Chapitre 39

4 1 0
                                    

Il y a longtemps, Avec Maman,

 — Je souris devant maman. Quand elle me demande si je suis sage, je dis oui, quand elle me demande si je vais bien, je dis oui, quand elle me propose de me doucher, je dis non, que je suis grand, et que je le fais tout seul, elle comprend.

Papy m'a dit de dire ça, sinon, je pourrais plus la voir.

Quand elle vient, c'est pas souvent, mais j'ai le droit d'aller partout, et je peux, même, la nuit, me glisser dans son lit et me blottir dans ses bras. Elle rit à chaque fois et chuchote : « On va encore se faire gronder par le grand inquisiteur... »

Et je dors là, tout contre elle, dans son lit aux multiples couvertures, dans toutes les fleurs du monde, parce que c'est ça qu'elle sent ma maman, les pissenlits, les roses, et le sucre. Quand je me réveille le matin, c'est dans un nuage orange, ça, c'est à cause de ses cheveux qui me couvrent le visage. Elle me serre encore, je suis tout petit dans ses bras, même si je continue de grandir — un peu. J'aime rester à faire la grasse matinée avec elle, même si je dors pas, je regarde comment le soleil rend encore plus belle sa peau. C'est qu'elle est très belle, ma maman. Son nez, il est long, et sans bosse comme le mien, sa bouche est toute ronde, et ses joues, elles sont pleines de jolies taches.

Mais, quand elle est là, c'est toujours pareil, au bout de quelques jours, Papy et Maman finissent toujours par se disputer. Maman trouve que je devrais aller à l'école avec les autres, mais lui, il pense que c'est mieux que je fasse l'école à la maison avec Mamie. Il dit que l'école, ça crée des abrutis, et que ça n'apprend pas le vrai travail. Il dit aussi que sa façon de faire, ça éduque les garçons comme il faut, ça fait pas des hommes comme mon père. Moi, mon père, je sais pas qui c'est, et à vrai dire, je m'en fiche, tant que maman est là.

Mais ça, ça fait fuir Maman.

Et quand elle enfile son manteau, en mettant son sac sur son dos, je lui demande à chaque fois quand est-ce que je pourrais venir avec elle, mais elle répond toujours que là où elle vit, à la capitale, il n'y a pas de place pour moi. Elle dit non, même si je lui dis que je pourrais me faire tout petit, je pourrais même vivre dans un placard, s'il le fallait. Je la supplie, je m'accroche à son pantalon, je pleure même, mais rien n'y fait. Elle part. Et je reste ici. Les jours après ses départs sont les plus durs, c'est ceux où elle me manque le plus.

Mais tout a encore changé, car maman, la dernière fois qu'elle est venue, elle a vu que sur mon ventre, il y avait plein de trous, et elle s'est mise à pleurer. Elle s'est longtemps enfermée dans la chambre. Avant de prendre ses affaires et de partir. Depuis, elle n'est plus revenue, et quand j'ose demander à Papy pourquoi maman ne vient plus, il me dit que je la dégoûte. Il le dit en écrasant une autre cigarette dans le bas de mon dos parce que j'aurais pas dû laisser maman voir mon ventre, et que lui et moi, on aurait pu avoir des problèmes. Et il dit aussi :

« Si t'ouvres encore ta gueule, ou fais de la merde comme ça, tu finiras dans un foyer de pourris, et d'enculés, et ils te fouteront avec leurs animaux, à bouffer de la merde. C'est ça que tu veux ? Manger de la merde ? Te faire enculer par un cochon ? Compte pas sur le fait de revoir ta salope de mère un jour. »

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant