Chapitre 36

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 Je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée dans cette pièce sombre et froide, mais ça doit bien faire plusieurs heures maintenant. Je suis seule. Je n'ai pas levé les yeux du vide depuis que je suis ici. Je ne ressens plus rien, tout est noir. L'image d'Alec ne quitte pas mon esprit. Je m'en veux de ne pas l'avoir sauvé. Il m'a sauvé, lui, et moi je n'ai rien fait. Je me rembobine la scène une centaine de fois, et à chaque nouveau scénario, j'imagine de quelle façon j'aurais pu le sauver. J'aimerais ressentir autre chose, plutôt que de ne rien sentir du tout. La peine est infinie, la douleur est partiellement éteinte dans le souvenir d'Alec. Mais elle persiste, à travers les maux et les pensées. Je prends une inspiration. L'air à du mal à pénétrer mes poumons. Je dois garder la face et rester digne, pour Alec. Il n'a pas fait tout ça pour rien, il m'a sauvé, mais pas pour rien. Je dois m'en persuader si je ne veux pas perdre le semblant d'humanité qu'il me reste. Mais ça fait tellement mal.

Je baisse mon regard vers mes mains liées entre elles par une corde, dont le frottement contre ma peau devient insupportable. Je grimace et tente de me dégager mais en vain. L'image d'Alec se dessine dans le noir de mes paupières. Son regard empli de sentiments que je ne saurais décrire plongé dans le mien me hante. J'ai l'âme délicate et j'ai l'impression qu'elle a déjà subit tout ce qui était de plus désastreux et torturant. Je déglutis et essaie de penser à autre chose mais j'ai beau me forcer, tout me ramène à lui. C'est inévitable. Inoubliable. Après de longues heures à passer toute cette situation au crible dans ma tête, à essayer de chercher une issue autour de moi, un halo de lumière aveuglante perce l'espace clos. Je plisse le regard vers la lumière, m'attendant à voir débarquer Alessio, mais au lieu de ça, c'est une toute autre personne qui se tient à la porte.

-Keryna ? Dis-je, complètement abasourdie.

Elle sourit à moitié avant d'entrer dans la pièce. Un dernier espoir me fait revivre. Je me redresse sur ma chaise et manque de tomber à la renverse.

-Aide moi Keryna ! Fais-moi sortir d'ici avant qu'ils ne reviennent. La corde est trop serrée pour que je puisse m'en extirper, il faut que tu la coupe.

Je gesticule sur ma chaise en lui montrant mes mains liées, mais son visage se décompose.

-Je suis désolée Sara, je ne peux pas.

Elle s'approche de moi d'un pas léger.

-Pourquoi ça ?

Je fronce les sourcils et croise son regard. La peur habite ses traits. Sa peau semble tiraillée entre la fatigue et le stress. Elle est plus blanche que d'habitude et les cernes sous ses yeux trahissent un manque de sommeil intarissable. De ses mains tremblante, elle sort une aiguille de derrière son dos et je comprends à ce moment là qu'elle m'est destiné. L'espoir disparaît aussi vite qu'il est apparu. Je pousse ma chaise avec mes pieds pour tenter de reculer le plus possible.

-Non, je t'en prie ne fait pas ça.

Je tourne ma tête au maximum pour m'éloigner d'elle, le visage crispé par la peur. Elle s'excuse en continuant de s'approcher, son aiguille pointée vers moi.

-Pourquoi tu fais ça ? Tu es de son côté depuis le début ?

-Non, tu ne comprends pas. Je n'ai pas le choix.

C'est la dernière chose que j'entends avant que l'aiguille ne se plante dans mon cou, ensuite c'est le trou noir. La dernière chose à laquelle j'ai pensé, c'était à Alec.

****

Lorsque j'ouvre les yeux, la première chose que je remarque c'est qu'il fait toujours noir, mais cette-fois c'est parce que je peux apercevoir qu'il fait nuit à travers une fenêtre. La deuxième, c'est que je me trouve dans une chambre spacieuse et non plus dans cette pièce sombre et humide. Je fronce les sourcils en sentant des vertiges m'assaillir quand je tente de me redresser sur les coudes. Je me laisse tomber sur le lit. Il est confortable et sa taille est disproportionné par rapport à mon petit corps. Putain, mais où est-ce que je suis ? Je prends une grande inspiration et réussi à m'asseoir au bord du lit après une nouvelle tentative. Je regarde rapidement autour de moi et au moment où je me demande si j'arriverais à me lever pour atteindre la fenêtre, quelqu'un sort de la pièce attenante à la chambre. L'ombre qui apparaît m'est familière. Et elle m'est familière dans le sens propre, puisqu'il s'agit d'Alessio. Je me lève d'un bond et lui fait face. La main glacée de l'angoisse semble m'étrangler à sa vue. Un frisson désagréable parcourt lentement ma peau. Je sens la pression monter dans mes veines jusqu'à mon cerveau, et je prends conscience qu'il se tient vraiment devant moi quand il ouvre la bouche.

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant