Chapitre 29

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ELISABETH — « T'aurais pas vu Edgar ? »

Pomme se tient face à moi, mais chacune des parcelles de son visage a l'air de trembler. Sa sympathie va voler en éclats, et je souris béatement devant elle, impatiente en plein milieu du salon.

Comme je reste muette, elle commence à gesticuler et ajoute :

« Edgar, le grand, avec des lunettes, des cheveux noirs et... »

Je la coupe :

« Nan, pas vu, pas du tout, je sais pas qui c'est. »

J'acquiesce avec moi-même :

« Vraiment pas.

— Et un type qui s'appelle Steve ? »

Ben, qui était jusque-là vautré par terre, se relève et s'accroche à moi :

« Le Steve ? »

Steve, alias chef carotte. Je hoche la tête par la négative en demandant :

— C'est qui ça ?

« Un roux, chétif, drôle. »

J'ai envie d'hurler « CHEF CAROTTE, DE LA SUPRÊME CONSERVE ! »

Je suis obligée de contracter la mâchoire pour éloigner le fou rire.

« Nan, pas vu, connais pas. Je sais pas de qui vous parlez. Vraiment pas. »

Je suis le sergent carotte, jamais je ne faillirai à ma mission, chef.

Pomme s'adresse à Ben :

« S'il y a ni l'un ni l'autre, je... — elle se frotte les tempes, on croirait que ses cheveux se dressent sur sa tête — bon, je... je vais y aller. »

Fabien, allongé dans le canapé, s'accroche à son poignet :

« Mais non, reste. C'est bon, ils sont grands. »

Le regard qu'elle lance à Fabien, même moi, il m'a percuté et fait peur :

« Non — elle pointe son doigt vers Ben — tu fais chier à inviter ce sale connard à chaque fois ! »

C'est clair, net, et précis. Elle attrape son sac et disparaît. Ben garde sur son visage ses yeux ronds, avant de l'imiter en râlant.

Steve savait qu'elle se lancerait à leur poursuite, quoi qu'il arrive. Mais au moins, le temps passé à discuter avec moi leur a permis de se tirer et de s'éloigner sans problème. J'ai réussi ma mission.

Fabien se lève à son tour, furieux, en grommelant :

« Il est toujours obligé de faire de la merde, celui-là. »

Il souffle un grand coup et se relaisse tomber dans le canapé.

Audrey, elle, s'est pendue à son téléphone et s'adresse déjà à un appel laissé sans réponse :

« Oui, Edgar... tout le monde s'inquiète, — elle se met à chuchoter comme si quelqu'un allait s'offusquer de ce qu'elle allait dire — elle te cherche, fais gaffe. »

Et Fabien lui file un coup de coude :

« Mais pourquoi t'essayes de sauver le cul de cette sale merde ? »

Audrey balaye de la main ses propos haineux, en s'enfermant dans le mutisme. Moi, je reste interdite un instant avant de soupirer :

« C'est du grand n'importe quoi, vos délires. »

Ben me tape dans le dos :

« Oublie ça, va. On se fait un verre ? »

J'accepte et le suis. Arrivés dans la cuisine, quelques badauds chuchotent entre eux, plaqués contre les murs, certainement à la recherche d'un moment de répit et d'une minute de conversation en toute intimité.

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant