Partie 46

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- Samedi, 13h.

Nous nous regardons toujours dans les yeux. Je suis paralysé, je ne sais pas quoi dire, quoi faire. Et encore moins comment réagir. Mon cerveau a enregistré trop d'informations. Et il a grillé. Qu'est ce que je peux dire pour ne pas faire de gaffes ? Et je réalise alors. Mes yeux s'écarquillent et se baissent au sol, où tous les documents sont positionnés en pile.

Vivement,je les attrape alors que Jayce tombe à genoux devant moi, posant ses mains sur mes poignées, stoppant ainsi tous mes mouvements. Je tremble, lève mon regard et son visage me fend le cœur. Il est blessé, détruit de l'intérieur, il pleure toujours.

-Je sais ce que c'est... geint-il d'une voix cassée. Pas besoin de ranger. S'il te plaît Tom.... J'ai besoin...

Il éclate en sanglots, enfouissant son visage entre ses mains. Sans même réfléchir, j'entoure mes bras autour de ses épaules, serrant son corps contre le mien alors que son visage se niche dans mon cou, ses doigts serrant violemment mon haut. Ses larmes me font mal, son histoire me rend malade. Je ferme les yeux, serre les dents et l'enlace plus fort encore. Car je ne le laisserai pas tomber. Il n'affrontera pas ses démons seul. J'enfonce mes doigts dans ses cheveux, les caressant avec tendresse pour le détendre, lui laisser le temps de se calmer.

Quand je rouvre les yeux pour chasser les larmes qui s'y installent, je tombe sur Matt, dans l'encadrement de la porte qui nous regarde, bras croisés et une moue triste collée au visage. Je me détourne et cale mon visage contre l'épaule de Jayce. Ses épaules tressautent toujours, il couine toujours mais ses larmes se sont taries. Mes lèvres se posent doucement sur sa joue et il bouge un peu, venant se coller plus fortement contre moi. Mes doigts agrippent ses hanches et je nous mets debout, son corps se serrant contre le mien, ses doigts ne lâchant aucunement mon t-shirt. Matt me fait signe qu'il descend et je hoche la tête. Il se pince les lèvres, et je m'excuse silencieusement avant qu'il ne parte. Ses lèvres s'étirent doucement et il me fait un petit signe avant de lancer un regard au dos de Jayce. Ses yeux se voilent : lui aussi est touché par son histoire. Je contracte ma mâchoire. Matt secoue la tête, fait un dernier signe et sort en fermant doucement la porte.

Je soupire et passe une main sous le haut de mon petit-ami, laissant le bout de mes doigts dessiner des arabesques dans son dos. Jayce souffle et s'écarte doucement, pour que nos yeux s'affrontent. Son front se pose contre le mien, nos souffles se mélangent mais je ne suis pas attiré, je ne veux pas l'embrasser. Je veux simplement réparer son cœur brisé. Mes doigts caressent sa barbe naissante et il ferme les yeux, laissant de nouvelles larmes s'échapper. Je me mords la lèvre, sa douleur se répercute en moi. C'est horrible : j'ai l'impression de m'effondrer avec lui.

Jayce se recule alors en posant ses mains sur mes hanches. Puis en écartant un peu plus nos corps, nous empêchant de nous toucher. Un froid s'installe entre nous, ses yeux restent fermés. Il m'échappe, je le sais. Je le sens. Et c'est désagréable. Je serre les dents, me retiens de parler. C'est son histoire, c'est à lui de parler, de raconter ces mésaventures, de m'expliquer tout ceci. Il souffle,plante ses pupilles dans les miennes et je me fige.

Toute la colère, toute la rage, l'horreur et la haine se reflètent dans son regard. Je ne lui avais jamais vu ce visage. Il brûle de l'intérieur, il est prêt à détruire n'importe quoi ; la moindre chose se trouvant sur son chemin serait exterminée. Inconsciemment, j'ai un mouvement de recul. Mon pied part en arrière et le temps s'arrête. Jayce se brise sous mes yeux. L'éclat que j'ai aperçu si souvent quand il souriait, riait en notre compagnie se volatilise. Son visage prend une dizaine d'années d'un coup. Ses épaules s'affaissent. Ses yeux se ternissent. Son âme disparaîtrait presque.

Je tente d'attraper sa main, de le ramener sur Terre, de lui montrer que je suis là. Mais cette fois, c'est à lui de reculer. J'inspire,retiens mes larmes. Il fait de même. Aucune parole échangée, aucun mot prononcé. J'ai la sensation de voir le monde s'effriter de seconde en seconde sous mes pieds, sous nos pieds. Ses yeux sont toujours aussi envahi de sentiments néfastes, de haine et de colère. Je ne pensais pas qu'il gardait autant au fond de lui. Mais aujourd'hui, j'ai en face de moi un nouveau Jayce, bien plus mystérieux, bien plus ténébreux. Mais il n'est pas attirant. J'en arriverai presque à le fuir.

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