Le soleil commençait à se coucher sur la splendide Deos. La journée avait été en l'honneur du prince puisque c'était son anniversaire. Un petit banquet avait été donné pour fêter cela. Il reçu plusieurs cadeaux mais il attendait le meilleur de tous. Seul son cher père pouvait lui offrir ce dernier. Préférant avoir un petit moment privilégié avec son paternel, Silo lui proposa de dîner ensemble dans la soirée et Tiphon accepta sans hésiter. Silo était tout ce qu'il lui restait donc il ne pouvait refuser la proposition, voulant faire plaisir à son fils. Les deux hommes étaient installés à une table, chacun au bout de celle-ci. Le repas se faisait dans le silence, Silo ne prononçant pas un mot. Le roi voulait faire plaisir à son fils bien qu'il ne comprenait pas vraiment pourquoi dîner s'ils ne discutaient pas un minimum. Il décida donc de démarrer la conversation.
-Je suis navré Silo. Je n'ai trouvé aucune idée de cadeau cette année. Il faut dire que tu as déjà tout, fit le père avant de lui sourire.
-Oh... Ce n'est rien, fit-il en se levant avant de servir du vin à son père.
Tiphon prit la coupe et but quelques gorgées alors que le prince retournait à sa place. Il posa la cruche devant lui, observant l'homme en face de lui.
-Très bon vin. Où l'as-tu... l'as-tu... bégaya-t-il, sentant qu'il avait du mal à respirer.
-Tu m'offres le meilleur cadeau au monde, souffla Silo, un sourire au coin des lèvres. Le trône.
Le souverain fronça les sourcils en entendant ces paroles avant de comprendre ce qu'il venait de faire. Il ne s'était douté de rien. Absolument rien et pourtant cela ne l'étonnait pas de son fils.
-Du... du poi... poison, grogna-t-il difficilement.
-Exactement. Tu seras mort dans quelques minutes et les neuf royaumes m'appartiendront. Tu n'es plus digne de régner. Tu es devenu faible. Tu as laissé la princesse t'échapper et tu as gardé le secret pendant bien des années. Tu as réparé cette erreur, certes mais tu en commets tant d'autres. Comme laisser cette prêtresse te dicter ce que tu dois faire. Tu fais honte à notre nom. Ensuite, cette histoire de rebelles. Tu les laisses vivre alors qu'il menace ta propre vie ? Quel genre d'homme es-tu devenu ? Un lâche, faible et idiot. Un pauvre fou, lui balança le jeune prince. Tu me dégoûtes. Tu n'es plus le père que j'admirais tant. Tu ne mérites donc plus le trône mais ne t'en fais pas. Je m'en occuperai très bien. Je vais rétablir l'ordre des choses. La terreur va reprendre sa place en ce monde.
-Si... Silo... souffla-t-il, le regardant avec mépris. Ne, ne fais... pas ça...
-Ta mort est si belle à regarder, dit-il amusé, ne le quittant pas des yeux.
Tiphon observait son fils tandis qu'il étouffait. La prêtresse lui avait dit que Rhiannon ne serait plus la cause de sa mort mais il n'avait, après ça, jamais pensé à demander à Asuntina qui ou quoi en serait à l'origine. Peut-être aurait-elle pu le prévenir mais il était trop tard. L'air pénétrait difficilement dans ses poumons tandis que tous ses regrets remontaient à la surface. L'homme qu'il était devenu ces derniers mois était celui qu'il aurait toujours dû être. Lors de son enfance, le roi était un jeune garçon doux. Il désirait la paix et offrir de la joie dans le monde. Cependant, son père, Jael Venom, refusait que son fils soit de cette trempe. Il ne cessait de répéter qu'il ne laisserait jamais un de ses enfants devenir comme les Rexaron. Il ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par là à l'époque et en grandissant, son père déformait sa vision. Il l'obligeait à aimer la haine, la peur, la colère et à embrasser ces émotions, les accepter et rejeter toute forme de bonté, de douceur, de tendresse, de joie... Il se souvenait de la première fois qu'il avait dû tuer un homme de ses mains. Jael avait été insulté par un homme dans ville natale, à Sand. Il l'avait amené à Tiphon qui n'était encore qu'un jeune garçon. Il lui avait ordonné de laver l'honneur de son père en le tuant. Le futur lord de Sand ne comprenait pas pourquoi une insulte lui valait la mort. Il avait refusé et son père l'avait passé à tabac. Une heure durant, il le fouetta avec sa ceinture jusqu'à ce que son dos soit couvert de sang. Il l'avait ensuite à nouveau amené devant cet homme, lui assurant que c'était de sa faute s'il avait été puni de la sorte. Tiphon avait pourtant refusé à nouveau et il le frappa encore et encore, lui répétant sans cesse de laisser la colère et la haine l'emporter, de les laisser s'exprimer à travers ses paroles et ses actes. Malgré tout, il refusa une troisième fois. Jael passa une journée entière à torturer son fils, lui répétant que seules la colère et la haine qu'il ressentait allaient le mener loin. Que seules ces émotions allaient faire de lui quelqu'un. Une quatrième fois, il fut amené devant le prisonnier. Il était fou de rage. Pas contre ce pauvre homme qui avait insulté la mauvaise personne mais contre son propre père. Il le haïssait profondément. Le besoin de décharger sa colère avait eut raison de lui et il céda, tuant l'homme en lui tranchant la gorge. Là, Jael s'approcha et il prit son fils, qui n'avait que douze ans à cette époque, dans ses bras et il le serra contre lui, lui murmurant qu'il était fier de lui. C'était la première fois que Jael avait fait preuve de douceur, en lui glissant des mots agréables à l'oreille. Tiphon se sentit mieux sur le moment. Il pensa donc que son père avait raison. Cependant, la froideur de son père revint et l'amertume s'empara à nouveau du jeune Tiphon qui n'y comprenait rien. Un jour il était fier, le lendemain il l'ignorait. Tiphon était en colère, complètement perdu. Désireux de recevoir l'amour de son géniteur, il lui avait amené un homme qui avait tenté de le voler. Jael s'était demandé pourquoi l'avoir présenté devant lui et Tiphon lui coupa la tête d'un coup d'épée. Son père s'était mis à rire avant de clamer qu'il était fier de lui à nouveau. Cela lui avait réchauffé le cœur. De là, un cycle sans fin avait commencé. Il laissait ses émotions guider ses décisions. Son père avait modelé son esprit. Il avait transformé le doux Tiphon en un monstre assoiffé de sang dans l'espoir d'avoir la reconnaissance de son père. Il était comme Garen lorsqu'il était enfant et il était devenu comme Silo. Il l'avait oublié jusqu'à rencontrer Asuntina. Elle lui avait fait comprendre que sa malveillance n'allait le mener nul part et qu'il y avait quelque chose de bon au fond de lui, enfoui profondément. Cependant, il n'aurait pas pensé que sa bienveillance allait le mener à sa mort mais Tiphon savait qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même. Il avait rendu Silo comme il l'était. Il avait suivi les mêmes méthodes que son père. Il l'avait obligé à devenir un monstre comme lui mais dans le fond, le roi savait que son fils était comme ça bien avant qu'il ne le forme. Il n'avait jamais eu de mal à le guider vers cette voie contrairement à Garen qui refusait de faire du mal à quelqu'un. Il avait donc délaissé son cadet pour son aîné car il satisfaisait ce que Jael lui avait enseigné. Il était froid, calculateur, manipulateur et sans pitié. Jael crachait sur les Rexaron qui avaient réussi à reprendre le trône à ses ancêtres. Il avait donc légué sa haine des élus des dieux à Tiphon qui voulait regagner l'honneur de sa famille. C'était pour cette raison qu'il avait tué cette famille. Seulement pour avoir le trône, avec l'espoir que son défunt père serait fier de lui. Il avait régné avec terreur pendant toutes ces années et maintenant qu'il avait comprit ses erreurs, voilà qu'il était en train de mourir, son propre fils se délectant de sa souffrance. Il avait tout perdu à cause de Silo. C'était parce qu'il s'était laissé berner par son fils et ses propos qu'il avait décidé d'exécuter son plus jeune enfant. Il s'était laissé manipuler. Sa femme avait préféré mourir que de rester seule avec eux. Il le comprenait. Tiphon savait à quel point il avait été un mauvais mari pour Irem. Un mauvais père pour Garen et même pour Silo bien qu'il avait des prédispositions à devenir comme les plus réputés des Venom. Il regrettait tellement ses actes. Il aurait aimé pouvoir remonter le temps mais cela était impossible. Il aurait peut-être été plus serein s'il pensait pouvoir les rejoindre et faire tout ce qui était en son pouvoir pour se faire pardonner mais Tiphon savait parfaitement où il allait finir. Talia allait guider son âme dans les enfers qu'elle avait créé pour les hommes comme lui. Son âme allait brûler pour l'éternité. Il le savait déjà bien avant cela mais il avait espéré pouvoir avoir le temps de se racheter auprès des dieux mais il était trop tard. Il avait fait bien trop de mal autour de lui et bien trop d'erreurs. Tout l'or, toute la gentillesse et toute la douceur du monde ne pouvaient pas réparer tout le mal fait. À présent, il avait peur pour les neuf royaumes. Il n'avait en rien été un roi exemplaire mais il savait que son fils serait bien pire. Il se délectait de la souffrance des autres. Il s'en amusait comme si tout cela n'était qu'un jeu idiot. Tiphon se rendait compte de sa plus grande erreur dans tout le bordel qu'il avait apporté... Alors qu'il sentait la vie le quitter, il fixa Silo dans les yeux tandis que les siens étaient remplis de larmes. Il entendait une voix féminine chantonner à son oreille.
-J'ai... tué le... mauvais fils, souffla-t-il, rendant son dernier soupir alors que les larmes coulaient.
Silo gardait son sourire malsain sur les lèvres et il se leva de son siège s'approchant de son père. Il se pencha et vint embrasser sa tempe.
-On se retrouvera en enfer, murmura-t-il à son oreille avant de sortir de la salle un large sourire aux lèvres.
Le prince inspira profondément et il se mit à crier à l'aide, sortant son meilleur jeu d'acteur.
-Au secours ! Aidez-moi ! Mon père ! Il... Il... Au secours ! hurlait-il en courant.
Des gardes le rejoignirent, se demandant ce qu'il se passait.
-Mon prince ?! Pourquoi hurlez-vous ?! s'exclama un garde.
-Mon... Mon père ! Il est mort ! Quelqu'un l'a tué ! Il a... Il a été empoisonné ! s'écria le jeune homme, les larmes aux yeux.
Les gardes s'éloignèrent du prince pour aller voir le roi, espérant pouvoir lui porter secours. Silo apeuré changea de visage, souriant à nouveau alors qu'il essuyait ses yeux. Il laissa un léger rire lui échapper alors qu'il avançait dans le château. Il s'approcha du trône et le caressa avant de s'installer dessus un instant.
-Roi Silo Venom, premier du nom, souffla-t-il, gardant ce rictus.
Il se leva de son siège et il grimpa tranquillement les marches qui menaient aux appartements. Il lui restait une dernière chose à faire avant de pouvoir monter sur le trône sans que quelqu'un ne tente de s'interposer. Il marchait sereinement dans le couloir avant de s'arrêter devant une porte. Il tourna la poignée et l'ouvrit.
-Vous avez mis du temps à arriver, souffla une femme en se tournant vers le prince.
Silo gardait ce sourire ignoble sur les lèvres et il referma la porte, reposant ensuite les yeux sur la femme. Son calme l'étonnait. Elle semblait connaître la raison de sa présence dans sa chambre et pourtant, elle ne tentait pas de fuir. Elle avait même l'air d'avoir déjà accepté son sort tragique.
-Vous allez mener les neuf royaumes à leurs pertes, dit-elle en se servant un verre de vin. Mais vous le savez déjà. Vous n'en avez que faire des vies qui vous entourent. La misère est un met délicat pour vous, affirma-t-elle, buvant dans sa coupe. Mais le sort qui vous attend est celui qu'attendait votre père. J'admirerai cela auprès des dieux et de toutes les pauvres vies que vous allez dérober. J'ai hâte.
Le prince haussa un sourcil avant de rire en s'approchant de la prêtresse noire.
-Asuntina... dit-il en venant caresser sa joue. Vous n'avez su prédire sa mort à mon père alors je ne pense avoir à craindre quoi que ce soit de vos délires divins. Les dieux sont avec moi. Erin se délectera des spectacles que je vais lui offrir et j'aurai une place de choix à ses côtés. D'avance, je sais que je périrai sereinement, dans mon lit, lorsque la vieillesse aura eu raison de moi. Vos paroles me passent bien au-dessus de la tête, dit-il amusé.
-J'espère que les dieux auront été cléments avec votre père et que nous nous retrouverons car malgré tout, c'était un homme bon, aveuglé par la haine... Vous, vous n'êtes qu'un monstre. Un être bercé par la noirceur de son âme, rétorqua la femme, le regardant dans les yeux.
-Alors... Passez lui le bonjour, dit-il amusé avant de sortir une dague de son dos.
Sa main passa de sa joue à ses cheveux et il les attrapa fermement avant de lui trancher la gorge. Asuntina grogna avant de se laisser tomber sur une chaise alors que le sang coulait sur sa robe noire. Refusant de lui offrir la peur et la douleur, elle fixait le prince dans les yeux, fière. Elle ne le satisferait pas. Jamais. Elle s'étouffa peu à peu dans son propre sang, crachotant du sang. Elle s'éteignit, regardant Silo dans les yeux. Le prince eut un sourire et il posa la dague dans sa main, faisant croire à un suicide. Il déposa ensuite la fiole de poison sur son bureau et il se dirigea vers la porte. Il l'ouvrit, un courant d'air venant éteindre toutes les bougies allumées, et il regarda par-dessus son épaule le corps d'Asuntina, sans vie.
-Bon anniversaire Silo, souffla-t-il en souriant, refermant la porte derrière lui, plongeant la chambre dans les ténèbres.
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The Lost Kingdom [EN COURS]
FantasíaDix années passèrent après le massacre des Rexaron. En 272 ap-R, dans les neuf royaumes, Myla, une paysanne, s'apprêtait à vivre une aventure pleine de rebondissements, rencontrant des compagnons de diverses contrées. En même temps, les rebelles se...