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JEANNE

Deux jours.
Deux jours qu'on est enfermés dans cette cave, sans aucune fenêtre.

Il y a une caméra blanche dans le coin droit du plafond. Aucune toilette.
Deux jours que je rumine l'équation :
Alex = fils de Naume
x = pourquoi
y = ma vie craint

Est-ce que le soleil existe encore ?
Car à par l'obscurité, je ne connais plus la lumière. Ah si, une petite lumière rouge. Celle de la caméra qui nous filme H24.
Je suis devenue une vedette, une star. Je suis sûre que je fais partie d'une téléréalité secrète, et que les images de Sam et moi tournent à travers le monde.

—Bébé ?

—Je réfléchis.

—À quoi ?

Debout, face à la caméra, je fais mon millième Fuck.

—T'as jamais répondu à ma question, je lance concentrée sur mon doigt d'honneur.

—Laquelle ?

Je me tourne face à lui.
On porte les mêmes habits poisseux depuis deux jours. Normal, ils n'ont pas prévu de dressing dans cette fichue cave.

Sa mine est fatiguée, comme la mienne je suppose, mais ses yeux noirs toujours aussi beaux.

—T'es un vampire ?

Son éclat de rire fuse dans la pièce.

—Je suis sérieuse Sam, je dis en posant mes poings sur mes hanches. Je veux savoir.

Son regard rivé dans le mien, ses lèvres esquissent un sourire.

—Ça changerait quoi ?

—Tu l'es ? je lance euphorique.

—J'ai jamais dit ça.

—Alors répond !

Les traits de son visage se détendent.
Depuis le réveil ils font la gueule. Je sais pas pourquoi il tire une tête pareille, vu que son super clan va venir nous sauver. C'est qu'une question de temps j'en suis sûre.

Viens.

Ses bras s'ouvrent en grand.

Répond.

Non.

Non quoi ?

—Non, articule-t-il à voix haute, je suis pas un vampire.

Je soupire face à ses bras toujours impatients de m'accueillir.

—Un loup-garou ?

—Bébé !

—Mais merde putain, t'as pas un super pouvoir comme dans les films pour nous faire sortir d'ici ?

Ses yeux se voilent.

—Ne pleures pas...

Je baisse la tête en essuyant mes larmes. Il se lève pour venir vers moi.

—On va mourir ici ?

Son corps chaud vient m'envelopper contre lui. Que j'aime cette douce chaleur réconfortante. Au moins les démons Naume ne nous ont pas séparés.

—Non, répond-il en déposant un long baiser sur mon front. On va pas mourir.

Je noue mes bras autour de sa taille pour me blottir contre lui. Je suppose qu'il fait nuit car la température a baissé.

—Alors pourquoi ils nous retiennent ici ? je demande d'une petite voix. Sans boire, sans manger, sans toilettes merde !

—Bébé calme-toi, me rassure-t-il en frottant ses mains chaudes dans mon dos. On en a déjà parlé, ça sert à rien de paniquer.

Je déglutis. Il fait référence à ma crise d'angoisse d'hier. Il a dû me répéter plusieurs fois que mes parents étaient en sécurité pour réussir à me calmer.
Pourtant son regard disait le contraire. Je sais pas pourquoi j'ai ce mauvais pressentiment qu'il me cache quelque chose, mais quoi ?
En tout cas, apparemment tout le monde a été sauvé, sauf nous.

À croire, que je suis autant maudite que lui.

Il porte mon petit corps épuisé dans ses bras, pour aller vers notre coin habituel. C'est à dire le plus propre et le plus chaud.
Une fois assis, je braque mes yeux sur lui.

—Raconte-moi ton histoire.

Une étrange lueur dorée recouvre ses yeux. Ça dure qu'une fraction de seconde, mais suffisante pour que je la vois. C'est comme si des microscopiques points dorés avaient jailli de ses pupilles noires. Un bref feu d'artifice, qui a disparu dès que ses yeux se sont ancrés dans les miens.

Alors que je rentre en apnée, il cherche ma main pour entrelacer nos doigts. J'ai toujours cet éclat doré en tête, et je me demande si j'ai pas eu une hallucination.

—Je t'ai déjà tout dit, prononce-t-il enfin. Il y a rien à savoir en plus.

—De quelle malédiction tu parlais la dernière fois ?

Ma voix est faible, tremblante. Mes yeux concentrés sur les siens. Je cherche leurs éclats dorés.

Il pousse un long soupir. Il ferme les yeux un bref instant, avant de les rouvrir avec des éclairs dans le regard. Des éclairs dorés envahissent une nouvelle fois ses pupilles.

Je cesse de respirer.

—Des foutaises bien trop vieilles pour qu'on s'y intéresse.

—Je...tu...

Mon corps est trop raidi pour continuer à coordonner mes mots. Mon esprit est trop choqué par ces yeux dorés et noirs qui me contemplent.

—Bébé ?

—Sam ?

—Ça va ?

Sa main libre remonte pour se caler sur ma joue.

Je veux pas fermer les yeux. Si je les ferme je perdrais cet éclat magnifique qui y brille à l'intérieur.
Alors je les ouvre en grand, au maximum pour les empêcher de cligner.

—T'es brûlante, putain !

Alors qu'il commence à me frictionner les bras, il se penche pour embrasser mon front.

—Non ! je m'écrie. Tes yeux !

Il s'arrête dans son action, mais trop tard.
L'éclat doré s'est évaporé.

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Just Play 2  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant