Chapitre 68

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Il y a quelques années, Dans sa Chambre,

— Je passe mes journées à lézarder dans ma chambre et à jouer sur le PC que ma mère m'a acheté. Un jeune qui a envie de sécher les cours et de déserter les bancs de l'école, quoi de nouveau, surtout quand ses camarades ont 3 ans de moins que lui, qu'ils sont tout de même plus avancés, qu'ils écrivent sans bloquer à chaque mot, qu'ils savent faire un calcul sans se planter si ça dépasse la cinquantaine, et qu'en prime, quand ils parlent, c'est clair, beau et poétique, alors que dans mon cas, on capte une phrase sur dix. En bref, vous voyez le grand type qui a des poils au menton et qui est en sixième avec des minots qui pissent encore au lit ? C'est moi.

Mais c'est ma mère qui a eu l'énorme idée, avec le psychiatre, de me faire intégrer le collège du village voisin. Tous les deux, après quelques années d'école à la maison, pensent que j'ai les capacités mentales d'avoir mon brevet : un minimum, ose dire ma mère, un maximum, je dis moi. Quand je suis arrivé au collège en cours d'année — de 6ème — ils ont même organisé des réunions d'information. Les élèves ont eu des cours explicatifs pour se préparer, un peu comme s'ils intégraient un extraterrestre ou un animal inconnu.

Donc, le premier jour, planqué derrière mes cheveux, ils m'ont tous observé avec des yeux de merlan frit. La prof principale, elle, a pas arrêté de venir me voir toutes les cinq minutes, de peur que je fasse une crise — j'avais envie de faire une crise. Pour pallier ça, j'ai gribouillé toute la journée sur mes feuilles doubles. Surtout dans les en-têtes, en écrivant quelques lignes de cours, même si j'ai rapidement abandonné, ça allait trop vite. Ça, les enseignants, ils l'ont bien compris, et ils ont fini par glisser les leçons photocopiées à ma mère.

Mes notes sont moyennes, voire basses, mais tolérables, et j'y vois du favoritisme. Surtout avec les sourires doux quand un professeur ose me dire :
« J'ai pas compté ça — en me désignant l'ineptie — comme une erreur, c'est plus une maladresse. »

Cependant, les autres m'invitaient à leur jeu, mais je sais que c'est parce qu'on leur a dit de le faire, on leur a dit d'être gentils. Tout le monde, sans exception. Et le premier qui m'a lancé :
« T'façons, t'auras ton brevet parce que c'est écrit sur ton front que t'as fini dans un placard. »
Il a terminé en colle pour le restant du mois. C'est pas moi qui l'ai balancé, ce pauvre gars, mais Pomme.

Oui, Pomme, d'ailleurs. Ils ont désigné cette fille de mon âge comme ma « tutrice » qui doit me lier avec des jeunes plus âgés. Ils ont peur que ce soit un problème social pour moi d'être qu'avec des très jeunes. Mais je me demande si je préfère pas ça, être avec des gosses. Moi, les entendre parler de Minecraft toute la journée, ça me plaît assez. Alors que ceux de mon âge sont plus concentrés sur leurs relations amoureuses, et tout ce qui englobe ça, mais je les rejoins quand même, parce que cette fille, Pomme, me fiche une pression de dingue. Puis surtout parce que dans cette bande, il y a Audrey, et je suis amoureux d'elle, vraiment amoureux, c'est ma mère qui me l'a dit. Sauf qu'Audrey, elle est amoureuse de Ben, et ils se béquottent à la récré.

Même qu'il paraît que dans les toilettes, parfois, ils se touchent. Et tout ça, ensemble, ça me fait décrocher, et j'ai dit à ma mère que j'irais plus. Elle essaye tout le temps de me forcer, mais je fais barrage. Du coup, j'y suis plus retourné, et aujourd'hui, le cul vissé sur ma chaise depuis des heures, au point d'en avoir mal au fion, je glande devant Dofus. Je suis pas loin d'atteindre le niveau 200, et ça, c'est carrément la classe. Mais en plein donjon, ça frappe à la porte de ma chambre, et je dis que je suis pas disponible. Elle braille qu'elle en a ras le cul de ce satané jeu. Je perds mon combat.

Je finis par la rejoindre, coléreux à souhait, elle comprend pas le concept de jeu en ligne et que les pauses, ça existe pas. Quand vous vous faites poutrer par un groupe de monstres bien plus forts, vous le subissez jusqu'au bout et puis c'est tout, un peu comme dans la vraie vie.

Arrivé dans le salon, je reprends un peu de substance en remarquant que Fabien est vautré dans le canapé. Il me salue de la main, et je fais de même, en adoptant un genre décontracté, parce que ce type, lui, il a vraiment la classe. Puis j'aperçois son père, dans l'autre fauteuil. Il s'est levé et m'embrasse sur les deux joues, avant de me suggérer de m'asseoir en face de lui à table. En sirotant son café dans une des tasses bariolées de ma mère, il me questionne sérieusement :
« On m'a dit que c'était un peu compliqué l'école ? »
Je grimace en baissant la tête, je le sens venir, le sermon à deux balles :
« Écoute, y en a qui aiment pas ça, c'est comme ça — il se tourne vers son fils et le pointe du doigt — c'est pas une raison, hein ! — puis, il se remet à me sourire — Je te propose un truc. J'ai besoin de bras au ranch. T'as pas de cours à apprendre ni rien avec moi, tu fais le boulot, moi je te paye, et comme ça, t'es pas lâché dans la nature. »

Je fronce les sourcils et relève le nez :
« C'est quoi le boulot ? »
« Palefrenier, et un peu de boulot de ferme, tu t'occupes des bêtes, tu les nourris. C'est physique, mais t'inquiète, on commencera doucement. »
L'idée de m'occuper des animaux me déplaît pas, en soi, c'est même chouette, puis ça ou le collège, le choix est vite fait. Alors, je hoche la tête, et il se lève pour me serrer la main, comme un homme, un vrai. Ensuite, il me file quelques informations, les horaires, et propose même de venir me chercher. Puis, avant de partir avec son fils, il embrasse ma mère sur la joue, et elle l'enlace en le remerciant, ce à quoi il répond :
« Je te le dois... Je lui dois. »

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant