Chapitre 74

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L'ambiance dans la voiture est tendue, nos voix sont muettes et la radio est à fond. Malgré l'effort de Drogo pour détendre l'atmosphère et faire une ou deux tentative d'humour, il a rapidement laissé tomber devant nos airs impassible. Depuis la banquette arrière, je regarde à travers la vitre le paysage changer, quittant définitivement le désert pour s'enfoncer dans les rues piétonnes et les grands panneaux publicitaires sur les paquets de cigarettes. Et alors que je fixe le feu tricolore devenir rouge, la conversation de ce matin avec Alec tourne en boucle dans ma tête comme un foutu CD rayé. Avec le recul nécessaire, j'ai compris qu'il voulait me protéger, que c'est ce qu'il veut faire coûte que coûte depuis le début et je ne lui ai pas rendu la tâche facile. Seulement, si vouloir me protéger veut dire me quitter, je préfère mille fois qu'il me laisse au milieu de la fosse aux lions sans la moindre défense. Si nous devions être séparer, ça sera la mort qui aura décidé de notre sort, et non son père, ni lui, ni même moi. Quand le feu passe au vert, Alec tourne à l'angle, puis se gare sur le trottoir. Il lance un rapide regard vers la banquette arrière puis retire les clés du contact. 

-On va s'absenter pendant quelques minutes avec Drogo, toi tu restes sagement dans la voiture.

Je fronce les sourcils.

-Il est hors de question que je reste toute seule dans la voiture. Je veux venir, et ce n'est pas discutable, dis-je en me détachant avant de sortir rapidement de la voiture pour ne pas lui laisser le temps de fermer les portes.

Je prends une grande inspiration tandis qu'Alec et Drogo sortent tous deux de la voiture sur mes pas.

-Putain Sara, je te demande de rester dans la voiture, pourquoi est-ce que tu contestes mon ordre ? 

Il me toise du regard et j'arque un sourcil vers sa direction. Je croise mes bras contre mon torse et le reluque.

-Arrête de me donner des ordres et de vouloir me mettre à part, je fais partie de cette mission autant que toi, alors je viens.

Il serre sa mâchoire et inspire profondément. Je sais qu'il déteste que je lui parle de cette façon devant quelqu'un, mais j'ai décidé de ne plus me laisser faire. Il m'a déjà bien assez donné d'ordres depuis que je le connais et je commence à en avoir marre de devoir lui obéir, je ne suis pas un labrador. Drogo baisse la tête pour cacher son sourire mais Alec le remarque à cause de son manque de discrétion et lui donne une tape derrière la tête.

-Ça peut être dangereux, dit-il avant de relever naturellement son regard vers moi.

-Le seul danger qu'il puisse y avoir, c'est que je m'ennuie à mort. 

Il écarquille les yeux. Je tourne les talons et me dirige vers l'immeuble en vitres teintées sans lui laisser la chance de me dissuader ou de me rattraper. Quand nous entrons, ça a tout l'air d'un hôtel banale bien qu'un peu plus bourgeois que banale, et le couple de septuagénaires qui en sortent sont sans doute bien loin de se douter ce que qui se passe au dernier étage de ce même hôtel. A vrai dire, même moi je l'ignore et je ne sais pas vraiment ce qu'on est venu faire ici. Dans le silence, nous prenons l'ascenseur en verre en forme de capsule jusqu'à atteindre le trente-troisième et dernier étage. Je suppose que personne ne dit un mot par conscience que l'autre sait déjà ; ne pas faire confiance, rester sur ses gardes et ne rien refuser, sont les trois règles qu'Alec m'a fait apprendre par coeur. On a pas besoin de se dire quoi que ce soit d'autres, il suffit de suivre ces règles. Quand l'ascenseur sonne et que les portes s'ouvrent, nous nous en extirpons rapidement. Alec soupire en entendant quelque chose en verre se briser depuis l'autre coté de l'unique porte de l'étage, suivit de nombreux rires qui semblent l'exaspérer. 

-Bordel Alec, il se passe quoi derrière cette porte ? Chuchotais-je en me tournant vers lui, commençant à sentir une boule se former dans mon ventre.

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant