Chapitre 105

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ELISABETH — Je cours, je me tortille dans tous les sens pour éviter ceux qui veulent m'intercepter. Les deux mains en avant, je me jette sur lui, je le serre de tout mon être, je m'accroche à ses cheveux, et je percute sa bouche. Ça fait mal quand nos dents s'entrechoquent, mais bien moins que l'impression du vide et de l'absence. Sur ma langue, le sel des larmes, contre ma poitrine, les battements fous de son cœur, comme une symphonie du malheur. Mais l'adrénaline que ça m'envoie rend des couleurs au monde.

Déjà, on m'empoigne par les épaules, et Gérard hurle que je n'ai rien à faire ici. Pourtant, c'est lui qui vient d'ordonner à ses sbires de me sortir de garde à vue. À ce moment précis, je crois qu'il nous fait une fleur. Puis, c'est bien le seul endroit où je dois être, le seul où ça a du sens. Je m'accroche plus fort, au point de rentrer mes ongles dans la chair d'Edgar qui enfouit son nez dans mes cheveux. Je n'entends que son souffle étouffé, rien d'autre, aucun mot, il n'y en a pas besoin.

Je sens que mes bras cèdent, des corps essaient de se glisser entre nous, et j'arrive encore à effleurer du bout des lèvres les siennes avant de le perdre. Je garde les mains en l'air, même si je l'ai lâché, et soudain, c'est comme si tout le bâtiment se fracturait. Une dernière rupture, qui finit de scinder mon être en plusieurs morceaux. Edgar tente de s'avancer vers moi, mais il est tiré dans le sens inverse. Il résiste, il hurle, il se laisse tomber par terre, et fait le poids mort. Je fais pareil.

Et maintenant, nous sommes les deux idiots qui lustrent le sol. Tout ça pour terminer en beauté. Un gendarme me soulève. Lui, on le traîne comme un chiffon, alors qu'il lance ses pieds en l'air. La distance s'agrandit, le froid augmente, le vide prend place, et je n'entends bientôt plus que ses sanglots, ses cris. L'horizon se ternit, le silence revient, et ne sera plus jamais touché.

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant