Installé sur son cheval, un homme aux cheveux blonds passait les portes d'Orien. Son destrier le mena jusqu'aux écuries où il s'en sépara. Les gens le saluaient avec un large sourire, heureux de revoir le jeune homme qui venait de rentrer chez lui. Alin leur rendit leur sourire, agissant comme si de rien n'était. Personne ne savait encore. Tous ignoraient la mort prématurée de leur lord. Ils étaient très loin de se douter de ce qui allait se passer en cette journée. Pour eux, tout semblait normal. Une journée paisible et banale, comme d'habitude. Cependant, les plans d'Alin allaient très certainement les chambouler. Il alla d'abord voir les gardes d'Orien pour leur demander de se préparer à une émeute, une révolte. Ils ne comprirent pas pour quelle raison cela pourrait se produire mais ils ne pouvaient qu'obéir. Les hommes se mirent donc en place, attendant de voir ce qui allait produire une telle vague d'après Alin. Il fit ensuite envoyer des messagers pour convier la population d'Orien à venir sur la grande place. Il préparait toute la mise en scène pour l'annonce qu'il avait à faire au peuple du royaume. Une fois tout cela mis en place, il alla retrouver sa tante. Veuve de Fredrik et mère de Jordin.
-Bonjour ma tante, dit-il en souriant d'abord.
-Oh ! Bonjour mon cher neveu ! répondit-elle en souriant, déposant la broderie qu'elle était en train de faire.
La femme se leva et vint l'enlacer, heureuse de le revoir.
-Quel bon vent te ramène ici ? demanda-t-elle, gardant ce petit sourire.
-Oh, j'ai quelques nouvelles à annoncer, fit Alin, en toute innocence.
-Quelles sont-elles ? l'interrogea Salma, intriguée et curieuse.
-J'aimerai faire une annonce publique, rétorqua-t-il sans donner plus d'informations.
-C'est que cela doit être important. Une demande de Jordin ? demanda-t-elle, ne se doutant de rien.
-Quelque chose comme ça, oui, souffla le jeune homme, un sourire se dessinant au coin de ses lèvres.
Il effaça rapidement ce sourire malicieux, reprenant son sérieux. Il ne devait pas dévoiler la supercherie. Il tenait à lire la surprise sur son visage lorsque le moment serait venu.
-J'aurai besoin que vous m'accompagniez, dit-il. Un soutien qui me sera utile car les nouvelles ne seront sûrement pas facile à digérer pour tout le monde, poursuivit Alin.
-Tu viens piquer vivement ma curiosité. Mais peu importe ce qu'elles sont. Je vous soutiendrais toujours, Jordin et toi, affirma-t-elle avec une bienveillance infinie. Vous connaissant, ça ne peut qu'être pour le bien d'Orien de toute façon. Je vous fais confiance, autant à toi qu'à lui, et j'ai pleinement foi en vos décisions, poursuivit-elle en souriant.
-Cesse donc ma tante, tu me flattes bien trop, lança-t-il, souriant tout autant que sa tante.
-Ce n'est que la vérité. Vous êtes deux jeunes hommes formidables même si l'on ne vous voit pas beaucoup ces dernières années mais vous avez des projets qui nécessitent cette absence, je le conçois, affirma Salma, fière de voir son fils et son neveu prêts à défendre une cause importante, même si cela mettait leurs vies en danger. Je suis d'ailleurs contente de voir que vos différents ne sont plus. Il m'a parlé de l'incident avec cette fille avec qui vous êtes tout le temps. Mais s'il t'a envoyé annoncer les nouvelles, c'est que tout est réglé.
Alin s'approcha à nouveau d'elle, restant silencieux, et il la prit dans ses bras. Salma ne put que répondre à son étreinte, venant caresser affectueusement ses cheveux. Elle avait vu Alin grandir avec Jordin et ils avaient toujours été complice. Il était le second fils qu'elle n'avait jamais eu. Un jeune homme formidable, doux, gentil, intelligent, rempli de bonté et de bienveillance et de sagesse. Ils en avaient fait des bêtises enfants mais elle n'avait jamais pu se résoudre à les punir réellement tant leur amitié lui mettait du baume au cœur. Elle l'aimait comme son propre fils. Elle ne faisait pas tellement de distinction entre eux. Elle aimait Alin autant que Jordin. Il lui arrivait, lorsque leur absence la pesait trop, de penser à eux, riant à gorge déployée et cela la faisait sourire, apaisant sa tristesse.
-Allons-y, si tu le veux bien, dit-il en lui donnant son bras.
-Volontiers, j'ai hâte de savoir ce que vous nous préparez, s'exclama-t-elle en prenant son bras.
Alin la regarda dans les yeux et lui sourit naturellement avant de marcher avec elle. Tranquillement, sans se précipiter, il l'amena jusqu'à l'estrade de la grande place, là où il voulait faire son petit discours. Il trépignait d'impatience, tel un gamin, de l'intérieur. Il gardait un sourire sur les lèvres, tentant de cacher son excitation. Orien lui appartenait désormais mais ça, ils ne le savaient pas encore. Il avait hâte de voir les visages se décomposer face aux annonces qu'il allait faire. Il s'arrêta avec Salma, devant un nombre conséquent de personnes. Elle restait accrochée à son bras, voulant entendre ce qu'il avait à dire.
-Bonjour, peuple d'Orien ! Aujourd'hui, je me tiens devant vous pour vous annoncer que ceci marque mon grand retour dans notre magnifique royaume ! Je ne vous quitterais plus ! commença-t-il.
Salma le regardait avec des yeux brillants, pleins d'espoir. Si Alin revenait pour de bon, alors cela voulait dire que Jordin n'allait pas tarder à reprendre sa place à son tour et cela la comblait de bonheur.
-En effet, je suis parti bien trop longtemps et il est temps de remettre de l'ordre dans tout cela ! poursuivit Alin. J'ai plusieurs annonces de la plus haute importance à vous faire parvenir. Tout d'abord, je me dois de commencer avec une bien triste nouvelle.
Alin fit une petite pause et posa les yeux sur sa tante.
-Jordin Trafalgar est mort ! s'exclama le jeune homme avant de sourire à Salma.
Alors qu'elle le regardait avec admiration et fierté, heureuse qu'il soit de retour, son visage se décomposa et elle devint aussi pâle que la pleine lune. Son sourire s'effaça et ses yeux brillants se remplirent de larmes.
-Qu'est-ce que..? Qu'es-tu en train de dire ? souffla-t-elle, la gorge nouée.
-La rébellion a été exterminée ! Il n'en reste plus rien aujourd'hui ! De plus, à mes côtés, nous avons une traîtresse qui a pactisé avec les démons qui hantaient mon défunt cousin ! Il est donc de mon devoir de la punir pour ses méfaits envers le roi légitime des neuf royaumes, Tiphon Venom, second du nom ! continua-t-il de clamer, ignorant les questions de sa tante.
Elle lâcha son bras, ses traits exprimant la plus grande incompréhension. Elle ne réalisait pas ce qu'il était en train de raconter. Était-il en train de l'accuser de trahison ? Salma secoua légèrement la tête, sa bouche s'ouvrant de stupeur. Elle tourna les talons, voulant s'enfuir lorsque l'évidence lui sauta aux yeux. Il l'attrapa par les cheveux et prit la dague qu'il avait à la ceinture pour l'égorger devant le peuple qui cria de surprise dans un premier temps. Les hommes et les femmes présents se mirent ensuite à hurler au scandale.
-Monstre ! Assassin ! Meurtrier ! Fou ! Lâche ! Traître ! Chien ! Bâtard ! scandait la foule mécontente.
Des pierres ramassées lui furent jetées dessus et Alin laissa un rire lui échapper tandis que sa tante agonisait, s'étouffant avec son propre sang. Il lâcha ses cheveux et son corps s'écroula au sol, fixant la foule indignée.
-Gardes ! Contenez ces gens ! ordonna-t-il. Je suis votre lord ! Vous devez m'obéir !
Les soldats, étant perdus, se regardaient les uns les autres, ne sachant pas comment ils devaient réagir.
-Notre roi, Tiphon, m'a officiellement donné les rênes d'Orien ! Je suis votre lord ! Dès aujourd'hui, nous sommes les alliés des Venom et ce jusqu'à la fin des temps ! clama Alin avec ferveur. Vous lui devrez obéissance et respect ! Tout ceux pris à vouloir comploter contre notre roi seront sévèrement punis ! La mort sera votre châtiment !
-Jamais nous n'accepterons une telle chose ! Sale chien ! hurla un homme dans l'assemblée.
-Gardes ! cria-t-il avant de sourire. Exécutez cet homme... Maintenant !
L'un d'eux finit par faire un pas vers l'homme révolté et il serra les dents.
-Pardonnez-moi, souffla-t-il avant de tuer l'homme.
Les cris d'horreur s'élevèrent dans l'attroupement. D'autres criaient de colère.
-Comment osez-vous ?! Vous n'avez pas le droit de faire ça ! s'exclama une femme.
-Faites donc de même avec cette traîtresse ! ordonna Alin.
-Mais... Alin... Enfin, mon lord, nous ne pouvons pas... souffla l'un des gardes.
-As-tu envie de subir le même sort ? grogna le jeune homme en l'interrompant.
-N... Non, mon lord, soupira-t-il.
-Alors, tue donc cette femme ! s'énerva-t-il en la pointant du doigt.
Le garde secoua la tête mais il s'avança vers elle malgré tout. Si Alin était bel et bien le nouveau lord d'Orien, il se devait d'obéir. Il l'avait juré solennellement mais cela allait à l'encontre de ses valeurs. Il craignait de finir en enfer mais il craignait aussi d'y arriver plus vite que prévu. Il exécuta donc l'ordre, sans aucune conviction. Le garde ferma même les yeux pour ne pas voir l'atrocité qu'il commettait. Les gens étaient horrifiés mais d'autres continuaient de crier de révolte et un à un, ils se faisaient massacrer. Trouvant que cela n'avait pas assez d'effets, il fit amener d'autre à ses côtés, sur l'estrade et il demande à ses gardes des les exécuter, tous en même temps, devant la foule affolée. Les cadavres s'empilaient dans la foule tandis que certains partaient en courant, de peur de subir la même punition. Petit à petit, la place se vida et le calme revint.
-Voilà une bonne chose de faite, dit-il en souriant, fier de ses actes. Débarrassez-vous des corps, dit-il à ses gardes, s'éloignant pour rentrer dans le château.
Alin s'avança calmement dans la grande salle et il s'arrêta devant le trône. Il se retourna et s'installa délicatement. Il posa ses bras sur les accoudoir et il vint serrer doucement le bois de son siège, s'imprégnant de ce sentiment de puissance. Le jeune homme affichait un sourire satisfait. Il était profondément heureux. Il adorait ce qu'il ressentait à l'instant présent. Il comprenait bien mieux pour quelles raisons Tiphon agissait avec terreur. Il se délectait de la peur qu'il inspirait. Personne n'oserait se rebeller davantage après ce splendide petit spectacle qu'il leur avait gracieusement offert. Certes, il avait tué des gens de son peuple mais c'était pour la bonne cause. Cela allait le mener à son véritable trône, celui de Deos. Il était en train d'accomplir son destin. Ils ne le savaient pas encore mais il allait accéder à son siège suprême. Alin avait pour projet d'atteindre ce but, peu importe ce qu'il allait devoir faire pour cela. Il ne reculerait devant rien pour y arriver. Même s'il devait inspirer la peur, faire des horreurs, tuer tous ceux qui ne croyaient pas en lui... Il s'en fichait pas mal. Il aspirait à la paix mais seulement lorsqu'il aurait ses fesses posées sur le trône. Une fois qu'il y serait, là, il instaurerait une paix durable. C'était là, tout son plan.
Alors qu'Alin profitait de son nouveau statut, d'autres ne voyaient pas cela d'un bon œil. Les gardes eux-mêmes ne voulaient pas de lui à la tête de la maison. Ils avaient obéi car ils n'avaient pas tellement le choix mais ils se rendaient compte qu'au fond, ils le détenaient. Ils avaient agis sous la surprise et la peur mais Alin était seul. Il n'aurait rien pu faire contre eux et ils s'en rendaient compte. Ils avaient massacré des innocents qui étaient dans le droit de protester. Il avait annoncé la chose si brutalement et exécuté celle qui était leur lady, celle qui avait gardé le trône à l'abri pour Jordin lors de son retour... Évidemment que la population allait être en colère et Alin le savait d'avance puisqu'il leur avait demandé d'être prêts à maintenir l'ordre.
-Vous pensez que Jordin est vraiment mort ? souffla l'un des gardes, dépité.
-Il n'aurait jamais laissé faire une telle chose si ce n'était pas le cas, soupira un autre.
-Comment a-t-il pu..? grogna un troisième.
-C'est un lâche. Il est rentré comme si de rien était. Il a attiré lady Salma dans son piège. Il s'est alliés aux pires êtres que ces terres aient jamais porté. Sale chien, fit encore un autre soldat.
-On aurait jamais dû lui obéir. Ces gens... Ils n'avaient rien fait ! Sinon, nous devrions nous tuer tous, là, maintenant, grommela l'un des hommes, serrant le poing.
-Je refuse de rester aux côtés de ce bâtard. Jamais je ne l'accepterais en tant que lord. Il ne mérite aucunement notre respect... affirma-t-il.
-Alors quoi ? Tu vas déserter ? Il te retrouvera et te tuera, souffla l'un d'eux.
-Je n'en ai que faire ! Je préfère mourir avec honneur, en respectant mes valeurs, que de servir un mécréant tel quel lui. Un misérable lâche sans aucune conscience, rétorqua-t-il.
-Cela ne te mènera à rien... soupira un autre.
-Je rejoindrais la rébellion, clama le garde.
-Ils sont morts, tu l'as entendu... rétorqua l'un de ses compagnons.
-Je n'y crois pas. Il doit en rester quelques uns. Jordin n'est peut-être plus là mais sa cause, elle, est encore en vie. Je parcourrai les neuf royaumes pour les retrouver si c'est nécessaire mais je ne resterai pas ici, les bras croisés, pendant qu'il massacre le peuple d'Orien pour qu'ils se soumettent. Nous n'avons jamais été soumis. Nous étions et resterons pour les Rexaron, paix à leurs âmes. Ils ne sont plus là mais nous mettrons quelqu'un d'aussi bon qu'ils l'étaient à la place de ce serpent ! s'exclama l'homme.
-Si tu t'en vas, je viens avec toi, affirma un autre.
-Moi aussi ! s'écria un second.
Petit à petit, les soldats suivaient celui qui avait décidé de retrouver les rebelles ayant survécu. Il était persuadé qu'il en restait mais qu'Alin avait affirmé le contraire pour leur passer l'envie de les retrouver. Et même s'il s'avérait qu'il avait tort, alors ils formeraient une nouvelle rébellion. Peu importe le prix que cela allait leur coûter, peu importe s'ils mettaient leur vie en jeu, cela restait mieux que de tuer leurs amis et leurs familles, révoltés par les manigances de leur nouveau lord.
-Tiphon l'a peut-être proclamé lord d'Orien mais mon seul et unique lord restera Jordin Trafalgar, tout comme son père avant lui. Alin n'est pas la moitié des hommes qu'ils étaient. De vaillants guerriers, prêts à mourir pour leurs idéaux. C'est ce chemin là que je décide de suivre, affirma-t-il avec conviction. Les fourberies de ce tyran ne traceront pas mon destin. Plutôt mourir !
Les hommes avec qui il discutait se levèrent et sortirent leurs épées, pointant leurs lames vers le ciel avant de crier, acceptant tous de le suivre dans sa démarche de quitter Orien.
-Rassemblons tous ceux qui veulent s'en aller. Nous nous en irons une fois que tous seront prêts à partir. Il ne pourra rien y faire, affirma-t-il, confiant. Restez discrets, il ne faut pas l'alerter de notre plan. Dites bien à ceux à qui vous parlerez qu'il n'y aura aucun retour en arrière possible. Une fois Orien quitté, il nous faudra nous serrer les coudes car ceux qui voudront revenir se feront tuer sur le champ...
-Qu'est-ce qu'on attend ? Plus vite nous nous en occupons, plus vite nous pourrons quitter cet endroit de malheur ! Et surtout, moins il y aura de victimes de sa folie et de sa traîtrise... s'exclama l'un deux.
-Tu as raison, allons-y ! Rassemblons hommes et femmes qui désirent vivre sans être sous la contrainte de ce chien enragé ! fit un autre en se levant d'un bond.
Tous se séparèrent pour aller parler aux habitants de leur royaume. Plus ils rassembleraient de partisans, mieux ce serait. Beaucoup préféreraient marcher dans les traces de Jordin que dans celles d'Alin, ils en étaient certains. Ceux qui avaient cessé de protester ne l'avaient fait que par peur et par dépit. Alin n'avait très certainement que peu de gens à ses côtés. Ce que craignait le soldat, par contre, était que les gens n'osent pas dire qu'ils désiraient partir de peur qu'ils soient envoyé pour les tuer s'ils s'exprimaient. Les convaincre de leur bonne foi allait certainement être le plus dur mais ils y parviendraient. Il fallait qu'ils partent et qu'ils sauvent un maximum de personnes possible. Alin n'était pas et ne serait jamais leur lord. Jamais.
VOUS LISEZ
The Lost Kingdom [EN COURS]
FantasyDix années passèrent après le massacre des Rexaron. En 272 ap-R, dans les neuf royaumes, Myla, une paysanne, s'apprêtait à vivre une aventure pleine de rebondissements, rencontrant des compagnons de diverses contrées. En même temps, les rebelles se...