Chapitre 19

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Dans La Réserve,

EDGAR — Steve entre dans le bar, et je me tends comme un ressort, avant de me mettre à courir en manquant de renverser Audrey. C'est le seul moment que j'aurais vu que Pomme est toujours aux chiottes avec l'autre là.

J'intercepte Steve, Ben me rejoint aussitôt, et avant même qu'il ouvre la bouche, on le pousse tous les deux dans la réserve, pendant qu'il se remue comme un asticot.

« Sérieux, vous cassez les couilles. »

Ben l'invective en refermant la porte derrière lui :

« Quoi ? C'est toi qui casses les couilles, là ! Tu nous promets monts et merveilles et tu nous plantes !

— J'ai d'autres choses à foutre. »

Ben roule les yeux, et je me laisse tomber sur un tas de palettes en bois, en laissant ma jambe sautiller dans tous les sens. L'odeur de vin vieilli mélangé à la poussière et la moisissure me flanque la nausée, et j'évite de mater les taches noirâtres au plafond, qui grignotent centimètre par centimètre le crépi.

Steve s'étale contre un des murs en essuyant ses yeux. J'ai compris, Ben aussi, et c'est lui qui décide de découpiller la grenade :

« Mais non... encore ? »

Steve s'approche en chancelant et s'assied à côté de moi en posant sa tête sur mon épaule — le bruit de la ventilation qui siffle dans la pièce me gêne :

« Il a dit : écoute, j'ai besoin d'air, t'es trop collant. MAIS JE SUIS PAS TROP COLLANT... »

Ben se jette sur lui et lui colle la main sur la bouche :

« Crie pas là ! Si t'as Pomme qui débarque, elle te fume sur place. »

Steve s'offusque :

« QUOI ? ELLE EST LÀ, ELLE ! »

Ben serre plus sa main sur la bouche de Steve :

« MAIS CHUT ! Oui... Elle est aux chiottes avec Fab'. »

Steve se tourne vers moi. Je hausse les épaules :

« J'ai pas compris. »

Ben glousse derrière :

« T'as vu la rouquine en entrant ? Ouais. Bah. Fabien lui a dit une crasse et elle lui a foutu une blinde de tabasco dans son verre. »

Steve réfléchit un instant avant de répondre :

« C'est puéril — il acquiesce avec lui-même — puéril, mais un peu marrant. Mais puéril. »

Je me retiens de me tordre de rire, et Ben relance déjà Steve sur ses romances, qui, là, tout de suite, maintenant, me passionne pas.

« Bon et avec Tony, alors. »

Il s'affaisse de nouveau :

« Je sais pas... il a dit... je suis allé devant chez lui — il hoquette —, j'ai attendu, longtemps — il renifle — Quand il ouvrait pour aller au boulot, j'étais là, et quand il rentrait j'étais là aussi, j'ai même dormi sur son paillasson. »

Ben le coupe :

« Attends, mais quoi ? Tu l'as traqué !

— Mais ! C'est pas vraiment traquer ! »

Je grimace en rajoutant :

« Un peu quand même... »

Il se lève d'un bond, en secouant ses mains devant lui :

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant