Les portes de la salle du trône s'ouvrirent en grand. Tiphon était debout devant son trône, fixant celles-ci. Son cœur ne cessait d'accélérer, pompant à vive allure. Il sentait la pression grimper dans son corps. Ses doigts s'engourdissaient alors que l'homme qui avait affirmé avoir trouvé Rhiannon avançait. Il tenait une jeune femme brune par le bras, celle-ci ayant les mains attachées dans le dos. Elle le suivait sans aucune résistance. Il l'amena jusqu'au roi qui était impatient de voir si c'était réellement elle. Cela n'était pas censé être possible mais il ne pouvait s'empêcher d'appréhender cette rencontre. L'homme jeta la jeune femme sur les genoux, souriant fièrement.
-Mon roi, dit-il en s'inclinant face à l'homme. Je vous amène un charmant cadeau ! s'exclama-t-il. Voici la princesse Rhiannon Rexaron ! clama l'homme en souriant.
Des chuchotements se firent entendre dans la salle du trône. Les gens ne s'attendaient pas à entendre ce nom. Les Rexaron, pour tous à part quelques uns, étaient morts depuis bien longtemps. Très longtemps. Et sans exception. Tiphon n'avait jamais parlé à personne, si ce n'était à la prêtresse ou à Makila, de l'existence de la princesse. Elle était donc morte aux yeux du monde entier. Les personnes présentes étaient donc choquée par l'annonce de l'homme. Tiphon serra les poings, fixant la jeune femme.
Rhiannon sentait son cœur prêt à exploser dans sa poitrine. Elle était encore un peu sonnée du coup qu'elle avait reçu à la tête. Il ne savait pas où l'avait emmené cet homme mais elle se doutait qu'elle était à Deos puisqu'elle avait entendu parler du roi Tiphon. Elle gardait un visage impassible, la tête baissée, mais elle était effrayée à l'idée qu'il puisse la reconnaître d'une façon ou d'une autre. Si quelqu'un arrivait à lui confirmer qui elle était, en plus de celui qui l'avait capturée, elle savait que c'en était fini d'elle. Il allait la tuer. Tous ces sacrifices pour qu'elle vive auront été vains. Elle espérait que de rester calme le ferait douter. Si elle paniquait, elle montrait de la peur et la peur ne pouvait être que deux choses : la peur de mourir car c'était réellement elle ou la peur de mourir d'une erreur. Elle se disait qu'en restant calme, même si elle tremblait de tout son fort intérieur, cela pourrait lui mettre le doute. N'ayant pas peur, cela pouvait signifier qu'elle savait qu'elle n'était pas celle qu'il cherchait et donc qu'elle n'avait pas de raison de craindre quoi que ce soit. Elle priait pour que cela fonctionne. Elle n'avait absolument pas envie de mourir. Rhiannon finit par lever le visage pour regarder devant elle, ouvrant grand les yeux.
Tiphon fronça les sourcils en observant son visage. Il s'approcha et prit le menton de la jeune femme entre ses doigts. Il se pencha et il ne voyait que du blanc dans ses yeux. Rien d'autre. Pas d'iris ou de pupille. Seulement le blanc le plus complet. Rhiannon avait les yeux bleus, comme tous les Rexaron. De plus, il remarqua facilement qu'elle était aveugle, déjà parce qu'elle ne pouvait pas voir avec de tels yeux mais elle fixait le vide. Malgré le blanc, il pouvait le déterminer car elle ne cherchait pas à tourner la tête pour le regarder lui. De plus, son calme lui glaçait le sang. Elle ne bougeait pas, ne réagissait pas et ne disait rien. Il la lâcha et se recula de quelques pas sans pour autant la quitter du regard.-Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il.
-Myla, mon roi, répondit-elle naturellement, sans aucune hésitation.
-D'où viens-tu ? poursuivit le souverain.
-De la Cité d'or, continua-t-elle de mentir sereinement.
-Que t'est-il arrivé ? Je n'avais jamais vu de tels yeux, souffla Tiphon.
-Je suis née comme cela. Mes parents disaient qu'une sorcière avaient maudit ma mère avant que je naisse. Je n'ai jamais pu voir les couleurs du monde, affirma Rhiannon.
-Pourquoi auraient-ils été maudit ? l'interrogea-t-il.
-Ils n'ont jamais voulu entrer dans les détails. J'imagine qu'ils avaient peur que mon regard, souffla-t-elle avant de rire avec ironie, change envers eux. Ils avaient dû faire quelque chose qui avait contrarié cette femme. Je vous proposerais bien de leurs demander mais malheureusement, ils sont morts récemment, me laissant seule à mon triste sort. Je mendie dans l'espoir d'avoir quelques pièces pour me nourrir, inventa la jeune femme.
-Mhmh, souffla le roi, ayant écouté son court récit. Et cette épée ? Que fais-tu avec puisque tu ne peux t'en servir ?
-Elle appartenait à mon père. C'est tout ce qu'il me reste de mes parents. J'y tiens énormément. Elle ne vaut que quelques pièces mais elle est tout ce que je possède. Elle a une valeur inestimable à mes yeux, dit-elle avant de sourire, haussant les épaules. Je ne peux me résoudre à la vendre pour me nourrir, souffla-t-elle ensuite.
-Un objet a parfois plus de valeur qu'une montagne d'or, fit simplement le roi en souriant.
Tiphon observait Rhiannon alors qu'elle déballait son récit fictif et il hocha légèrement la tête, convaincu. Elle répondait aisément, sans hésitation. Il n'avait donc pas l'impression qu'elle était en train de mentir. De plus, son histoire était crédible. Ils avaient dû croiser la route de la mauvaise prêtresse et celle-ci avait demandé aux dieux de les punir. Il connaissait les pouvoirs de ces femmes. Après tout, il en côtoyait une depuis un moment maintenant. D'ailleurs, Tiphon se tourna vers la prêtresse et il s'approcha d'elle.
-Est-ce la jeune femme de vos visions ? demanda-t-il discrètement.
-Non, répondit la prêtresse sans hésiter.
-Bien, souffla le roi, soulagé.
La prêtresse jouait sur les mots. En réalité, elle avait bien reconnu ce visage qui avait hanté ses récentes visions jusqu'à ce que la rébellion soit attaquée. Depuis, elle n'y apparaissait plus. Elle ignorait pour quelle raison. Seuls les dieux savaient. Cette jeune femme était la princesse et elle le savait. Cependant, la question du roi était vague et plusieurs réponses étaient possibles. Il avait demandé si elle était la jeune femme de ses visions. En un sens, oui. C'était le même visage mais cependant, elle n'était plus la même que celle de ses apparitions. Dans les révélations offertes par les dieux, elle avait les yeux bleus. Ils n'étaient pas blancs. Donc, elle n'était pas réellement celle qu'elle avait pu voir. Puisque sa question n'était pas assez précise, elle avait décidé de répondre comme elle l'entendait. La prêtresse avait choisi de dire qu'elle n'était pas la même, ne mentant pas dans le fond.
Le roi étant soulagé, il se tourna vers le rat de Makila. Il s'approcha de lui, sentant la colère monter à chacun de ses pas. Il était soulagé que cette pauvre fille ne soit pas celle qui pouvait le renverser du trône mais il était en colère que cet homme ait tenté de se jouer de lui. Il avait promis une récompense à celui qui lui amènerait la princesse. Il comprit donc que cet homme, ce rat, avait tenté de le duper. Une escroquerie bien mal montée.
-Toi... grogna Tiphon en le fixant dans les yeux.
-Oui, mon roi ? demanda le rat, intrigué.
-Pourquoi m'apportes-tu cette jeune femme ? l'interrogea-t-il, fronçant les sourcils.
-Et bien, je vous l'ai dit. C'est la princesse. Cette histoire qu'elle vient de vous raconter n'a aucun sens. C'est ridicule. Elle est la princesse, je vous assure ! tenta-t-il de se justifier. Je l'ai vue dans une taverne avec la rébellion ! Elle n'avait pas ces yeux avant !
-Mensonge, souffla Rhiannon. Je suis née avec ces yeux. Comment voulez-vous que ce soit arrivé autrement que de naissance ? Cette histoire de sorcière est peut-être fausse mais ça, il faut vous en prendre à mes défunts parents. Peut-être n'ont-ils jamais voulu assumer qu'ils avaient donné un enfant malformé au monde mais je suis bel et bien née aveugle, rétorqua Rhiannon avec une sérénité telle qu'il était difficile d'en douter.
-Étais-tu donc prêt à donner une pauvre femme aveugle à ton roi pour quelques pièces d'or ?! s'énerva Tiphon. Même moi, je ne m'abaisserai pas à une telle chose et les dieux savent à quel point je peux être impitoyable pour arriver à mes fins mais ça... Tu devrais avoir honte, sale rat d'égout !
-Mon roi, je vous assure que ce n'est pas ça ! Je ne vous mens pas ! s'exclama-t-il, sentant la panique l'envahir. Je ne vous mentirais jamais ! Elle est la princesse !
-Vois-tu, cette femme derrière moi, c'est la prêtresse qui m'a dénoncé l'existence de la princesse. Cependant, depuis que la rébellion a été massacrée par mes soldats, elle ne la voit plus. De plus, elle vient de m'affirmer que cette jeune demoiselle n'était pas la princesse, dit-il calmement avant de s'énerver d'un seul coup. Me prendrais-tu pour un idiot ?!
-Mon roi... Je... Je... souffla l'homme qui était pourtant persuader que c'était elle.
Tiphon sortit son épée de son fourreau et sans lui laisser le temps de placer un autre mot, il fendit l'air de sa lame et lui trancha la tête. L'homme tomba d'abord sur les genoux avant de finir sur le ventre. Des gouttes de sang provenant de son cou ouvert avait éclaboussé Rhiannon qui ne bougea pas alors qu'elle sentait le liquide chaud couler sur sa joue. Le roi se pencha vers elle, sortant un bout de tissu et il lui essuya le visage.
-Je suis navré qu'il vous ait amené ici et traité de la sorte pour quelques pièces, dit-il en souriant.
Il se releva et alla dans le dos de la jeune femme, s'accroupissant. Il défit ses liens et l'aida ensuite à se relever, lui prenant délicatement la main.
-Merci, souffla Rhiannon avant de sourire. Heureusement que vous êtes un bon roi et qu'il n'est pas facile de vous berner mais je n'en doutais pas, le flatta-t-elle.
-Je n'allais tout de même pas tuer une pauvre infirme innocente, dit-il doucement en souriant. Les hommes sont parfois prêts à faire n'importe quoi pour faire fortune. Mais comme vous l'avez si bien dit, je ne suis pas facile à escroquer.
-J'aurais une belle histoire à raconter ma foi, dit-elle amusée. Notre bon roi, fort intelligent et bien peu naïf, qui m'a sauvée la vie de cet infâme aigrefin. Je ne vous serais jamais assez reconnaissante, souffla-t-elle.
Tiphon s'approcha d'un homme qui portait une bourse à la ceinture. Il lui prit sans lui demander son avis et il prit dix pièces d'or avant de revenir vers Rhiannon.
-Ma chère, veuillez accepter ces quelques modestes pièces en compensation de cette malheureuse aventure, dit-il en lui prenant la main pour les poser dans sa paume.
-Oh ! Mon roi, je ne peux accep...
-Cessez donc, l'interrompu-t-il avec douceur. Vous mendiez pour survivre, cela devrait suffire à vous faire vivre quelques temps. C'est la moindre des choses, affirma l'homme. Un de mes hommes va vous ramener chez vous. Vous pourrez reprendre votre vie là où cet homme vous y a arraché.
-Vous êtes trop bon, souffla-t-elle. Et dire que certains osent dire que les Rexaron étaient mieux. Ils ne savent pas reconnaître un vrai souverain, affirma-t-elle avant de s'incliner devant lui. Je vous remercie du fond du coeur, dit-elle ensuite en souriant.
-Gardes ! Ramenez cette merveilleuse jeune femme à la Cité d'or ! Veillez à ce qu'il ne lui arrive rien durant le voyage ! ordonna Tiphon en souriant.
Deux gardes s'approchèrent de Rhiannon, la prenant doucement pas le bras pour la guider jusqu'aux portes. Elle les suivit sans rien dire. Tiphon l'observa partir en souriant avant de soupirer de soulagement et satisfait. Il avait trouvé cette aveugle bien agréable. Elle avait complimenté ses talents de souverain et il ne pouvait la contredire. Voilà une jeune femme qui savait reconnaître un réel leader. Il était soulagé qu'elle ne soit qu'une pauvre gamine aveugle qui n'avait rien à voir avec la princesse. Il espérait d'ailleurs que les dieux avaient vu à quel point il avait été bon avec elle et qu'ils le récompenseraient pour cela. Cependant, il l'avait déjà été. Tout cela le confortait dans l'idée que Rhiannon Rexaron était morte. La prêtresse ne la voyait plus depuis que la rébellion était finie et elle avait affirmé qu'elle n'était pas la princesse alors elle était bel et bien morte. C'était fini. Il n'avait plus aucune raison de s'inquiéter. La vie allait pouvoir reprendre son cours. Cette journée avait été pleine de rebondissement pour le roi mais tout se finissait à merveille. Alors qu'il se retournait pour aller vers son trône, il manqua de trébucher sur le corps sans tête. Il cracha dessus avant de monter sur son siège.
-Emmenez cette vermine loin d'ici, grogna-t-il avant de regarder la prêtresse. Vous pouvez disposer ma chère.
La femme hocha la tête sans rien dire, lui souriant légèrement. Son sourire s'agrandit lorsqu'elle tourna le dos au roi. Elle avait été curieuse de voir comment cette situation allait se finir et elle n'était pas déçue. Loin de là. Rhiannon était une femme très intelligente visiblement. Elle avait su mentir sans montrer sa crainte d'être découverte. Elle avait ensuite flatté l'égo du roi, lui faisant baisser sa garde. Et elle était même repartie avec une escorte royale et une petite fortune en poche. Tout cela avait été très divertissant et elle n'avait aucun regret face à la réponse qu'elle avait donné au roi. Elle aurait pu dire qui elle était mais elle n'avait pas envie d'interférer dans les plans des dieux. Elle se disait que le roi Tiphon aurait dû mieux choisir les mots de sa question. Elle retourna donc dans ses appartements, curieuse de savoir ce que l'avenir allait leur réserver.
Rhiannon fut escortée à une calèche. La calèche royale. Un garde lui ouvrit la porte et l'aida à monter dans celle-ci. Elle s'installa tranquillement et l'homme referma la porte avant de s'installer devant avec son compagnon. Le véhicule démarra, tiré par des chevaux et elle put pousser un long soupir de soulagement. Elle n'eut la possibilité de s'empêcher de laisser un petit rire lui échapper. Rhiannon n'en revenait pas. Elle s'était trouvée devant Tiphon. Cet homme qui désirait tant sa mort et elle avait su trouver les mots au bon moment, ne cédant pas à la panique. Il y avait cru du début à la fin. Il avait été si proche d'elle et pourtant si loin de la vérité. Un homme était mort à cause de ses mensonges mais c'était elle ou lui et le choix était vite fait. L'adrénaline retombait. Elle en avait la tête qui tournait. Elle la bascula vers l'arrière, riant encore, doucement. Le roi lui avait même offert le voyage et de l'argent. Rhiannon n'y aurait pas cru si elle ne l'avait pas vécu. L'égo du roi l'avait aveuglé mais cette prêtresse l'avait visiblement aidée aussi. Elle ne savait pour quelle raison elle avait mentit au roi mais elle s'en fichait éperdument. Tout ce qui comptait était qu'elle était en vie et qu'elle retournait tranquillement à la cité. Elle sentait son corps trembler sous le coup de la peur qu'elle avait ressenti et l'excitation d'avoir pu le manipuler si aisément. Une histoire inventée, quelques compliments et voilà qu'elle était libre comme l'air. Elle qui considérait ces nouveaux yeux comme une malédiction, elle les voyait à présent comme une bénédiction. Ils lui avaient sauvé la vie. Le roi aurait très probablement moins hésité à la tuer, juste au cas où, si elle avait toujours eu ses yeux bleus. À vrai dire, il l'aurait même fait sans aucune hésitation puisqu'ils étaient particuliers et donc reconnaissable. Alors que jusqu'à présent elle maudissait cette prêtresse et sa potion, là, elle la remerciait du plus profond de son âme. Son seul regret était que, après toutes ces années, elle n'ait pu voir à quoi ressemblait Deos. Rhiannon était libre et Tiphon était persuadé qu'elle était morte. C'était parfait. Cependant, il avait bien confirmé que la rébellion avait été détruite et en y repensant, son sourire s'effaça. Nyala était morte, elle en était presque certaine. Elle lui manquait atrocement et elle comprenait à cet instant qu'elle ne la reverrait jamais. Cela lui brisait le cœur mais elle vivrait en sa mémoire. Elle ne l'oublierait jamais. En un sens, elle vivrait tant que Rhiannon était en vie. Malgré qu'elle s'en était sortie cette fois, elle savait qu'elle avait eu énormément de chance. Elle n'avait aucun moyen de se défendre en étant aveugle. Il fallait, que d'une manière ou d'une autre, elle arrive à réapprendre à se battre avec son épée. Rhiannon n'était pas dupe. Le destin avait été clément avec elle jusque là mais ce ne serait pas toujours le cas. Il fallait qu'elle puisse l'utiliser. Faire de cette lame le prolongement de son bras, comme Nyala le lui avait appris. Elle ne savait pas comment elle allait se débrouiller pour y arriver mais elle s'entraînerait jours et nuits jusqu'à ce que cela soit possible. Il le fallait.
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The Lost Kingdom [EN COURS]
FantasyDix années passèrent après le massacre des Rexaron. En 272 ap-R, dans les neuf royaumes, Myla, une paysanne, s'apprêtait à vivre une aventure pleine de rebondissements, rencontrant des compagnons de diverses contrées. En même temps, les rebelles se...