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8 jours plus tard

Quelque part sur Terre

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Point de vue SAM

Je fixe mon bras gauche depuis plusieurs minutes. À moitié bourré, j'observe mes brûlures rougeâtres degeulasses, les stries blanches qui partent dans tous les sens, en me défonçant la gueule au rhum.

Pieds nus, avachis sur le canapé avec mon jean déchiré, j'asperge mon torse avec la bouteille de rhum. Peut-être que toutes les brûlures quitteront un jour mon corps. Peut-être qu'un jour je me réveillerai et je ne serais plus le Maudit qui fait crever les filles.

Je revois encore le visage pâle de Stella, sans vie, reposant sur le rebord de la baignoire.
J'ai tué Stella.

Elle est morte à cause de moi car comme un putain de débile que je suis, je lui ai jamais demandé de prouver son âge.
Quand on s'est rencontré il y a deux ans sur le marché du village, sa ressemblance avec Jeanne était saisissante. Les mêmes yeux chocolats, les mêmes cheveux châtains légèrement ondulés, et cette même fragilité dans le regard.

Elle m'a tout de suite fait peur. C'était comme si la malédiction s'acharnait à me faire souffrir.

Je l'ai rejetée, j'ai été extrêmement froid avec elle, mais sa douceur, cette malice dans ses yeux a fini par m'adoucir. On est sorti ensemble, puis on s'est installés dans la dépendance de ses parents.

Les mois qui ont suivi m'ont permis de supporter la douleur de l'absence de mon ange à mes côtés.
Jusqu'au jour damné du 13 avril.

Stella et moi dans la baignoire, c'était pas la première fois putain.
Sauf que c'était son anniversaire. Son putain d'anniversaire où elle m'a juré fêter ses vingt-trois ans.
Je l'ai cru.

Quand j'ai jouis en elle, ses yeux pétillaient encore. Je revois son bonheur de partager sa vie avec moi.  Son sourire s'est éteint deux secondes après.
J'ai cru à une farce. Elle avait l'habitude de se foutre de ma gueule avec mon histoire de malédiction. J'ai cru qu'elle me charriait.

Lorsque sa tête a basculé en arrière, j'ai à peine eu le temps de la rattraper pour qu'elle ne plonge pas dans l'eau du bain. Ses yeux étaient grands ouverts et vides. Ses putains de membres aussi mous qu'une marionnette.

Rupture d'anévrisme.
Comme toutes les femmes de ma famille. Comme toutes les filles qui tombent amoureuses de moi et avec lesquelles je couche.

Pourtant je l'aimais pas. Je l'aimais pas comme Jeanne. J'ai pas compris. Aucune tache noire sur le poignet. Rien.

Pris de panique, je l'ai retourné dans tous les sens pour chercher cette maudite tâche qu'elle aurait pu dissimuler sous ses vêtements. La vérité m'est apparue en pleine gueule. Quand j'ai repris son visage inerte entre mes mains, une immense tâche noire a pris possession de sa joue. Elle s'est étalée pendant de longues secondes, jusqu'à couvrir son œil droit. La forme des petits traits étaient tels qu'ils formaient un sourire diabolique.

Fou de rage, je l'ai sortie de la baignoire, posée sur la tapis, et je suis parti. J'ai disparu de la ville, pour remonter encore plus dans le nord de la Pologne. Là où je compte mettre un terme à ma misérable vie.

Ça fait 101 jours que je vis avec mon ombre et mon silence. 101 jours qu'une bonne femme m'a recueillie, et qui me voit sombrer, impuissante, dans l'enfer de mon esprit.

À présent trempé de partout par le rhum que j'ai vidé sur mon corps, je fixe mon paquet de clopes qui repose sur la petite table basse juste devant moi. Il suffit d'une étincelle pour redevenir poussière. Il suffit que je tende la main pour saisir mon briquet et que je flambe la créature immonde que je suis devenu.

—You food ? demande soudain Pavla.

Mes paupières défoncées s'orientent vers elle.

Debout dans sa petite cuisine en vieux bois, elle m'observe d'un regard préoccupé. Assez grosse, avec une robe jaune défraîchie et dix fois trop courte pour elle, elle remue sa spatule en l'air en attendant ma réponse. Cette bonne femme d'une quarantaine d'années, ne parle pas très bien l'anglais.

Je secoue la tête de droite à gauche pour lui faire comprendre qu'elle ne s'emmerde pas à cuisiner pour moi. Mais cette mama polonaise est têtue. Tous les jours elle me pose la même question « You food », tous les jours je lui réponds de la même manière. Et tous les jours elle me force à manger.

Agacée, elle retourne à ses casseroles en pestant des mots dans sa langue natale.
Je reporte mon attention sur l'objectif du jour. Basculer de l'autre côté avant la tombée de la nuit.

Le ventilateur qui tourne à fond sur ma gauche me casse les oreilles et m'empêche de me concentrer.
Je cherche une autre bouteille d'alcool à mes pieds, quand je reçois une bassine d'eau sur la tête.

—You crazy ! aboie Pavla en me mitraillant de ses yeux noirs perçants. No rhum here, dit-elle en pointant son doigt sur mon torse. Rhum here.

Elle me donne une sacrée pichenette sur les lèvres, ce qui me fait grimacer.

—Me dead ! je braille hors de moi en passant mes mains dans mes cheveux trempés. Leave me alone !

—You talking ? lache-t-elle d'une voix ahurie.

Ses yeux me dévisagent comme si j'étais le Christ. Comme si elle venait d'assister à un miracle.

Je soupire lassé, avant d'essayer de me relever de ce fichu canapé. Des heures que je bois, mon corps a déjà morflé.

—Can you fuck me ?

Mon corps retombe aussi sec dans le canapé. Je braque mes yeux hallucinés sur Pavla qui a fait tomber la robe à ses pieds.

Entièrement nue, sans aucun sous-vêtements, ses bourlets se dandinent devant moi pour m'aguicher. Elle gesticule les bras en l'air en se pavanant avec un grand sourire aux lèvres.

Ugh.

Quand elle s'assoit sur mes genoux pour coller ses gros seins tout fripés à mon torse mouillé d'alcool, je manque de vomir.

—No, no, no ! j'essaye de riposter en la poussant comme je peux. Me married !

—Me too darling, roucoule-t-elle en me léchant les lèvres. No problem.

—La vache ! s'exclame une voix rauque derrière nous.

Je lève les bras en l'air en signe d'innocence, quand mes yeux atterrissent sur une bouille barbue, coincée dans le bas de la porte, par là où sort le chat de la folle.

—Sonya ramène-toi ! ricane Mitch hystérique. Je l'ai trouvé !

Pavla se lève d'un bond de mes genoux, je crache le plus long soupir de soulagement de toute ma misérable vie.

Elle ramasse la bouteille de rhum qui était tombée par terre, et se lance telle une furie sur Mitch.

Les mots incompréhensibles qui sortent de sa bouche me font comprendre qu'elle s'apprête à l'assommer. Sans aucune pudeur, elle se rue vers la porte, Mitch a juste le temps de reculer avant que la bouteille se fracasse dessus.

Je ne suis plus du tout bourré.
Ou trop, je ne sais plus.
Est-ce que la mama a vraiment ouvert la porte pour courir nue à la poursuite de Mitch ?

Je me surprends à rire tout seul, quand la silhouette de Sonya apparaît devant moi. Toujours aussi grande, les yeux toujours aussi souriants, elle me tend la main en disant :

—Tu rentres chez toi, Sam.

ҨҨҨҨ

Ça y est, vous avez tous les points de vues principaux, et ce qui s'est passé pour eux ces 4 dernières années

Dès le prochain chapitre on plonge dans le vif du sujet 😉

Kisses 🧡

Alix.

Just Play 2  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant