Chapitre 17

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Chez son Père,

ELISABETH — Arrivé à la maison, je rumine sévèrement et le paternel sifflote en portant les courses. Dans la cuisine, je commence à ranger, je balance les produits dans les placards sans m'encombrer et fais claquer les portes déjà tordues, pendant que mon père s'assied et se colle à son téléphone avec le ticket de caisse. Quand je finis le sale boulot, je me jette sur une des chaises, une gueule jusqu'à par terre et je mâchouille le bout de mes doigts en m'imaginant déjà faire la potiche au milieu des piliers de bar de ce rade miteux. En plus de ça, aujourd'hui il n'y a rien de beau dans cette maison, même le nouveau pied de basilic que 2501 a ramené, entouré par les flux du soleil de la fenêtre impeccable, ne me procure aucun plaisir.

Je finis par me décider à me changer les idées en cherchant mon carnet dans mon sac. Mon père, en face de moi, s'illumine, alors que je ne trouve pas mon foutu carnet :

« Bon, tu me dois trente-six euros et quatre-vingts centimes. »

Je redresse la tête, d'un coup, il est tout sourire lui :

« Pardon ? — Oui, pour les courses, trente-six euros et quatre-vingts centimes. — Nan, mais, attends... pourquoi ? »

Il reprend son ticket devant lui :

« Alors, il y a les Twix, les deux sachets de chips, le lait, le shampoing amande douce Petit Marseillais, les tampons là, putain huit balles pour des tampons d'ailleurs, tu te fais plaisir. »

Je me fais plaisir ? C'est sûr que ce n'est pas ses vieilles couilles flétries qui risquent de saigner tous les treize du mois, qui vont se faire arracher leurs poils de bite à cause de tampons low-cost :

« Mais, je rêve là ! Genre, tu vas me faire payer les courses ! »

Je me mords les lèvres, j'ai déjà les boules et lui en rajoute une belle couche. Je me remets à fouiller mon sac :

« Oui. Tu vis chez moi, tu glandes, tu démontes le frigo, juste parce que tu fais que des conneries, alors tu vas participer à la vie de la maison si tu veux rester. »

Je pouffe de rire, en retournant mon sac à dos :

« On se croirait dans une de ces téléréalités merdiques. Quoi, tu vas m'éliminer ? Ouais, bien sûr, il t'arrive quoi ? Il est où le mec qui s'en fout, qui vit comme ça, qui sait même pas quelle heure il est ! »

Il hausse un sourcil, et je vide mon sac par terre, à même le carrelage :

« Il est nulle part, les choses ont changé. ET si tu veux pas accepter que ça fonctionne comme ça, maintenant, tu prends tes affaires, et tu retournes à ta vie d'artiste fauché. »

Rien, rien, et rien, pas de carnet. J'essaye de retracer les événements, et je suis persuadée que je l'ai laissé au bar :

« Ouais, bien sûr ! Tu peux pas comprendre que j'ai des ambitions — je le pointe du doigt — puis c'est quoi ce délire de me trouver du boulot ! Putain, j'ai déjà un travail. Je suis ARTISTE. »

Il secoue la tête par la négative, en prenant un air doux, et il ouvre les mains devant moi :

« Oui... bien sûr. Mais ce qu'il faut que tu comprennes, c'est que des fois, faut accepter que certaines choses restent à l'état de passion... »

Je m'étrangle :

« PARDON ! C'est MON putain de métier ! De quoi tu me parles là ! C'est pas une passion du dimanche ! Je barbouille pas des putains de bateaux sur des mers bleues ! »

« Ton métier c'est celui qui te ramène de l'argent. »

Je lâche un râle, en donnant un coup de poing dans la table — c'est pas bien grave, des coups, celle-là, elle en a mangé plein.

« L'argent. L'argent. L'argent. C'est tout ce que tout l'univers sait chanter. Mais putain, c'est pas ça la vie ! »

Il se lève catégorique, et se met à m'imiter :

« C'est pas ça la vie... — il reprend son air paternaliste à la noix — t'es une gamine, sérieux. Maintenant stop ton mélodrame. Je vais bosser. T'oublieras pas mes trente-six euros et quatre-vingts centimes, Elisabeth, et achète-toi tes propres clopes au lieu de piller mes paquets en cachette ! »

Je grogne, en renfonçant mes affaires dans mon sac, j'attrape mon portefeuille, et le vide sur la table, je compte rapidement, et pousse l'argent vers mon père.

« Six euros et quarante centimes. Voilà. »

Il sourit, presque perfide, et je suis à ça de la crise destructrice. Mon père acquiesce plus tranquillement que jamais avec lui-même :

« Heureusement que je t'ai trouvé un boulot alors. »

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant