Chapitre 12

33.4K 1.7K 105
                                    

Alec se redresse et vient se jeter sur le lit avant de lier ses mains derrière sa tête d'un air nonchalant. Et incroyablement sexy. Je le suis et m'assois au bord du matelas, le plus loin possible de lui. Il sourit en me regardant.
-Il y a un club pas loin, où des parties de poker sont souvent organisées la journée. Les hommes d'Alessio aiment bien s'y rendre pour faire passer le temps sans se prendre la tête.
-Et donc ?
   Il roule du regard.
-Patience, j’y viens. Je serais assis au fond du bar pour observer leurs réactions une fois que tu seras entrer, exactement trente minutes après moi.
   Je fronce les sourcils. Je ne comprends toujours pas où il veut en venir.
-Mais qu'est-ce que je suis censé faire ?
-Rien de particulier, dit-il en haussant les épaules. T'as juste à poser ton petit cul sur une chaise et à attendre. Ils savent qui tu es et que ton frère met tout en oeuvre pour te retrouver. Je verrais tout de suite qui sont les hommes d’Alessio et les tuerais en moins de temps qu'il n'en faudra pour qu'ils mettent la main sur toi.
   Je commence à paniquer et il semble l'avoir remarqué puisqu'il pose sa main sur ma cuisse. Le contact de sa paume contre ma peau me donne un coup de chaud et je suis sûre qu'à ce moment là mes joues deviennent rouge pivoine. Je le regarde dans le blanc des yeux.
-Je ne suis pas sûre de...
-Je te protégerais.
   Quand il  me dit ça, ma poitrine se serre. Il y a quelque chose dans son regard d'effrayant et de rassurant à la fois. Je hoche vaguement la tête alors que les battements de mon coeur accélèrent de plus en plus, semblable aux aiguilles d’une horloge qui s’affolent. Est-ce qu'il entend l'effet qu'il opère sur mon coeur ?
-Qu'est-ce que je dois faire s’il y en a un qui vient me parler ?
   Il retire sa main de ma cuisse.
-J'interviendrais. Il me faut juste assez de temps pour voir à qui tu attires l'attention, autrement que pour...tes attributs.
   Son regard louche sur ma poitrine et j'écarquille les yeux, ce qui semble l'amuser. Avant que je n’ai le temps de m’insurger, il ricane d’un air moqueur.
-Je rigole, dit-il en souriant bêtement.
   Je croise mes bras contre mon torse.
-C'est ça.
   Je secoue ma tête pour essayer d'avoir les idées  claires. J'ai juste l'impression d'être dans un foutu cauchemar qui ne fait qu’empirer à chaque fois qu’Alec ouvre la bouche.
-Sara, ne fait pas tout foirer.
   Son ton s'est soudainement durcit. Je cherche la caméra mais il n'y en pas, tout ça est réel et soudainement une pointe d'adrénaline me tord le ventre. Je prends une grande inspiration et soupire profondément.
-Je ferais ce qu’il faut pour que tout ça s’arrête, mais je ne suis pas rassurée du tout. Je voulais que tu le saches.
   Nos regards se mélangent, je m'y perds petit à petit et un peu plus à chaque fois que je croise ses yeux ensorcelants. Il fronce les sourcils.
-Je ne serais pas loin, tu n’as rien à craindre.
-De toute façon, je suppose que j’y suis obligée ?
   Ce n’est pas réellement une question, parce que je me doute qu’il ne me laisse pas le choix. Il a besoin de moi, c’est sorti de sa propre bouche et une partie de moi refuse de le décevoir bien que la peur me cloue sur place. Alec sourit pour confirmer mes dires et se dirige vers le téléphone accroché contre le mur de la chambre.
-Qu'est-ce que tu fais ? Demandais-je en fronçant les sourcils.
   Il me fait un signe de la main pour me faire taire et commence à parler en portugais dans le combiné. Il me lance un regard et raccroche en esquissant le plus doux sourire qu'il n'ait jamais fait.
-T'as le droit de manger, dit-il en me désignant d'un signe du menton.
   Quand il parle de nourriture, mon ventre me rappelle à quel point je meurs de faim. Alec sort de la poche arrière de son jeans un bout de tissu avant de s’asseoir sur le bord du lit et de commencer à le frotter contre son arme. Je ris doucement, trouvant amusant son obsession de nettoyer son arme.  Je le regarde faire un instant puis lui pose la question qui m'a traversé l'esprit à chaque fois que je l'ai vu faire ce geste.
-Pourquoi tu fais ça ?
   Il me regarde du coin de l'oeil et arque un sourcil.
-De quoi parles-tu ?
   Il le sait très bien, mais il me pose tout de même la question.
-Nettoyer ton arme comme un dingue, pourquoi tu fais ça ?
   Il soupire en haussant les épaules.
-Ca me détend, je suppose.
   Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un petit rire, ce qui a l'air de l'offenser. Je mets ma main devant ma bouche pour me retenir de m’esclaffer d'avantages.
-Je suis désolé, mais il y a d'autres moyens pour se détendre que de nettoyer son arme, tu ne crois pas ?
-Je connais un tas d’autres moyens de me détendre tu sais, dit-il en souriant d’un air narquois.
-Oh, je m’en doute.
   Son sourire s'agrandit, comme s’il venait de penser à quelque chose.
-Je suppose que toi, pour te détendre tu fais du shopping ou une connerie du genre ?
   Je secoue ma tête en ricanant.
-C'est ça, monsieur le mafieux, je fais du "shopping", dis-je d'un ton ironique.
-Quoi, c’est pas le cas ?
   J’écarquille les yeux, je ne pensais pas qu’il était sérieux. Il a l’air tellement innocent avec son regard enfantin, malgré l’arme qu’il tient toujours dans sa main.
-Donc sous prétexte que je suis une femme, je devrais me préoccuper de mes ongles, de ce que je porte ou de mes cheveux ? Merde, est-ce que tu m’as bien regardé, Alec ?
   Une fossette creuse sa joue. Il est tellement beau, et quand je le pense, mon coeur bat plus vite.
-Je t’ai regardé, oui.
   Mes joues rougissent. Je n’arrive pas à cerner le ton de sa voix, dénué pourtant de toute ironie susceptible de me blesser. Je prends une grande inspiration et continue la discussion.
-J'avais pas le temps de me détendre et encore moins de faire du shopping, figure-toi.
   Il arrête son geste machinal et plante son regard dans le mien.
-Tu travaillais à la paroisse ?
   Sa question sonne plus comme une blague de mauvais goût et là, son ton sarcastique ne trompe pas.
-Il paraîtrait que j'ai vendu de la beuh au fils du paroissien, je n'ai plus eu le droit d'accompagner ma soeur à l'église après ça.
   Il esquisse un sourire et me dévisage délibérément.
-Pas aussi innocente que t'en a l'air, hein ?
   Sa voix est basse et envoûtante. Je déglutis et feins de ne pas sentir mon coeur battre à tout rompre. J'allais répliquer quand quelqu'un frappe à la porte de la chambre. Je sursaute et regarde Alec, complètement paniquée. Il ricane et se lève du lit d’un air las.
-Relax ma belle, c'est seulement la bouffe.
   Il se dirige vers la porte et tout ce que j'entends, c'est quelques mots échangés en portugais avant qu’il ne revienne quelques secondes plus tard avec un grand plateau contenant deux assiettes couvertes d’une cloche en métal.
-Tiens, c'est pour toi, dit-il en le posant sur le lit. Je dois passer un coup de fil, je reviens dans un instant.
   Je fronce les sourcils et le regarde saisir son téléphone avant de s’avancer vers la porte de la chambre.
-Tu me laisse toute seule ?
   Il se tourne vers moi, affichant un sourire taquin.
-Tu ne sais pas comment te servir d'un couteau et d'une fourchette ?
   Je roule du regard et il disparaît en riant. Je ne peux m’empêcher de sourire en entendant son rire résonner dans le couloir. J'en profite pour manger rapidement mon plat. Bordel, même si c'est pas le plat que je préfère, je pourrais en bouffer dix tellement je meurs de faim. Quand je pose ma fourchette sur le plateau et que je lève le regard vers la baie vitrée, la porte s'ouvre brutalement sur un Alec énervé. Je me redresse vivement. Il ne s’est passé que quelques minutes depuis qu’il a quitté la chambre, qu’est-il arrivé pour qu’il soit dans un tel état ? Je le regarde faire les cents pas, son visage est fermé et ses sourcils sont froncés, comme s’il réfléchissait à milles choses en même temps.
-Qu’est-ce que tu as ?
   Il passe sa main dans ses cheveux et s'assoit au bord du lit dans un long soupir. Il plonge son visage entre ses mains pendant quelques secondes puis me regarde en tournant légèrement sa tête sur le côté.
-Rien, ça va.
   Alec tire le plateau vers lui et retire le couvercle de la seconde assiette. Il est tellement lunatique, c'est dingue. Une seconde il sourit, celle d'après il tire la gueule comme si on venait de lui annoncer la pire des nouvelles. Je tente d'avoir une réponse à nouveau, espérant qu'il me réponde sans qu’il ne devienne blessant.
-Avec qui tu as parlé au téléphone, Alec ?
-Personne.
   Il répond sèchement avant d'engloutir une bouchée de son plat.
-Ca n'a pas l'air d'être "personne", vu que tu tires la gueule.
-Je t’ai dis que tout allait bien.
   Je me lève d’un bond et lui fait face, les bras croisés contre ma poitrine.
-Je sais que tu mens, alors dis-moi ce qui s’est passé pour que tu sois de nouveau en colère ?
   Il lève son regard vers moi et pose son plateau sur le lit.
-C'est une putain de mauvaise habitude chez toi de poser trop de questions.
-Tu me l’as déjà dit, maintenant réponds moi.
   Alec ferme les yeux, sous lesquels des cernes noirs trahissent son manque de sommeil et prend une grande inspiration.
-Arrête d’insister, je dois réfléchir avant de te donner une réponse, dit-il en se pinçant l’arrête du nez.
   Je suis ravie qu’il envisage de me donner une réponse, mais le fait qu’il doit y réfléchir veut probablement dire qu’il va sélectionner les informations et je veux tout savoir, sans distinction.
-Tu dois réfléchir à quoi ?
-Putain Sara…
   Il se frotte les tempes en grognant. Je recule d'un pas, consciente que je le pousse à bout. Une pointe de culpabilité m'envahit mais je la repousse immédiatement. S'il s'agit de quoi que ce soit qui a un lien avec mon frère, je me dois de savoir.
-Il s’agit d’Alessio, c’est ça ?
   Il hoche vaguement la tête.
-Ton frère est à São Paulo.
   Ma poitrine se serre. Il lève les yeux vers moi et me regarde d'un air impassible, et je commence à perdre toute la confiance que j'avais acquise.
-Tu sais ce qu'il y a à São Paulo, Sara ?
   Je secoue négativement la tête, redoutant la réponse. Il se lève et me fait face, il a au moins deux têtes de plus que moi, me faisant sentir encore plus petite face à lui. Je bombe le torse, comme si ça pouvait me donner un air plus assuré.
-Tu ne sais pas, alors je vais te le dire. Là-bas, il y a le gang le plus dangereux du Brésil et il se trouve que ton frère y traîne depuis quelques temps. Putain, je ne comprend pas ce qu'il peut bien foutre là bas, à moins qu’il n’ait des envies suicidaires.
   Il lie ses mains derrière sa tête, contractant les muscles de ses bras. Il fixe un point à travers la baie vitrée, les sourcils froncés. Je réfléchis un instant et me rassois au bord du lit.
-Quand je suis allé manger avec lui, il m'a dit qu'il avait comme projet de devenir la première organisation du pays. Tu penses que ça peut avoir un lien avec São Paulo ?
   Alec plisse son regard et ses yeux divaguent dans l'horizon.
-Alors c'est quoi son plan à ce fils de pute, s'allier à eux ? Non, impossible que ça soit ça.
   Il dit ça dans un soupir,  s’adressant plus à lui-même qu’à ma personne.
-Comment tu peux en être si sûr ?
-Parce que je les connais et qu’ils sont pas du genre à s'allier à qui que ce soit.
   Un poids s’écrase contre ma poitrine quand j’imagine Alec avec ces hommes, plus dangereux encore que les siens, habités par la violence et le désir de répandre le sang. Un frisson désagréable m’hérisse les poils.
-Est-ce que tu les fréquentes ?
   Alec hoche brièvement la tête.
-Le moins possible, mais quand Caçador m’ordonne d’aller à São Paulo pour une mission, je n’ai pas d'autre choix que de m’y rendre.
   Je grimace en entendant le nom de Caçador.
-Est-ce qu'Alessio sait que tu es contre lui ?
   Il secoue légèrement la tête sans quitter le point qu’il fixe du regard.
-Non. Du moins, il n'a aucune raison de le penser.
   Je soupire, essayant d’assembler le peu d’éléments que je connais entre eux mais je peine à trouver des liens plausible entre toutes les informations. Je m’exclame :
-Il a bien dû te confier des trucs, je ne sais pas, tu dois bien savoir ce qu'il prévoyait de faire vu que tu étais sous ses ordres ?
   Il me mitraille du regard.
-Je n'ai jamais été sous ses ordres. Et non, il ne m'a rien dit sinon je ne me poserais pas la question.
   Je lève les yeux au ciel. J’avais presque oublié à quel point il pouvait être infect quand il est colère.
-Excuse moi, je voulais simplement t'aider.
   Alec jure entre les dents.
-La seule façon dont tu peux m'aider c'est en la fermant et en faisant ce que je te dis.
   Je plisse le regard.
-Apparemment Alessio a aussi oublié de me dire à quel point tu étais un connard.
   Il ne sourcille pas et continue de fixer par la vitre. Je me couche sur le lit et scrute longuement le plafond blanc. Avec les bribes d’informations qu’Alec a bien voulu me communiquer et ce que mon frère m’a dit, je commence à y voir plus claire.
-Je pense qu’Alessio sait que je suis avec toi, parce que ce jour là j’étais sous ta surveillance et il n’a pas tenté d’entrer en communication avec toi depuis que nous avons quittés la favela.
   Il me regarde du coin de l'oeil. Je crois que j'ai raison sur ce coup là. Il prend une grande inspiration et colle son avant bras contre la vitre puis pose sa tête dessus.
-Il a été mit au courant que c'est moi qui ai tué ses deux hommes quand ils ont tentés de te soustraire à ma surveillance. Maintenant, il sait que je te protège.
   Sa mâchoire est serrée, ses sourcils sont froncés et ses muscles sont contractés. Il hurle en donnant un coup de poing dans le mur.
-Fait chier, putain !
   Je baisse le regard, perplexe. Alec s’éloigne de moi et j’apprécie la sensation de pouvoir respirer à nouveau. Je déteste sentir mon coeur battre à tout rompre dans ma poitrine à chacun de ses gestes. Je l’observe, mais la seule chose qui me vient à l’esprit en ce moment, c’est qu’il a pour but final de me tuer. Je lève le regard vers l’homme planté devant moi. Il est peut-être plus dangereux que je ne me l'étais imaginé. C'est un fidèle à Caçador après tout, à quoi est-ce que je pensais en espérant être épargné ? En réalité, je devine qu’il a dit ne pas vouloir me tuer uniquement pour que je me tienne tranquille jusqu'à ce qu'il ait fini sa mission. Je suis tellement naïve.
-Tu me protège jusqu'à ce que tu mettes la main sur lui et après Alec, est-ce que tu me protégera toujours quand tout seras fini ou est-ce que tu céderas aux ordres de Caçador ?
   Il ne sourcille pas et se tourne lentement vers moi, l'air impassible.
-J'aurais peut-être cédé avant qu'il m'en donne l'ordre si tu continues à me provoquer.
   Sa voix est calme mais son ton est agressif, un mélange doux et explosif, comme si d'une seconde à l'autre il me tuerais en un seul de ses regards perçants, avant de me ranimer par un de ses sourires ravageur.
-Alors pourquoi est-ce que tu me protèges ? Tu n'as pas besoin de moi pour retrouver Alessio.
   Il fronce les sourcils et me pointe du doigt d'un air menaçant.
-Tu ne sembles pas avoir bien compris Sara, s'il te retrouve-
-Et alors ? Putain, qu'est-ce que ça peut te foutre qu’il fasse de moi l’esclave d’un vieux pervers ?
   Il fait un pas vers moi.
-J'essaie de t'épargner ça.
-Mais je ne comprends pas pourquoi tu ferais une telle chose.
   Il ne répond pas et cet échange de regards devient interminable. Je ne sais pas ce qu'il pense réellement et ça me perturbe au point que ça devienne une obsession. J'essaie de trouver une quelconque émotion qui le trahirait dans son regard, mais même dans le noir de sa pupille je ne vois rien. Pas une once d'émotions qu'il laisserait paraître. Je l'envie, parce que dans le mien, je sais qu'il est capable d'y lire toute la peur que je ressens quand je suis avec lui. Parce que si il y a bien quelque chose qui me terrifie à ce moment là, c'est bien Alec. Il est effroyablement séduisant, et l'avoir si près de moi, l'est encore plus. Les palpitations de mon coeur résonnent dans mes tempes et je me demande s'il les entends, lui aussi.
-Il y a autre chose aussi, dit-il d’une voix basse.
   Je fronce les sourcils. Je me demande si ce qu’il s’apprête à me dire va autant me bouleverser que le regard sombre avec lequel il me fixe. Il passe ses doigts dans ses cheveux bouclés et mes yeux descendent lentement de son visage jusqu'à son torse. Sa cage thoracique augmente et s'abaisse rapidement au rythme de sa respiration irrégulière.
-Qu’est-ce que tu as encore à me dire ?
   Je n'avais pas l'intention de le lui demander. En fait, j'espérais qu'il me le dise tout de suite et que je n'aurais pas à lui poser une énième question. Sa lèvre se retrousse légèrement et il avance un peu plus vers moi. A mesure qu’il s’approche, mon coeur bat plus vite.
-Il y a que ce fils de pute d'Alessio à tué  tout ceux qui ne voulaient pas rejoindre son organisation et quitter celle de Caçador. Ils savaient que c'était du suicide de se mettre Caçador à dos, ils ont préféré mourir que de le trahir.
   Il parle avec une telle intensité que ma respiration se coupe. Caçador doit vraiment être redoutable pour que ces hommes aient préfèrent mourir des balles d'Alessio que de ses mains. Sans doute qu'il les aurait poursuivis jusqu'en enfer pour leurs faire payer leur trahison.
-Et combien l'ont rejoint ?
   Il secoue la tête d'un air dégoûté, détournant le regard vers l’immense baie vitrée.
-Aucun ne l’a fait.
   Sa réponse est courte mais j'entends l'émotion qu'il y a derrière.  Alessio à tué tout ceux qui étaient dans la maison le premier jour où je suis venue et plus encore. Sans qu'Alec ne dise quoi que ce soit de plus, je peux ressentir toute la haine qu'il contient à l'égard de mon frère et pour la première fois depuis que je le connais, j'arrive à lire en lui. Je m’approche de lui encore plus près.
-Pense au moment où tu lui tireras une balle entre les deux yeux.
   Sans lever les yeux, il prend un air sérieux, les sourcils froncés.
-Tu veux me voir tirer une balle dans la tête de ton cher frère ?
   Il prend un ton moqueur et je réplique avec mépris.
-Il n'est pas mon frère.
   Il tourne sa tête vers moi et me dévisage longuement avant de sourire. Son seul sourire vient d'envoyer de l'électricité dans tout mon corps. Je déglutis difficilement en le regardant faire quelques pas vers moi et détourne le regard quand mes yeux commencent à dévier vers sa bouche.
-Je suis désolé qu’il ait fait une telle chose, dis-je d'une petite voix.
   Il attrape son paquet de cigarette et sort une clope qu'il place entre ses lèvres.
-Ne le soit pas.
   Sa voix est basse et me fait frissonner.
-Que penses-tu qu'il va se passer maintenant ? Dit-il en se couchant sur le lit, liant ses mains derrière sa tête en me regardant, un petit sourire au coin des lèvres.
   Je hausse les épaules. Son comportement à changé si soudainement qu’il me laisse perplexe.
-Tu vas tuer tout ceux qui se mettront au travers de ton chemin, comme le font les mecs dans ton genre.
   Son sourire diabolique s'étire un peu plus sur ses lèvres, comme s'il n'attendait que ça. Bordel, il est carrément canon et je me hais de penser ainsi, mais c'est plus fort que moi. Il mordille légèrement sa lèvre du bas en me reluquant.
-T'as peur ?
   J'arque un sourcil.
-Non.
Si.
-Tu mens, réplique-t-il.
   Je laisse tomber mes mains contre mes cuisses d'un air exaspéré.
-Qu'est-ce que ça peut te foutre que j'ai peur ou non ?
   Il plisse le regard.
- Ça doit être épuisant, non ?
   Je soupire profondément.
-Qu'est-ce qui doit être épuisant ?
-De faire comme si tu n'avais pas peur alors qu'au fond de toi, tous les membres de ton corps tremblent rien qu'à l'idée d'être dans le même pièce que moi.
   Je reste bouche bée. Je sens mes mains devenir moites, je croise mes bras contre ma poitrine.
-A quoi tu joues, Alec ?
Je fais la moue. Son regard se dirige vers ma bouche, il passe sa langue sur ses lèvres et sourit de plus belle. 
-Au jeu pour lequel je suis le plus doué.
-Me rendre folle ? Ouais, ça t'y arrives parfaitement bien. D'ailleurs je suis à deux doigts de serrer mes mains autour de ton cou.
   Il me regarde d’un air amusé.
-J’adorerais voir ça.
-Ne me provoque pas, tu risquerais de le regretter.
   Il prend un air outré.
-Maintenant c’est moi qui ai peur.
   Il rit et je me retiens pour ne pas rire avec lui.
-C’est ça.
   Il garde sa cigarette entre ses lèvres, la laissant se consumer lentement sans prendre de bouffée.
-Ne fais pas tout foirer demain, c'est un conseil.
   J'écarquille les yeux. Comment fait-il pour passer d'un si doux rire à un ton aussi dur, si rapidement ?
-Un conseil ? Tu me menace là ou je rêve ?
   Je parle d'un ton faussement enjoué mais je ne suis pas rassurée.
-Peut-être bien.
-T'es malade, bordel. Tu devrais aller te faire interner, porter une camisole et surtout une muselière.
   J'allais me détourner de lui, mais il se redresse sur le lit et m'attrape le poignet.
-Arrête de lever la voix, Sara. Je n’aime pas quand tu me parles de cette façon. 
   Je retire vivement mon poignet en le mitraillant du regard.
-Et toi arrête d'être si...
   Je le regarde et finalement, je ne trouve plus les mots. Il n'y en pas pas une, mais trois mèches rebelles qui tombent sur son front. Son regard émeraude braqué sur moi et le coucher de soleil qui se reflète dans ses yeux m'ôtent les mots de la bouche. Je balbutie, incapable de dire quoi que ce soit. Son teint de miel et sa barbe de trois jours provoquent en moi une sensation de chaleur que je connais déjà trop bien. Je me demande s'il sait à quel point il est beau. Il sourit et je suis à peu près sûre que c'est parce que je rougie. Je fronce les sourcils et reprend :
-Arrête d’être si autoritaire.
-Je ne veux pas te dévoiler toutes mes facettes dès le second soir, dit-il en se recouchant sur le lit.
   J'arque un sourcil et le regarde de haut.
-Je connais déjà ta facette de psychopathe, et crois-moi, elle bat à plate couture toutes les autres puisque c’est celle qui domine chez toi.
-Tu aimes ce côté là de moi, avoue.
   Je marque un temps d’arrêt.
-Pourquoi dis-tu une telle chose ?
-Tu crois que je ne vois pas quand tes joues changent de couleurs à chaque fois que je dis quelque chose de légèrement vulgaire ?
   Je ricane.
-Légèrement vulgaire ? C’est vraiment de cette façon que tu décris ton langage ?
-Exactement. Je pourrais te parler avec des mots bien plus grossiers, mais je ne voudrais pas te choquer.
    L’ironie dans sa voix est évidente.
-Mais bien sûr, tu vois, là c'est ton coté psychopathe. Non, je dirais qu'en fait c'est ton côté incroyablement narcissique.
   Il sourit légèrement et se lève du lit, mettant brutalement fin à notre discussion. Je ne sais pas s'il n'a pas répondu parce qu'il n'avait rien à dire, ou tout simplement parce qu'il n'en avait pas envie. Je roule du regard quand il disparaît dans le salle de bain sans rien dire et soupire profondément. Je me laisse tomber sur le lit que je vais devoir partager avec Alec. Mon coeur se serre quand l'image de nos deux corps allongés l'un à côté de l'autre me vient en tête. J’ai l'impression de me diriger lentement vers un piège duquel je sais que je ne pourrais pas échapper. A moins que ça ne soit une question de volonté.
   J’ouvre ma valise à la recherche d'un pyjama et opte pour un ensemble en soie rose. De toute façon, c'est tout ce que j'ai. Je profite du fait de savoir Alec occupé dans la salle de bain pour me changer rapidement. Je tourne la tête une seconde derrière moi pour m'assurer qu'il soit toujours dans l’autre pièce et ôte mon T-shirt, puis de faire glisser mon soutien-gorge de mes épaules le long de mes bras, avant de passer mon débardeur par dessus ma tête. J’ouvre le bouton de mon short en jeans et tire les bords pour le retirer quand j’entends un souffle chaud dans mon dos. Je me retourne et écarquille les yeux en voyant Alec se tenir à l'embrasure de la porte. Il sourit en me scrutant attentivement et mes joues chauffent considérablement.
-C'est quoi ton problème à la fin ? Retourne toi !
   Il ricane et lève ses mains d'un air innocent.
-C’est bon, j’en ai déjà vu des femmes à poils.
   Son ton suffisant m’agace, j’insiste :
-Retourne-toi.
   Il roule du regard et se retourne en prenant son temps. Je prends une grande inspiration, me souhaitant du courage pour le supporter le reste de la soirée. Il commence déjà à me taper sur le système, mais pourtant, je me surprend à sourire.
   Alec déboutonne son jeans, je l’imite. J’enfile rapidement mon short en soie et dévie mon regard vers la baie vitrée. Le soleil s'est quasiment couché, le ciel est sombre, presque noir et les lumières de la ville au loin commencent à illuminer le paysage désertique.
-Ton pouls à accéléré ?
  Sa voix basse et suave résonne derrière moi. J’écarquille les yeux et mets quelques secondes avant de me retourner vers lui. Il ne porte qu’un boxer noir et je lutte pour ne pas baisser le regard.
-De quoi parles-tu ?
   Il m’adresse un signe de la tête, accompagné d’un petit sourire narquois.
-Quand tu m'as surpris à te regarder, ton pouls à accéléré ?
   Je redresse ma tête et prends une grande inspiration, ne le quittant pas des yeux. Mon pouls n'a pas fait que de dangereusement accélérer, mon coeur a en plus raté un battement ou deux.
-Non, tu te trompes.
   Il rit doucement et s’allonge sur le lit dans un long gémissement avant d’enfouir sa tête dans son coussin.
-Rarement, du moins, jamais sur ce terrain là.
-Je t’assure que si. Tu es bien trop arrogant Alec, ça va te jouer des tours.
   L’air amusé dans ses yeux me fait craquer.
-J’aime quand tu me dis des expressions comme ça. “Alec, ça va te jouer des tours”.
   Je roule du regard quand il essaye d’imiter ma voix, mon coeur bondit dans ma poitrine. Son regard est sombre, mais je suis incapable de détourner les yeux. Il sourit et pose son arme sur la table de nuit juste à côté de lui avant de fermer les yeux. Il veut déjà dormir ? Il n’est pas tard, je ne suis pas sûre que j’arriverais à m’endormir, qu'est-ce que je suis censé faire maintenant ?  Ma poitrine se serre. Je m'approche lentement du lit et me couche le plus loin possible de lui en tirant les draps pour couvrir mon corps. Je ne ferme pas les yeux et fixe à travers la baie vitrée les étoiles dans le ciel pendant un long moment. J'ai l'impression que les étoiles brillent plus ici que partout ailleurs. Je ne sais pas pourquoi, peut-être que c'est seulement mon imagination. Je pense à ces deux jours complètement dingue que je viens de passer avec Alec. Cet inconnu qui m'a sauvé sans même que je ne sache pourquoi. Je ne sais rien de cet insupportable tatoué et pourtant j'ai l'impression de le connaître. Ce n'est pas comme si je le connaissais depuis longtemps, mais plus comme si son regard avait croisé le mien de trop nombreuses fois pour que je l'oublie. Mon coeur rate un battement quand je l'entends tousser, ce qui veut dire qu'il ne dort pas non plus. Peut-être qu'avec tout ce qu'il se passe en ce moment, il a perdu le sommeil.
-Tu n’as pas peur toi ?
   Je demande cela sans trop savoir pourquoi. Je fixe le vide, attendant une réponse qui ne viendra peut-être pas. Après un court moment de silence, je l'entends changer de position.
-De quoi j’aurais peur, Sara ?
   Sa voix est basse et éraillée, presque endormie. Quand il dit mon prénom, de l’électricité me traverse des pieds à la tête.
-Je ne sais pas, de tout ce qui se passe en ce moment.
   Il soupire.
-Ca fait longtemps que je n'ai plus peur.
   Sa vie n'est rien d'autre qu'un cauchemar. Il doit très certainement se coucher le soir en espérant pouvoir se lever le lendemain. Peut-être même qu'il n'en ai plus là aujourd'hui, qu'il ne se soucie plus qu'il vive ou qu'il meurt. J'oublie souvent qu'il a grandit dans ce milieu, à défaut de moi, et qu'il doit être habitué à tout ce à quoi je ne le serais sans doute jamais.
-Tu n'as jamais eu envie de faire autre chose ? Je ne sais pas, quelque chose comme guide touristique ? C'est plus sympa que de tuer des gens ou de vendre de la drogue.
   Il ricane d'un air moqueur et je le sens se retourner dans mon dos. Je déglutis, sentant son regard brûlant sur moi. J’ai l’air calme, mais le mouvement de ma poitrine accélère dangereusement.
-T'es vraiment une americana toi, hein ?
   Des frissons parcourent ma peau quand je sens son souffle chaud contre mon dos. Je fronce les sourcils et me tourne vers lui. Même dans l'obscurité je vois ses lèvres s'étirer d’un doux sourire. Il m’observe attentivement. Lorsqu’il ne se méfie de rien, il est littéralement la plus belle chose au monde. Je le trouve irrésistiblement attirant et mon corps appelle le sien à s'approcher davantage mais je ne bouge pas d'un poil.
-Une américaine comme tu n'en a jamais vu.
-C'est vrai.
   Mon coeur s'affole dans ma poitrine. Son regard jongle entre mes deux yeux et ma bouche et soudainement il fronce les sourcils.
-Maintenant dort au lieu de me poser des questions, dit-il sèchement.
   Il me tourne subitement le dos, me laissant la vue sur ses larges épaules. J'écarquille les yeux. Je suis à la fois vexée par son soudain changement de comportement et émerveillée par l'immense tatouage qui orne son dos. C'est la première fois que je le vois de si près. Je contemple la profondeur des traits noirs dans sa peau et sans m'en rendre compte, avec le bout de mon doigt, je fais délicatement le tour de l'orbite sur la tête de mort. A mon plus grand étonnement, il ne réagit pas au contact de mon doigt contre sa peau. Ça ne doit pas le surprendre puisqu'il m'a vu à plusieurs reprise observer ses tatouages avec insistance. Mon regard dévie vers les mots gravés sur ses côtes. C'est du portugais je suppose. J'essaie de déchiffrer d'autres de ses tatouages mais certains se sont plus effacés avec le temps. C'est peut-être pour ça qu'il ne dit jamais rien, tout est dit et gravé sur son corps. Je souris en regardant la tête de lion rugissant à l'arrière de son bras et fini par m'endormir, me débarrassant du sourire d'Alec qui hante mes pensées

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant