Chapitre 62

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Je tire une énième fois sur ma clope en faisant les cents pas. Le bruit sourd de la musique à l'intérieur s'échappe à chaque fois que la porte de l'entrée s'ouvre. J'arrive pas à croire que je m'apprête à assister à une vente aux enchères de femmes, de voir leurs destin s'échapper dans d'autres mains que les leurs. J'ai envie de vomir en pensant à ça. Je m'appuie contre le mur et ferme fort les yeux pour me concentrer sur mon estomac. Elles ne devraient pas avoir à subir ça, personne ne le devrait, même si je sais que nous allons mettre fin à tout ça, je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qu'elles doivent ressentir à ce moment là.

-Vous allez bien ? 

Je sursaute quand je sens une main se poser sur mon épaule. L'homme qui me regardait dans la foule tout à l'heure se tient devant moi, l'air inquiet. Je déglutis et reprend mes esprits en secouant ma tête.

-Tout va bien, merci, dis-je en remettant ma mèche de cheveux derrière mon oreille. 

Il m'observe longuement, scrutant mon visage avec attention puis se pince les lèvres d'un air gêné. 

-On dirais que vous avez pleuré, vous avez les yeux rouges. 

Je passe instinctivement mes mains sous mes yeux. Putain, j'ai vraiment pleuré et je ne m'en était pas rendu compte. Je me sens stupide. Je ris de nervosité, comme pour lui prouver que je vais bien, même si ce n'est pas le cas.

-Oh ça, ce n'est rien. Je suis passé au toilette tout à l'heure pour me rafraîchir. 

Je raconte n'importe quoi, mais j'espère qu'il ne va pas insister. Il hoche la tête et s'appuie contre le mur, sans me quitter des yeux. Il y a malgré lui un coté protecteur dans sa façon de me regarder et ça me rassure sans trop que je ne sache pourquoi. Je renifle en réajustant le bas de ma robe.

-Vous avez une cigarette ? Demande-t-il en sortant un briquet de sa poche.

-Moi non, mais les danseuses là, oui, dis-je en faisant un signe de tête vers les femmes qui m'ont données une cigarette quand j'en avait besoin.

Il hausse les épaules d'un air déçu et remet son briquet dans sa poche avant de soupirer. 

-Ce n'est pas grave pour la cigarette, j'essaye d'arrêter de toute façon. Dites-moi, que faites-vous dans un club de strip-tease ? 

Je fronce les sourcils et croise mes bras contre mon torse en le regardant de haut en bas. Sa question déborde d'une indiscrétion qui me rappelle ma curiosité sans faille. Je plisse le regard, réprimant un léger sourire mélancolique. 

-Ça ne vous regarde pas. Vous, qu'est-ce que vous y faite ? Dis-je, sur la défensive.

Il sourit. M'attendant à ce qu'il m'avoue à moitié qu'il est venu regarder des femmes se peloter contre une barre en fer, ou encore qu'il est venu fuir ses problèmes en se noyant dans l'alcool, sa réponse est toute autre. 

-Je suis venu pour fêter l'enterrement de vie de garçon d'un ami à moi. C'est pas trop mon trucs ce genre de club généralement, en fait, c'est la première fois que je viens dans un tel endroit, dit-il en ricanant.

J'esquisse un sourire et l'idée qu'il puisse être un dangereux psychopathe fini par s'évaporer. Il n'est rien d'autre qu'un gars normal, le premier que je rencontre depuis un bon moment. 

-Je crois que je tuerais les amis de mon mec s'ils l'emmenaient dans un endroit comme ça, fis-je en tirant une latte de ma cigarette avant de la lui tendre.

Il rit en regardant mes yeux puis la cigarette. Il me fait un signe de remerciement de la tête puis l'attrape. De légères rides prennent vie aux coins de ses yeux quand il sourit, ce qui me donne l'impression qu'il rit beaucoup. Il tire sur la cigarette, puis, en recrachant la bouffée de tabac qui a l'air de l'apaiser, il dit :

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant