Chapitre 82

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SARA

Rio de Janeiro. Je n'aurais jamais pensé dire un jour que cette ville ne m'avait pas manqué. Je regarde autour de moi et plus rien ne m'impressionne, plus comme le premier jour où j'ai posé les pieds sur ce territoire. Je marche sur le béton brûlant de la piste d'atterrissage, perdue au plein milieu d'un désert et soupire profondément. Je suis bien contente d'enfin être sur la terre ferme. Avec mon état actuel, j'ai eu l'impression que le vol ne se terminerait jamais et que j'allais crever dans cet avion. J'essaie de prendre une grande inspiration mais l'air est chaud et ma respiration est lourde. J'ai encore la bouche pâteuse à cause de ma cuite d'hier soir et cette putain de migraine qui m'a donné envie de mourir pendant les heures de vols me rappelle que je ne tiens définitivement pas l'alcool.

Je fronce les sourcils, ébloui par une lueur dans le paysage désertique. Je place ma main en visière et regarde ce point lumineux qui m'arrache un sourire. Au loin, je vois la Mustang blanche d'Alec briller sous les rayons du soleil qui tapent sur la taule. Je me tourne vers son propriétaire, marchant derrière moi avec sa clope entre les lèvres et sa mèche tombante sur la tempe. Une vision de lui dont je ne me lasserais jamais. Un rictus se dessine au coin de sa bouche quand son regard croise le mien. J'accélère mes pas jusqu'à la voiture et monte du côté passager pour m'assurer la meilleure place, laissant le peu d'espace disponible sur la banquette arrière à Drogo. Il monte à l'arrière en grognant et me toise du regard, ce qui me fait ricaner. Quand Alec démarre, nous mettons pas plus de quelques secondes avant de quitter l'aérodrome.

-Comment tu te sens ?

La main d'Alec empoigne légèrement ma cuisse et je hausse les épaules. J'essaie de mettre un mot sur ce que je ressens pendant que le vent fait valser mes cheveux et mes idées dans tout les sens, mais je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui provoque cette contraction en moi, cette envie folle de me laisser aller dans le vide.

-Je ne sais pas trop. Je me sens bien, là tout de suite, mais je sais que ça ne sera plus le cas dans une heure.

Ma gorge est nouée mais je souris quand même. Je tourne la tête et regarde celui qui me rappelle James Dean, au volant de sa Mustang, sa cigarette consumée au bout des lèvres, et les sourcils froncés à cause du goudron de la route qui l'ébloui. Je ne sais pas si c'est le soleil ou cette vision exquise de lui qui me brûle les yeux mais maintenant, je sais que je me sens bien.

Je pose ma main sur la sienne et de l'autre, j'augmente le son de la radio quand j'entends le début de Be my baby de The Ronettes. Le soleil se couche dans quelques heures, mais le ciel est déjà orangé et rien d'autre ne compte que ce moment. Je serre un peu plus mon emprise sur Alec et j'essaie désespérément de réguler les battements frénétiques de mon coeur quand il prend ma main pour y déposer un baiser.

-Et toi, comment tu te sens ?

Il me regarde un court instant avant de se concentrer à nouveau sur la route. Il serre ses doigts plus fortement autour du volant en cuir et laisse un soupir s'échapper avant de me répondre :

-Je ne pense pas à la façon dont je vais, Sara.

Je détourne le regard vers la vitre de la voiture. Il garde le silence tout le reste du trajet et je n'essaie pas de continuer la conversation. Je sais pertinemment qu'elle ne mènerait à rien et il a horreur de parler pour ne rien dire.

Quand nous arrivons en ville, Alec se gare aux pieds des favelas, à l'endroit le plus discret possible. Alec plisse le regard en observant quelques instants  les hauteurs du lieu où il a grandit. Ça y est, nous y sommes. Alessio est là, quelque part entre les allées et les ruelles ou dans les baraques. Peut-être même qu'il nous attend impatiemment, un verre de whisky dans une main et une arme dans l'autre, les yeux rivés sur la porte d'entrée. J'ai exactement l'image en tête et ça me donne la nausée. Je prends une grande inspiration et détourne le regard vers Alec et Drogo, qui s'échangent des armes. Mon estomac se tord quand je vois le nombre d'armes empilées les unes sur les autres dans le coffre. Il y en a tellement, ça me paraît surréaliste qu'on ai besoin d'autant de calibres pour un seul homme.

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant