Chapitre 12

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Dans sa Pinède,

EDGAR — Je suis assis sur ma pierre — pas n'importe quelle pierre, celle qui est le mieux placée dans ma forêt de pins pour voir parfaitement ma caravane dans sa clairière. Et non, je ne me suis pas rué chez moi immédiatement. J'ai d'abord fait un crochet à mon poste d'observation habituel, celui qui me permet de surveiller ma mère qui m'attend de pied ferme depuis à peu près trois quarts d'heure.

Ma mère est très loin d'être stupide — ou alors elle me connaît un tantinet — elle a quand même fait le tour de la caravane quelques fois, avant de brailler mon prénom à la bordure de la forêt. La voilà maintenant assise à la table en métal de ma terrasse miniature, elle colle son téléphone à son oreille, et je sais qui elle appelle. Je sors mon téléphone, à mon tour, j'observe les appels qui se succèdent, puis plus rien. Pourtant, elle reste pendue à son téléphone, et même qu'elle parle en essuyant ses joues — qui ? C'est évident.

Quand ma mère range son téléphone, je reçois l'appel de Pomme. C'est la suite logique des choses. Cet appel sera suivi par celui de Ben, ensuite d'Audrey, et Pomme à nouveau, et ainsi de suite, jusqu'à ce que les vibrations ignorées s'éteignent d'elles-mêmes.

Après trois quarts d'heure de plus, et un mot griffonné, coincé au niveau de la porte de ma caravane, ma mère s'éclipse enfin. Mais j'attends encore, et dix minutes plus tard, elle est de retour.

L'expérience, je l'ai. C'est qu'une heure plus tard que je quitte ma pierre, parfaitement chauffée avec mon cul. Devant la porte de ma caravane, j'arrache le mot coincé, et le déchire sans le lire avant de l'abandonner sur place. Et je rentre — enfin — chez moi.

Je retire mon pull et le balance sur mon lit. J'inspire. J'écoute le silence.

Rien.

Je me rue dans ma cuisine miniature, je fouille dans le placard à vaisselle, là où il n'y a plus d'assiettes depuis longtemps parce que tout est à laver. Au fond, bien cachée, derrière le coude de l'évier, j'attrape une boîte en bois, que je m'empresse d'ouvrir sur la table.

Un bruit sourd résonne dehors, et je referme immédiatement ma boîte, avant de l'enfoncer dans la poche de mon treillis. Je me précipite à la fenêtre. La Mini jaune vient de se stationner devant ma Twingo. Pomme est là. Je le savais qu'elle viendrait, mais je pensais que j'aurais un peu plus de temps.

J'hésite entre me barrer en vitesse, mais elle me verrait, et elle, elle me suivrait, elle me suivrait même s'il fallait sauter par-dessus de la lave en fusion. Je choisis l'autre option, précipité, et je ferme à clé la porte, avant d'aller m'allonger entre le lit et mon synthétiseur. Ça frappe à la porte, et j'arrête de respirer. La voix nasillarde résonne :

« JE SAIS QUE T'ES LÀ ! »

Bien sûr qu'elle le sait. Elle le sait toujours. Pomme, c'est comme un chien truffier, sauf que c'est un chien à Edgar, et bordel, Edgar, c'est moi, et là, elle m'a senti, et me traque. Cette tension, ça me met en vrac, et j'aimerais calmer tous ces bruits qui se secouent dans ma tête. Je me mets sur le ventre, et ressors la boîte à magie, lentement, de peur que le moindre mouvement me grille. Je l'ouvre, le pochon de cocaïne est presque vide, je le sais, et c'est terrible, affligeant même. J'arrive à attraper dans mon portefeuille, ma carte vitale et ma carte bleue — la bleue avec des vagues, pour les gens très pauvres.

Je me fais une trace à même le sol en repoussant un peu le bordel. Mais ça frappe au niveau de la vitre au-dessus de ma tête, je relève les yeux et la furie me lorgne. Je suis sûr qu'elle a chopé une chaise pour pouvoir espionner mon intérieur, parce que la demi-portion qu'elle est ne peut pas atteindre la vitre. Dans ses yeux, il y a du feu, et ça m'incendie. Elle a déjà la salive aux lèvres :

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant