Chapitre L

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Le cavalier galopait entre les montagnes qui entouraient Montvono. Un long voyage de deux semaines s'était passé. L'émissaire avait fait au plus vite sans pour autant trop fatiguer sa monture. Il arriva devant un pont-levis et un garde donna l'ordre de le baisser. Il parcouru la ville sur son cheval, jusqu'aux portes du château. Il laissa l'animal aux soins du palefrenier royal et il entra dans l'habitat du lord. Se doutant que ce dernier était dans la grande salle, il y alla directement, préférant ne pas perdre de temps pour donner la réponse de la cheffe des rebelles. Ils avaient le temps avant qu'il n'envoie les hommes et femmes qui voulaient les rejoindre mais mieux ils seraient préparés et plus ils seraient efficaces et arriveraient sans encombre. 

-Lord Valerin, dit-il en le voyant debout, regardant par la fenêtre.

Meron Valerin se tourna et il posa les yeux sur son messager. Il s'approcha et attendit qu'il parle, sans dire un mot.

-Ils sont tout d'abord très heureux de la nouvelle, affirma l'homme. Ensuite, Nyala, leur cheffe, m'a demandé de vous faire parvenir ce message : envoyer vos hommes par centaine, chaque mois, durant un an à partir dans deux mois pour qu'ils arrivent lorsque leur dortoir soit prêt. Ils sont en train de construire les logements qui accueilleront les rebelles et les remparts qui les protégeront. Ils ont l'air d'avancer plutôt rapidement à mon humble avis, poursuivit-il.
-Je vois. Qu'il en soit ainsi, fit le lord. Parle-moi de cette Nyala et de la rébellion dans son ensemble...
-Et bien, Nyala était absente à mon arrivée. Le hasard a bien fait les choses puisqu'elle était de retour peu après moi. J'ai donc eu l'occasion de lui parler. Comme je vous l'ai dit, elle était heureuse de la nouvelle. Elle semblait même avoir du mal à y croire sur le moment. Ensuite, elle a prit le temps de rassembler des hommes pour discuter avec eux. Je suppose qu'il s'agissait des charpentiers puisqu'ils travaillaient sur le rempart et les dortoirs. C'est là qu'elle m'a donné sa réponse, expliqua l'émissaire. Je n'ai pas réellement prit le temps de discuter puisqu'un long voyage m'attendait, avoua-t-il. Cependant, elle m'a demandé, avant mon départ, si je ne manquais de rien. J'ai trouvé l'attention bienveillante de sa part. Je ne peux réellement m'avancer mais à première vue, elle semble être quelqu'un qui prend soin de ses alliés et qui sait être aux commandes. Je ne l'ai pas réellement vue à l'œuvre ceci dit donc je ne peux l'affirmer mais c'est ma première impression. Je ne pense pas que ce soit une erreur que d'envoyer ces gens à eux. Elle aurait pu ordonner qu'ils viennent le plus rapidement possible mais elle tient, je suppose, à ce que tous aient un endroit où dormir. Elle réfléchit avant d'agir et elle prend le temps, ne cédant pas à son impatience. Cela montre ses qualités de leader de mon point de vue, conclut-il sur Nyala.
-Bien. Merci pour ton compte rendu. Pour ce qui est de la rébellion ? demanda-t-il ensuite.
-Et bien, ils m'ont l'air d'être tous unis. Ils travaillent tous ensemble sur les constructions. Ceux qui ne s'en occupent pas ne restent pas sans rien faire. J'en ai vu nettoyer des armes, d'autres s'occuper des chevaux, certains à la préparation du repas pour tous... Ils semblent même avoir pour projet de faire des cultures pour pouvoir nourrir tout le monde à sa faim. Si j'avais décidé de m'y rendre plutôt que de rester à vos côtés, je dois bien admettre que je ne m'inquièterai pas de mon destin. Ils prennent le temps de se loger, se protéger, de pouvoir être prospère sans devoir demander à toutes leurs alliances tout et n'importe quoi... Cependant, le seul petit bémol est qu'il est évident que c'est une rébellion. Il n'y a que des hommes et des femmes, jeunes et vieux mais pas d'enfants. Ils ne ressemblent pas vraiment à un village. Je ne sais pas s'ils s'en fichent ou si Nyala compte changer cela. Ils sont cependant caché, pour l'instant, par des arbres, au cœur de la forêt. Si personne ne passe par là, ils ne seront pas vus mais ce n'est qu'un maigre paramètre pour rester dans l'ombre. Cela peut très bien changer. Je n'ai pas eu le temps, je ne l'ai pas pris plutôt, d'en savoir davantage mais personne ne semble inquiet de son sort. Il y avait de la joie, de la communion, du respect entre tous à première vue. Les chamailleries ne sont pas inévitables mais je doute que leur cheffe laisse la discorde venir nuire à la rébellion... expliqua-t-il, donnant toutes les informations qu'il avait pu capter lors de son bref passage chez les rebelles.
-Hmm... Je suppose que nous le saurons tôt ou tard... souffla Meron. Bien. J'imagine qu'il n'y a pas de raison de ne pas les envoyer. Si Nyala est réfléchie comme tu le dis, elle finira bien par se dire qu'ils ne ressemblent pas à un village et que l'évidence sautera aux yeux. Surtout que nous leur envoyons aussi des familles, avec des enfants. Laissons lui une chance... fit-il simplement.
-Est-ce que vous désirez que j'y retourne pour leur en parler ? demanda le cavalier.
-Non. Cela n'est pas nécessaire. J'ai déjà accepté de leur envoyer des hommes. Je le ferai, peu importe les conséquences, bien que j'espère qu'elles ne seront que positives, affirma le lord de Montvono.
-Votre sœur et votre père seront vengés, j'en suis certain. Il faudra probablement des années avant d'y parvenir mais tout vient à point à qui sait attendre... fit l'émissaire, souriant légèrement.
-Onze années ou vingt-et-une... Nous ne sommes plus à cela près, n'est-ce pas ? renchérit Meron.
-En effet, souffla-t-il.
-Bon. Et bien, je te remercie pour tes services. Tu es libre jusqu'à ta prochaine mission, affirma l'homme de pouvoir.
-Merci, mon lord, dit-il en s'inclinant avant de s'en aller par où il était arrivé.

Meron retourna à sa fenêtre, observant son royaume. Il ne pouvait s'empêcher d'avoir quelques réticences mais il refusait de retourner sa veste comme l'avaient fait les Jagor lors de la grande bataille. S'il disait qu'il envoyait des hommes alors il le faisait, malgré ses craintes. Il avait peur d'envoyer son peuple à la mort mais ils connaissaient les risques et ils étaient prêts à suivre ces rebelles. Il respectait leur choix et ne leur demanderait pas de se rétracter. Ils allaient se battre pour leur lady et leur ancien lord après tout. Il n'y avait pas plus noble cause que leur loyauté à toute épreuve. Il serra les poings en repensant à ceux qui l'avaient quitté bien trop tôt. Surtout Thera... Cette gamine pleine de vie, joyeuse, drôle, espiègle... Elle lui manquait horriblement. Il adorait sa sœur et elle n'avait pas mérité cette mort. Elle aurait dû avoir vingt-cinq ans déjà... Onze années qu'il était seul, à régner sur ces terres. Il avait encore sa mère mais cette dernière restait enfermée la plupart du temps. Melusine Reath... Elle avait perdu tout autant dans cette guerre. Son frère, son mari, sa fille et son neveu... Elle ne l'avait pas supporté. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle errait tel un fantôme dans les couloirs du château, ne disant rien à personne, jamais. Malgré toutes ses tentatives pour remonter le moral de sa mère et la sortir de cette dépression, rien n'avait fonctionné. Elle préférait rester dans cette chambre, pleurant les morts depuis toutes ces années. Meron était même surpris qu'elle ne se soit pas suicidée mais il en était reconnaissant. Il ne savait pas si c'était pour lui ou simplement parce qu'elle voulait, espérait, voir les Venom se faire renverser de son vivant. Cela importait peu. Elle était encore parmi eux même si c'était comme si elle était déjà morte depuis bien longtemps. 

Dans une énième tentative désespérée de faire sourire sa mère, Meron alla la voir dans ses appartements. Il frappa à la porte et l'ouvrit avant d'entrer. Sa mère était assise sur une chaise, fixant l'extérieur par la fenêtre. Il s'approcha et tira un siège à côté d'elle avant de s'asseoir. Le lord posa sa main sur la sienne et la serra délicatement.

-Mère ? souffla-t-il sans qu'elle ne détourne le regard de la vitre.

Meron poussa un léger soupir mais il continua malgré qu'elle ne réagisse pas, comme s'il n'était pas là.

-J'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer... Une rébellion est en place. Ils n'en sont qu'à leurs débuts mais ils ont un véritable potentiel. Ils ont pour objectif de détrôner les Venom... Tout comme père, dit-il, souriant tristement. Leurs morts seront vengées... Je vous en fais la promesse. Leurs crimes ne resteront pas impunis indéfiniment. J'espère que cela réchauffe un peu votre cœur meurtri... dit-il avant d'embrasser doucement sa tempe. Je voulais simplement vous le faire savoir, je vous laisse tranquille à présent, fit le jeune homme avant de se lever. 

Une main attrapa la sienne et Meron baissa les yeux dessus. Le lord était surpris mais il serra doucement ses doigts.

-Merci, souffla Melusine, les larmes aux yeux. Tu es un fils extraordinaire. Pardonne-moi de mon ingratitude, dit-elle ensuite, les larmes ayant coulés sur ses joues pâles.

Meron ne sut pas quoi dire. Elle n'avait plus prononcé un mot depuis des années et voilà qu'elle cédait enfin. Il se mit devant elle, accroupi et il vint serrer sa mère, posant sa tête sur ses cuisses. 

-Il n'y a rien à pardonner, mère. Votre tristesse explique votre silence mais je suis heureux de vous entendre me dire ces mots... souffla-t-il, réellement ému.

La femme caressa ses cheveux, observant son petit garçon qui était devenu un homme. Il avait dû monter au pouvoir tôt mais il avait géré le royaume à merveille. Elle pouvait le voir. Elle avait craint que tout cela lui ait fait oublier sa sœur et son père, son cousin aussi, mais il n'en était rien. Il avait toujours évité ce sujet avec elle mais voilà qu'elle découvrait qu'il avait gardé cela dans un coin de sa tête, attendant le moment propice. Melusine regrettait d'avoir manqué toutes ces années. Chaque jour. Elle en avait conscience mais elle n'arrivait pas à le regarder en face en se disant qu'il se fichait des vies perdues. De plus, il ressemblait fortement à son père et cela lui déchirait le cœur de revoir l'homme qu'elle avait tant aimé dans ses traits. Cependant, elle se rendait compte qu'il était peut-être temps de cesser de les pleurer. Meron était encore là et il faisait tout ce qu'il pouvait pour lui faire remonter la pente. Il lui parlait souvent, lui offrait des fleurs, la faisait sortir... Il avait sincèrement essayé. L'idée que les Venom puissent être punis lui redonnait de l'espoir. Même si cela datait et qu'elle aurait dû tourner la page, elle ne le pouvait. Sa chère petite Thera s'était faite massacrer par ces serpents et son tendre époux avait été tué durant la grande bataille. Sans compter que son neveu, ce pauvre Olivio, s'était fait égorger par son oncle. Cela avait causé la mort de sa belle-sœur qui avait préféré se tuer que d'affronter cela. Elle-même y avait pensé mais Meron restait dans un coin de sa tête. Il était la seule raison pour laquelle elle était encore en vie même si elle n'avait su lui parler et le regarder en face durant cette décennie. 

-Je n'aurais jamais dû t'abandonner de la sorte. J'ai perdu tout ce temps à tes côtés car je croyais que tu avais tourné la page, que tu te fichais de nos pertes et que le pouvoir t'intéressait... J'ai été stupide de penser cela. Après tout, tu es le fils de Johan... souffla-t-elle.
-Je n'oublierai jamais ce qu'ils ont fait subir à notre famille. Thera, père, Olivio... Aucun ne méritait ce qui leur est arrivé. Je me sentais impuissant. Je ne pouvais pas aller confronter les Venom mais les choses se mettent finalement en place. La rébellion, Terragi, nous... Nous ne sommes pas assez mais je suis sûr que la rébellion saura se faire d'autres alliés et grossir leurs rangs. Le moment opportun, nous frapperons et nous décapiterons ces serpents ! s'enflamma le jeune homme. Je t'en fais la promesse. Je t'apporterai la tête du serpent.

Melusine ne savait quoi répondre face à la détermination et l'espoir de son fils. Elle le releva avec elle et elle le prit simplement dans ses bras. Elle s'en voulait d'avoir agit de cette façon avec lui mais elle découvrait l'homme qu'il était devenu à travers ces paroles. Cela lui redonnait de l'espoir et elle était persuadée que son enfant ne faisait pas ces promesses en l'air. Les Venom allaient payer.

The Lost Kingdom [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant