Chapitre 103

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EDGAR — Ma face a l'air de s'écraser sur elle-même et je geins de douleur. J'ai du mal à comprendre où je suis.Je ne trouve plus mes lunettes. Une masse posée sur moi m'enfonce dans le sol, me broie et m'empêche de respirer. J'essaye de me dégager, mais je n'ai que des aboiements féroces en réponse. Je passe ma main sur les objets à proximité, mes doigts frôlent du carrelage, c'est froid, désagréable, puis je bute sur une matière plus rêche. Dessous, je sais qu'il y a de la peau, et je serre ce membre inconnu. Un glougloutement sombre me fait tourner la tête.

Loin de moi et pourtant si proche, une masse sombre gargouille. Je ne reconnais pas Fabien, son visage est tordu, enfoncé, plein de bubons sanglants. Mon cœur s'accélère. Ma vision se stabilise. Je cherche du regard. Ben est au-dessus de Fabien, penché sur lui, les yeux exorbités, il le secoue, et des râles lui répondent. Elisabeth est allongée à côté, le visage en sang, le nez percé. Elle observe la scène en se grignotant le bout des doigts. Steve, c'est lui qui est sur moi, il a enfoncé un de ses genoux dans mon ventre et me garde prisonnier, en hurlant sur Ben. J'ai du mal à comprendre ce qui se passe, mais j'entends la réaction hagarde d'Elisabeth qui tente de se redresser :

— Nan... nan... faut pas appeler la police.

Les yeux d'Elisabeth gonflent, et Ben secoue les mains dans tous les sens en fouillant dans sa poche, alors que Steve se met à gesticuler, avant de me libérer enfin. Il rampe jusqu'à Ben : — Non... vraiment non.

Ben, furieux, les larmes coincées sur les joues :

— Mais vous êtes tous dingues ! J'appelle les flics ! Ta came, je m'en fous, mec !

Il sort son téléphone. Elisabeth tente de se remettre sur pied, soutenue par Steve. Ben tape sur l'écran, et je me redresse en tanguant de droite à gauche. Elisabeth apparaît devant moi, titubante, et attrape un de mes bras pour me forcer à me relever. Je m'accroche à elle et remonte complètement amorphe. Elle plante ses doigts dans mon épaule et se met à marcher vers la sortie. J'arrive seulement à bafouiller :

— Quoi ?

Elle siffle entre ses dents :

— On s'casse.

Je la suis sans broncher et la voix de Ben nous interpelle :

— Mais vous foutez quoi !

Elisabeth se tourne, en faisant non de la tête, et se met à avancer plus vite vers les escaliers. À plusieurs reprises, je manque de tomber tellement je suis instable sur mes appuis, et Ben, pendu à la rambarde, crache :

— Putain, mais... je comprends rien, là.

Arrivés au premier étage, Elisabeth marmonne :

— Je vais pas assumer ça !

Ben hurle encore d'en haut :

— Mais t'as rien fait, toi !

Alors qu'on entend au loin, la voix de Steve :

— S'teu'plait, frère, me fais pas ça.

On franchit la porte de l'immeuble et elle me jette sur le siège passager de la Twingo. Puis, elle se met au volant et démarre. Elle quitte le village, puis rejoint la départementale, en direction de je ne sais où. Crispée, elle tente de maintenir ses yeux ouverts, mais vu l'état de son nez, la mission paraît impossible. Je marmonne : — Il a appelé les flics.

Elle hoche la tête, et je demande, ignorant :

— Il va leur dire quoi ?

— Tu veux qu'il leur dise quoi d'autre ?

Le gouffre qui s'ouvre sous nos pneus est vertigineux, et le soleil déjà trop haut à mon goût m'éblouit :

— J'ai la gerbe.

J'ouvre la fenêtre et je jette ma tête dehors, je vomis tout le contenu de mon estomac sur la carrosserie. Mais déjà, des hoquets monstrueux me font me retourner, et Elisabeth, la bouche grande ouverte, pleure à grands sanglots en tentant de ne pas nous tuer. J'essaye de maintenir le volant pour l'aider.

— Faut que tu t'arrêtes... là... ton nez en plus.

Son nez est vraiment monstrueusement gonflé, bleu, saignant, et dans un piteux état. Affreux. Comme une pièce de viande qu'on a frappée par terre. Elle hoche la tête par la négative :

PETROLEUM [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant