïsme... Eux, ils ne seront pas utiles sur un champ de bataille. Je te le garantis. Ce seront les premiers à fuir devant l'adversité, laissant la peur et leur instinct de survie parler, oubliant la loyauté et l'honneur, rétorqua Rhiannon, ne mâchant pas ses mots.
-Ils se battent pour toi, souffla la cheffe.
-Et je me bats avec toi, affirma-t-elle en posant sa main sur sa joue. C'est normal que tu doutes sinon tu serais une mauvaise cheffe mais ne laisse pas le doute s'immiscer dans ta tête. Tu fais tout pour eux et s'ils ne sont pas reconnaissants, laisse les partir. Ils n'en valent pas la peine. Tu es une excellente dirigeante Nyala alors aies confiance. Cependant, pour te délester un peu de tout ça, je vais demander aux miens s'ils accepteraient de ne pas manger pendant trois jours au lieu d'un seul. Après tout, les rebelles nous prennent pour responsable donc autant leur montrer que nous sommes de bonne foi et que, avant tout, nous sommes tous alliés ici, proposa Rhiannon.
-Non. Tu ne peux pas faire ça. Ils ne méritent pas ça... Ils vont avoir beaucoup trop faim et ce n'est pas juste ! Ce sont les miens qui ont volé, refusa Nyala.
-Peu importe. Nous sommes tous dans le même bateau et s'il le faut, pour apaiser les tensions, alors je leur demanderai. Ceux qui refuseront auront leur repas, comme d'habitude mais cela pourrait potentiellement sauver un peu la situation, la rassura la jeune femme en souriant. Tiomah, tu as entendu ? demanda-t-elle, sachant qu'il était derrière elle alors qu'elle retirait sa main de la joue de Nyala.
-Sila, répondit le jeune homme avant de se lever. Booskarriz ! Trunakajiruro ! Masi preh wazlumar atirali horual kio ari ova karr ! Klasrumir wasi tsa rhalje kum dja ? demanda-t-il.

Les Booskarris hochèrent la tête, connaissant la situation. 

-Précise que les autres mangeront comme d'habitude, dit-elle à Tiomah qui hocha la tête.
-Lokr orthraz preh horualen koiramja kio ari ova lup. Klasrumir wasi koiramja tsa rhalje ? poursuivit le jeune homme comme l'avait demandé Rhiannon.
-Stroa klasrumtu kijuronanz, kre stroa horualen, s'exclama un Booskarri.
-Je t'avais dit qu'ils refuseraient, dit-elle avant d'entendre des rires.
-Non. Il a dit ils sont faibles, qu'ils mangent, affirma la jeune femme. Ils s'en fichent. Ils sont robustes et ils comprennent la situation. Ils savent que ce n'est que temporaire, poursuivit-elle ensuite.
-Vraiment ? souffla-t-elle, surprise qu'ils acceptent aussi aisément.
-Rhiannon est notre reine. Elle demande, on exécute, lança Tiomah en souriant.
-Merci, lui répondit Nyala, un léger sourire aux lèvres. Comment dit-on merci en Booskarr ? demanda-t-elle ensuite à Rhiannon.
-Dashak, dit simplement la princesse.
-Dashak ! s'exclama-t-elle pour que les Booskarris entendent.
-Tsa nashdi, répondit celui qui avait répondu au nom de tous.
-De rien, traduit Rhiannon en lui souriant.
-Tu as vraiment su t'entourer de bonnes personnes, souffla-t-elle, doutant davantage de ses aptitudes de cheffe.
-Et toi aussi, n'en doute pas. Ceux qui ne sont pas prêts à te suivre entièrement ne sont qu'une minorité. Ne laisse pas ça te miner le moral, mh ? rétorqua-t-elle en lui souriant. 
-J'espère que tu as raison. Je commence sérieusement à douter, avoua Nyala.
-Je le sais. Je le vois. Ne doute pas. Je t'ai vue à l'œuvre et si je n'étais pas la princesse, je te voudrais sur le trône, affirma Rhiannon.
-Tu sais toujours trouver les mots, lui dit-elle en souriant. Merci Rhiannon. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.
-Tu serais la cheffe d'une rébellion, tu construirais un village tout entier et tu aurais plein de nourriture, plaisanta la jeune femme.

Nyala leva les yeux amusée. Elle s'approcha ensuite pour la prendre dans ses bras et la serrer contre elle. Rhiannon répondit à son étreinte, appréciant celle-ci. La cheffe des rebelles déposa ensuite un baiser sur sa joue avant de se reculer. La jeune femme s'éloigna ensuite de la princesse, retrouvant Kassandra qui semblait bouder dans son coin. 

-Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle à sa compagne, un léger sourire aux lèvres.
-C'est elle qui devrait être ta seconde. Je suis inutile, souffla Kassandra.
-Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es une excellente seconde, affirma Nyala. 
-Je n'ai pas su quoi te dire ni te trouver une solution et vu ton sourire, elle a trouvé, rétorqua-t-elle.
-Tu ne peux pas toujours me réconforter Kassandra... Tu n'as pas à porter ce poids sur tes épaules. Et c'est différent pour ce qui est de la solution. Tu ne pouvais pas demander aux Booskarris de ne manger qu'un jour sur quatre contrairement à elle, expliqua-t-elle en venant lui caresser la joue avec douceur. 
-Quoi ? Elle leur a demandé ça ? Mais... Ils vont mourir de faim, dit-elle surprise.
-Ils sont d'accord. Elle n'a pas eu à insister et pourtant, elle leur a laissé le choix, répondit Nyala avant de lui sourire. Ca nous sauve et cela ne durera pas longtemps. Deux petites semaines et nous pourrons récolter nos premières pommes de terre, poursuivit-elle enthousiaste.
-Son armée est... Impressionnante. Et nous tous, les autres ? Nous aussi ? demanda-t-elle, perplexe qu'ils acceptent si ce n'était pas le cas.
-Non. Nous aurons toujours un repas, un jour sur deux, affirma Nyala.
-Et ils ont accepté alors que ce n'est pas juste ? demanda-t-elle surprise.
-En effet... Je ne trouve pas ça équitable non plus et je lui ai dit mais elle a quand même fait la demande et ils ont quand même accepté alors qu'elle a tenu à ce qu'ils sachent que tous continueraient, à part eux, de manger comme d'habitude, expliqua la cheffe.
-Et ça fait combien de repas ? l'interrogea Kassandra.
-Dix milles environ, affirma-t-elle. Sur deux semaines, ça nous fait... À peu près trente milles repas de gagnés, calcula-t-elle ensuite. C'est donc largement suffisant pour nourrir tout le monde et économiser un maximum pour la suite.
-C'est une excellente nouvelle ! s'exclama-t-elle en souriant. 
-Je suis d'accord mais je pense que faire un bon repas, presque un petit festin, pour tous et les remercier ne serait pas de trop et cela remonterait sûrement le moral de tous mais nous allons d'abord voir ce que donne les récoltes avant de trop s'avancer, affirma Nyala qui pensait d'abord à l'avenir, ne voulant plus se précipiter.

Kassandra hocha la tête, lui souriant.

-Bon, je vais prévenir les cuisines. Je reviens bientôt, dit-elle avant de l'embrasser, s'éloignant.

La rebelle ne dit rien, répondant simplement à son baiser avant de regarder vers Rhiannon qui riait alors qu'elle discutait avec un jeune homme. Elle serra les dents, ne pouvant s'empêcher d'être jalouse. Elle comprenait bien mieux pourquoi Nyala était amoureuse de cette femme. Elle avait une aura spéciale, ce quelque chose qui ne s'expliquait pas. Elle restait radieuse et souriante malgré qu'elle prive ses propres hommes de manger et ils avaient, d'après Nyala, accepté sans broncher. Elle devait être importante et unique à leurs yeux pour qu'ils agissent de la sorte. Les rebelles étaient égoïstes et ne pensaient qu'à eux, refusant de s'accorder à la situation et rejetant la faute sur les nouveaux arrivants. Rhiannon avait tenu à être honnête avec les siens et à ce qu'ils sachent qu'ils allaient pâtir de la situation contrairement aux rebelles de Nyala. C'était une qualité importante. Il était certain que la jeune femme ferait une très bonne reine et cela frustrait Kassandra. Elle prenait conscience qu'elle ne lui arriverait jamais à la cheville. Elle s'efforçait de ne pas y penser pour être son amie et que Nyala ne souffre pas de sa jalousie mais cela s'avérait plus compliqué par moment. Kassandra n'était pas idiote. Elle savait pertinemment que Nyala n'allait pas vers la princesse par respect pour elle mais que si l'occasion s'était présentée sans sa présence, elle aurait sauté sur l'occasion. C'en était de même pour Rhiannon. Cela lui faisait mal de l'admettre mais elle était persuadée que Nyala finirait par craquer un jour et qu'elle allait la quitter pour elle. Elle soupira, se mordant l'intérieur des joues. Il ne fallait pas y penser et profiter de chaque instant que la vie lui offrait en la compagnie de celle qu'elle aimait mais c'était bien plus simple à dire qu'à faire...

The Lost Kingdom [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant