Partie 23

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- Mardi soir.

Nous sommes à table, autour d'un plat de légumes et de poulet. Je suis à côté d'Alice et Jayce nous fait face. La seule fille nous sermonne encore au sujet de la bagarre mais je n'y prête pas attention, je suis encore surpris de ce qu'il s'est passé avec Jayce. De ce que je lui ai dit surtout.

Putain, si tu savais à quel point je t'ai déjà dans la peau...

C'était fou comme ça venait du fond du coeur. Mais c'est tellement véridique que je ne regrette pas. Je suis simplement surpris de lui avoir dit avec autant d'aisance. Je ne suis plus arrivé à m'accrocher à quelqu'un après Aismé mais lui, il m'a juste retourné le cerveau. Il est arrivé avec ses airs de mec imperturbable et chercheur d'emmerdes. Je l'ai détesté et maintenant, je me retrouve à manger avec lui et sa cousine. Je lui dis des choses que je n'aurai pas pensé redire. Je me suis ouvert alors que j'avais cru être un cas fini, désespéré. Il m'a donné envie de me battre, d'être fort.

- Je n'en reviens toujours pas, grogne Alice en me frappant soudainement l'épaule et je sursaute. Vous avez pété les plombs !
- Mais non, marmonne Jayce en enfournant une fourchette de légumes. Il le méritait Alice, il a dit des choses impardonnables.
- Et il a dit quoi de si horribles ? sa voix sèche claque dans la salle et je reste muet, tête baissée vers la table. Ne faites pas les muets !
- Alice, arrête, son cousin frappe le plat de sa main sur la tête. Tout de suite.
- Non merde, vous avez fait n'importe quoi ! Steven est un con et tout ce qu'il a pu dire est faux ! Pourquoi vous vous mettez dans un état minable ?
- Laisse tomber, je grince en serrant ma fourchette plus fort. Je n'en parlerai pas et Jayce ne le fera pas non plus, je siffle en relevant mon visage vers elle. Cette histoire ne te regarde pas, Jayce n'y est pour rien et je suis le seul responsable. Alors oublie tout ça et sois déjà contente qu'il n'y est pas de mort.

Je ne détourne pas mes yeux le premier. Elle paraît surprise, elle ne s'attendait pas à ce que je lui parle comme ça mais elle joue sur un terrain glissant. Elle finit par baisser les yeux en se mordant la lèvre et je regrette rapidement d'avoir été aussi froid. Une boule se force au creux de mon ventre et je pose ma main sur son épaule en m'excusant.

- Ce n'est rien, dit-elle en laissant un léger sourire courir sur ses lèvres. Je suis simplement surprise de ta réaction... Mais si tu ne veux pas en parler, ce n'est pas grave.

Je souffle un léger merci et rapidement, elle se remet à parler de tout et n'importe en oubliant notre accrochage. Ce que j'aime son caractère. Je lance un regard à Jayce qui me sourit avec narquois. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête mais je sais qu'il repense à tout à l'heure. Je baisse vivement la tête alors que mes joues rougissent à peine. Je me remet à manger alors qu'Alice nous parle et je me sens bien. On parle de tout et de rien, d'un sujet débile à des sujets philosophiques et je me sens calme.

- Bon, il est déjà vingt-trois heures, lâche Alice en s'étirant sur le canapé. Je ne te vire par de chez moi, mais je vais me doucher puis me coucher. Bonne nuit les gars.

Elle embrasse nos fronts et sort du salon alors que Jack Sparrow court à la télévision. Je suis avachi d'un côté et Jayce de l'autre. Alice était entre nous quelques minutes avant et elle s'était allongée sur nous, ses pieds sur Jayce. D'ailleurs, ce dernier pose ses pieds chaussés de chaussettes sur mes cuisses et je lève un sourcil dans sa discussion. Il ne me jette même pas un coup d'oeil, toujours concentré sur l'écran. Je pousse donc ses pieds alors que l'eau se met à couler dans la salle de bain. Ils retombent mollement sur le sol et Jayce se tourne vers moi dans un grognement.

- On peut pas être tranquille deux minutes hein ? soupire-t-il en tentant de reposer ses pieds sur moi mais je les attrape avant et les repousse à nouveau. Mais allez, laisse moi faire ce que je veux. Putain Tom, laisse mes pieds sur toi.

Je soupire en poussant encore ses pieds mais il les remet. Je les attrape fermement et d'un mouvement brute, je le tire vers moi. Ses cuisses retombent sur les miennes alors que ses pieds battent l'air hors du canapé. Son dos est allongé sur le canapé mais il se redresse sur les coudes en m'adressant un regard noir. Je pouffe doucement alors qu'il se l'aise retomber sur le dos en glissant ses bras derrière sa nuque. Je le regarde alors qu'il suit l'évolution du film. Ses cheveux retombent sur ses bras et ses yeux plissés me font sourire. Il est beau, c'est indéniable mais au fond, on va la déchirure. Derrière ses yeux brillants de mesquinerie, il est brisé en deux.

Je m'enfonce dans le canapé en arrêtant toutes pensées noires et je caresse sa cuisse en dessinant des formes inexpressifs du bout des doigts. Je tente de reprendre le cours du film mais j'en suis incapable, je n'ai rien suivi depuis le début vu qu'avec Alice, on se chamaillait comme deux gamins. Je me tortille alors que Jayce m'ordonne d'arrêter. Je lève les yeux au ciel en essayant de m'installer plus confortablement et il me menace. Je n'en tiens pas compte, comme d'habitude, et je bouge encore un peu. Mais rapidement, il se redresse, passe un bras autour de ma taille et se rallonge, m'emportant avec lui. J'ai les yeux grands ouverts alors que ma tête repose sur son épaule et mes mains sur son torse. Je suis surpris alors que sa main sur ma hanche resserre sa prise. Le canapé est assez grand pour contenir nos deux corps allongés mais Jayce s'en fout, il me tient contre lui quand-même. Je souffle en me calant mieux contre lui et son soupire me fait rire.

- Arrête de râler, je rigole doucement en laissant ma tête se nicher une place sur mon épaule. C'est de ta faute si je bouge.
- Tais-toi, j'écoute le film, il me pince la hanche et je lui donne un léger coup dans le torse. Tu es gonflant.
- Et toi, trop concentré dans le film ! je clame en posant une main sur ma blessure délicatement.

Jayce, dans un mouvement fluide, me fait tomber sur le dos et il s'assoit sur mes cuisses alors que mes pieds tapent dans le vide, comme lui précédemment. Il soulève avec douceur mon haut en révélant le pansement. Sa grimace me fait froncer les sourcils et il soupire en se laissant tomber sur moi. Je me fige alors que son visage se glisse dans ma nuque et qu'une de ses mains caresse mes cheveux. Je laisse mes mains entourées son torse et il se laisse aller un peu plus contre moi.

- Ne me cache plus rien, murmure-t-il.
- J'ai le droit d'avoir des secrets, je ris doucement mais il serre sa main dans mes cheveux.
- Pas pour ça, grogne-t-il alors que son autre main se glisse entre nos deux corps pour caresser mon ventre puis mon pansement sur mes côtes. Je ne veux plus que tu gardes ça pour toi, tu dois en parler. Surtout si c'est pour finir à l'hôpital dans un état minable, souffle-t-il en reprenant ses caresses dans mes cheveux. Je m'en suis voulu a l'hôpital. Je ne sais pas pourquoi mais je me suis détesté. J'aurai dû voir que tu avais un problème, j'aurai dû comprendre.
- Non, tu ne l'aurais pas vu alors arrête de culpabiliser, tu as été là quand-même quand j'en ai eu besoin...
- Je suis toujours là, grince-t-il en me rattrapant. Je ne te laisserai pas, à aucun prix.

Je le repousse en le faisant tomber à côté de moi alors que je me redresse, prêt à partir. Je ne veux pas qu'il dise ça, j'ai déjà cru à ces si belles paroles et pourtant, j'ai tout perdu. Et je ne veux plus revivre ce sentiment de vide. De toute façon, je le connaîtrai toujours, Aismé me manquera jusqu'à ma propre mort mais je ne veux plus perdre une proche de plus. Je me dirige vers l'entrée mais des doigts s'enroulent autour de mon poignet.

Je ne me retourne pas, conscient qu'il va me hurler dessus. Délicatement, son autre main glisse sur mon autre bras et il agrippe mon épaule. Il me fait tourner vers lui et je baisse instinctivement les yeux. Un petit rire s'échappe de son corps. Ses doigts viennent attraper mon menton et il me redresse le visage en encrant son regard dans le mien. Il n'est pas en colère, il est détendu. Et c'est surprenant. D'habitude, il s'énerve en me répétant qu'il ne me laissera pas ni rien mais là, c'est le calme plat. Son autre main se pose sur ma joue alors qu'il laisse sa main glisser sur mon bras pour attraper ma hanche et me coller à lui. Inconsciemment, je pose mes mains sur ses épaules alors que son front se pose sur le mien, son pouce caressant ma pommette. Ses yeux ne me lâchent pas, sa main sur ma hanche trace des cercles sans desserrer sa prise. Comme pour me prouver qu'il est là, avec moi. Il sourit alors d'un petit sourire en coin et je lève un sourcil.

- Tom, s'il te plaît, essaye de croire en moi, de croire en notre amitié, il chuchote en laissant son bonheur prendre de la place dans ses pupilles. Essaye de me croire. Et surtout, essaye de croire en nous.

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