Chapitre 107

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Aucune données temporelles, Dans La Caravane,

ELISABETH — Vautrée dans le lit, j'observe le plafond. Je n'y avais jamais prêté attention, mais il a sérieusement commencé à moisir. Peut-être parce que je n'ai jamais daigné allumer le chauffage. Je n'en ai pas besoin. L'huile n'a pas besoin de ça.

Ce matin, ou cette nuit, je me lève, j'enfile ma salopette de peintre et je m'assois sur un des tabourets du comptoir. J'attrape un de mes pinceaux, qui traînait dans mon café de la veille, et je l'essuie sur ma cuisse. Ensuite, je le trempe dans mon pot d'huile et cherche sur la table, qui est désormais une palette, un bleu suffisamment ombrageux pour dépeindre une nuit sans trop de teintes. Puis, sur ce fond, j'y placerai un oiseau, je crois que c'est un moineau, qui s'est brisé le cou contre la caravane.

Quand j'ai fini cette étape, je repousse mon bout de carton déchiré qui me sert de toile, et je le scotche sur la vitre de l'entrée. Mais avant, j'observe un peu le terrain défraîchi, où seul le scooter reste stationné. Je sors rarement de toute façon. Je n'ai plus besoin de voiture. Puis, la Twingo est à la casse, et la camionnette, je l'ai déclarée volée, après avoir défait le frein à main tout en haut de la carrière abandonnée. Il n'y a rien de plus excitant que de voir une bagnole prendre son envol et s'échouer dans un fracas métallique sur une pelletée de ses congénères.

Maintenant, dans la salle de bain, je m'attelle à déchirer d'autres morceaux de carton que j'enduis de farine et d'eau. L'argent manque. Je n'ai pas senti l'odeur de la colle de peau de lapin depuis longtemps. J'ai souvenir que j'adorais glisser mon nez sur les surfaces, tout juste apprêtées, pour renifler cette odeur de chair grasse.

Une fois cette étape finie et mes nouvelles « toiles » mises à sécher sur le lit, j'attrape une écharpe et l'enroule autour de mon cou. Je sors, une cigarette au bord des lèvres, et je pars m'asseoir sur ma chaise roulante. J'aime rouler en rond ici, je fais ça des heures durant, j'ai l'impression de naviguer dans l'espace, sans trop remuer. Parfois, quand j'en ai marre ou que j'ai la nausée, je me fige, place mes pieds sur sa chaise à lui. Je sais que c'est la sienne parce qu'il s'était amusé à dessiner des bonshommes bâtons dessus.

Une fois installée ainsi, j'observe cette toile, la grande, qui n'a pas bougé depuis, qui commence doucement à se désagréger à force de rester dehors. Les mauvaises herbes grimpent sur ses jambes, le bois est encore plus gondolé, et certains insectes ont taché sa substance. Cette image, comme beaucoup d'autres, finira par disparaître. Elle est comme tous ces bâtiments abandonnés que nous avons visités avec Edgar, éphémère.




FIN

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant