Chapitre 35

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Tout s'est passé très vite. Mais moi, j'ai tout vu au ralenti. Le visage crispé d'Alec quand il a tiré sans s'arrêter, aspergé de jets de sang qui ne lui appartiennent pas. Ses sourcils froncés, comme toujours, et son arme vibrant à chaque pression qu'a exercé son doigt sur la gâchette, ôtant une vie à chaque coup. Leila, hurlant et tirant comme si sa vie en dépendait. Et sa vie en dépendait, comme celle d'Alec et comme la mienne. J'ai même vu une balle effleurer le bras d'Alec avant de terminer sa course dans le marbre qui couvrait les murs de la cabine. Les fissures causées par le plomb formaient une fresque raturée de rage. J'ai fixé le profond impact pendant un long moment. Le bruit sourd des balles résonnaient dans ma tête, me donnant des vertiges et l'impression que tout autour de moi tremblait, chavirait. J'ai levé le regard vers Alec. Même en cet instant, alors que tout autour de nous n'est que chaos, il trouve le moyen de me regarder, de vérifier que je sois là, près de lui. Je n'aurais souhaité être nul part ailleurs. J'ai souris et il a détourné le regard pour dévier le corps lourd et transpirant qui fonçait sur lui. Il lui a tiré une balle dans le genou et l'a laissé geindre sur le sol. J'entre dans la cabine en descendant les deux marches qui me séparaient d'Alec. J'ai essuyé mon front du revers de la main, j'ai brandis mon arme et j'ai tiré. J'ai touché un homme au niveau de l'estomac. Je m'en veux. Je réitère et mets fin à ses cris de souffrance. Je sens mon ventre se contracter sous l'adrénaline. Mon esprit s'échauffe, ma main tremble et ma bouche reste muette. Je vise, je tire, je rate. Je recommence, je tue. Je sursaute quand un corps tombe juste à côté de moi, un talon aiguille enfoncé dans l'oeil. Je regarde son visage. Il n'est pas Alessio. Je passe chaque visage au crible, espérant au moins l'apercevoir parmi les corps qui s'entassent, mais il n'est pas là. Quand j'entends Leila crier une dernière fois, un cri de victoire, je m'écroule au sol. Je lâche mon arme, les poignets tremblants. Il n'aura fallu que quelques secondes à Alec pour accourir vers moi.

-Qu'est-ce que tu as ? Tu es blessée ?

Je secoue la tête, le regard toujours plongé dans le vide. J'ai un goût métallique dans la bouche, une remontée acide dans le gorge.

-Non, je vais bien.

Je m'efforce de lever le regard du sol jusqu'à son visage épousant l'inquiétude. Je suis à la fois rassurée qu'ils soient tous morts, et qu'aucun d'entre nous ne soit blessé. Je me surprend même à être contente que Leila soit en vie. Je dois débloquer grave.

-Il n'était pas là. Alessio n'était pas là.

Je souffle et toutes les pressions qui s'étaient accumulées sur ma poitrine me libèrent d'un poids. Alec se redresse et me tend la main. Il me relève et croise mon regard.

-Mais tu es vivante, c'est plutôt une bonne nouvelle, non ?

Il sourit et passe sa main sur son visage, ce qui ne fait que d'étaler encore plus le sang qui l'a éclaboussé. Il grimace en voyant sa main rouge et lève son t-shirt jusqu'à sa tête pour tenter d'essuyer les traces. Et je souris en croisant à nouveau son regard.

-Tu viens d'en mettre encore plus en faisant ça.

Il relâche son t-shirt et soupire profondément. Je m'approche de lui. Je fixe la goutte de sang qui stagne au dessus de son sourcil. J'approche doucement ma main de son visage et passe mon pouce sur son arcade pour la retirer. J'essuie mon doigt sur mon jean sans le quitter des yeux.

-Même avec tout ce sang, tu restes canon, dis-je à voix basse, ce qui lui arrache un sourire.

Je n'arrive pas à croire que je viens de dire tout haut ce que je pensais très fort. Mes joues se tordent d'un sourire gêné. Il allait répliquer mais Leila nous interrompt. Je détourne le regard du sien et la regarde lever son arme en l'air en la secouant légèrement.

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant