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SAM

—Laissez-moi lui péter la gueule.

—Tout doux Sam, rétorque mon chef Warwick, on va la retrouver.

Je bondis sur Clémire, mais quatre bras m'empêchent de lui coller mon poing dans sa tronche.

—Roméo a les nerfs ! nargue Mitch avec sa mâchoire fracassée.

—Ta gueule ! on crie tous à l'unisson.

Je fusille Clémire du regard, retiens ma respiration quelques secondes pour me calmer.

—Bon les gars, reprend le boss. Le dernier signal de son portable nous a ramené ici. Il est 2 heures du mat et elle a dû encore marcher quelques mètres.

Mon cœur se serre en imaginant Jeanne ici toute seule, frigorifiée.
Warwick me lance un regard compatissant, avant de poursuivre ses directives.

—Les Players vous cherchez du côté gauche de la route. Les Angels à droite. Moi je vous attends dans la caisse, j'ai quelques coups de fils à passer.

Je lance un dernier regard noir à Clémire qui baisse les yeux, puis je descends de la chaussée pour m'engouffrer dans la forêt.

—Jean, j'ordonne en marchant, reste au bord de la route. Et toi Blaise, tu descends trois pas plus bas.

Ils acquiescent de la tête.

On se retrouve tous les trois alignés, à marcher droit devant nous, moi étant au milieu.
Avec nos torches en main, on cherche dans l'obscurité la plus totale, un petit corps perdu.

Putain, qu'est-ce qui lui a pris de quitter le chalet ? Les choses ne sont pas assez compliquées comme ça ?

Je maudis intérieurement son sale caractère, elle est vraiment têtue comme une mule. Mais putain, c'est ce qui me plaît chez elle. Elle n'abandonne pas. Elle fait des choses stupides, sans rien lâcher. Elle était réellement déterminée ce soir à partir coûte que coûte avec moi.

Je revois son regard désespéré quand j'ai baissé mon arme pour rentrer dans la caisse du boss. Je lui ai fait du mal, encore une fois, et pourtant elle n'a pas baissé les bras. Elle s'est tiré du chalet pour me retrouver.
Sérieusement, comment elle comptait s'y prendre, en pleine nuit ?

À bout de nerfs, je la cherche derrière chaque arbre, chaque putain de buisson, chaque parcelle de terre que je trouve devant moi. Le silence qui nous entoure est notre allié. Personne ne parle et pour cause. On est aux aguets. Le moindre bruit suspect, gémissement, pleur, peut nous aider à la retrouver.
Si elle est toujours en vie...

Le temps passe. Ça fait déjà dix minutes qu'on cherche en vain. Les Players en face, sont aussi silencieux que nous. Pas âme qui vive dans cette forêt. À part ces drôles de bruit d'insectes, pas la moindre trace de Jeanne.
Bon sang, elle est passée où ? Elle n'a pas fait demi-tour quand même ?

La mâchoire serrée, la main crispée à mort sur ma torche, j'essaye de me mettre à sa place. Est-ce qu'elle s'est engouffrée aussi profondément dans la forêt, du côté où marche Blaise ?
Est-elle restée au bord de la route ?
A-t-elle marché tout ce temps-là dans ce froid ?

Et là une idée fait tilt dans mon esprit. Exactement comme la dernière fois où je l'ai perdue après que ce connard lui ait entaillé le bras.

Je lève ma torche vers les arbres. J'illumine chacun d'entre eux en priant que mon intuition soit bonne.

 J'illumine chacun d'entre eux en priant que mon intuition soit bonne

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Je fais un tour complet sur moi-même.
Rien.
Je m'élance alors pour faire demi-tour.

—Qu'est-ce que tu fous ? s'écrie Blaise.

—Rien ! Continuez sans moi !

Je commence à courir comme un demeuré en pointant la torche sur tous les arbres que je croise sur ma route. J'ignore pourquoi je fais ça, mais je sens que la solution se trouve en hauteur.

Quand soudain, mes yeux s'écarquillent d'effroi. À un mètre devant moi, ma torche illumine une petite masse roulée en boule sur une grosse branche d'un arbre.

—Jeanne !

Aucune réponse.
Paniqué, je m'approche de l'arbre pour monter dessus.

Je me décompose en me rendant compte que le tronc est non seulement gros, mais surtout très haut.

Putain, mais comment elle est monté ?

Les sourcils froncés, je cherche avec ma torche ce qui a pu l'aider à escalader cet arbre. Je remue avec mes pieds tout ce que je trouve devant moi. Des brindilles, des cailloux et de l'herbe humide. À part ça, je ne vois rien d'assez costaud qui aurait pu l'aider.

—Jeanne putain ! Descend de là !

Son absence de réaction me fait froid dans le dos. Je stresse comme un con.
Pitié qu'elle ne soit pas morte. Pas encore, putain.

Mon cœur bat à tout rompre. Je continue de chercher nerveusement un moyen pour grimper à cet arbre et la faire descendre.
Puis je me jette sur le tronc pour l'escalader comme un koala.

J'y arrive pas, putain.
Soit je ne suis pas assez agile, soit je m'y prends mal. Et Jeanne qui ne réagit toujours pas, malgré tout le boucan que je fais.

N'en pouvant plus, je retire mes gants avec fureur, et glisse mon pouce et mon index entre mes lèvres pour appeler mes équipiers en sifflant.

Jeanne sursaute et tombe de l'arbre.

—Aïe, gémit-elle.

Je fixe la bouche grande ouverte, cette petite masse qui vient d'atterrir brutalement sur le sol.

—Bébé ! je crie affolé en me précipitant vers elle.

Je la prends dans mes bras alors qu'elle continue de gémir en silence.

—Ça va ? Tu t'es fait mal ?

Son teint est très pâle, son corps tremble faiblement. Trop faiblement. Il est raide, paralysé par le froid.
Je soulève les mèches tombées sur son visage. Elle a un pansement marron sur le coin gauche du front. Le bandage blanc autour du cou, dépasse légèrement de son pull. Les lèvres sèches.

Putain, dans quel état je l'ai laissée.

Tandis que Blaise et Jean rappliquent à la vitesse de l'éclair, les yeux de Jeanne se posent sur moi avec tendresse.

—Edward, souffle-t-elle, t'es venu.

Mes yeux s'écarquillent d'incompréhension. C'est quoi cette histoire d'Edward ?

—Couverture, vite ! j'ordonne à Jean qui la sort de son sac à dos pour me la jeter dans les mains.

Je la rabats sur le petit corps fragile, abîmé de Jeanne, et l'enroule aussi vite et aussi fort que je peux, avant de la porter dans mes bras.

—Sujet localisé ! hurle Blaise aux autres.

Pendant que je me mets à courir en serrant Jeanne précieusement contre moi, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir.

Tout ça est arrivé par ma faute.

J'aurais dû appeler les Players dès que le binoclard l'a agressée la première fois.
J'aurais dû demander du renfort pour la protéger.
Mais j'ai rien fait.

J'ai cru gérer cette situation tout seul, et le résultat est sans appel.
J'ai merdé.

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Just Play 2  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant