Chapitre 77

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Il y à quelques années, Au Ranch,

— J'attrape la pelle et je commence à ramasser le crottin pour le foutre dans le seau. J'en balance partout comme d'habitude, mais c'est mieux qu'au début. Je sens que mes bras se sont épaissis, que je suis plus endurant, plus musclé, et ça, c'est à force de bosser avec Michel, tous les jours, parfois même le week-end, et ça me dérange pas. Il me paye bien, puis il m'apprend des tas de trucs, qui me font éviter de trop ronger mon frein, même si c'est vrai que c'est épuisant, et que parfois je craque.

— Alors, ça se passe ?
Michel est dans l'entrée du box, tenant Biscotte par le mors. Je réponds tranquillement en observant la jeune bête s'ébrouer :
— Ouais, c'est prêt !
Il acquiesce, satisfait, et fait rentrer Biscotte. Il m'indique de lui enlever le mors, et je m'y attelle, sans faire claquer ses chicots, tandis que Michel commente en lui gratouillant l'arrière de l'oreille :
— Bon, le débourrage avance bien. C'est Fab' qui va être content.
Je hoche la tête en souriant, et une fois les liens retirés, j'attrape les brosses et m'occupe du crin emmêlé de Biscotte. Michel demande :
— Bon, tu veux toujours pas retenter ?
Je grimace, en serrant les dents :
— J'suis pas sûr.
Il a essayé de me faire monter à cheval une première fois. Mais je me suis viandé dès que la bête, incontrôlable, s'est mise à galoper, pour ensuite s'arrêter net et me propulser contre une des rambardes en bois du pré. Cette histoire m'a valu un bras cassé, et pelleter du crottin à une main, c'est vraiment galère. Je crois que je préfère ce qui est mécanique, ce que je contrôle. La dernière fois, Ben m'a fait essayer son scooter, et c'était grisant. C'est même devenu mon objectif : bosser assez pour m'en acheter un, et aussi économiser pour me payer un bout de terre quand je serai majeur, avec un chalet, ou une petite bicoque, un machin dans le genre, un endroit à moi, quoi. Et plus jamais vivre chez ma mère. Ma mère, elle est gentille, hein, mais avec le temps, je capte que la cohabitation, c'est pas possible. J'ai de drôles de sentiments envers elle, des trucs négatifs. Je crois qu'elle joue un rôle, elle aussi, comme tout le monde autour de moi. Elle fait genre elle est ma mère. Mais au fond, j'y crois plus trop. Le psychiatre dit que c'est normal, que ça va me passer, que c'est de mon âge, qu'on est haineux contre l'univers entier. Mais moi, je suis sûr que j'ouvre seulement les yeux, et que je comprends qu'y a une putain d'anguille sous la roche.

Michel rit grassement, avant de revenir avec plus de sérieux :
— Bon, sinon, fallait que je te demande. Il lui reste combien de temps ?
J'arrête de bichonner Biscotte :
— Hein ?
Il reprend en levant les yeux au ciel :
— Il reste combien de temps à Simon ?
Je ferme les paupières quelques secondes, avant de me remettre à brosser Biscotte nerveusement :
— Pas grand-chose.
Michel crache :
— Putain de justice.
Il attrape la fourche que j'avais préparée et commence à répartir du foin devant Biscotte, qui se met à mastiquer sans se faire prier. En répétant ses gestes mécaniques, Michel questionne, comme régulièrement :
— Tu comptes faire quoi, quand il sera sorti ?
J'y ai déjà réfléchi, plein de fois. J'ai tourné le problème dans tous les sens. Je me suis souvent imaginé face à Papy, et j'ai pas trente-six mille possibilités :
— S'il reste, je pars, s'il part, je reste. Mais il oserait pas rester. Ce serait complètement con.
Michel souffle comme un bœuf, avant de me tapoter le dos, et de repartir à ses activités.

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant