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JEANNE

Le lendemain

Sam n'est pas revenu.

Peu importe l'excuse qu'il me sortira, il va m'entendre hurler jusqu'au bout de la rue. De la Terre entière.
Je sors ce matin de l'hôpital et il n'est même pas là.

Je marche derrière mon père jusqu'à notre Scenic, en ruminant ma colère. J'ai même pas de téléphone pour le joindre, alors qu'il s'est toujours arrangé pour m'en laisser un.

Je m'assois dans la voiture auprès de mon père qui demeure silencieux. Je l'observe et constate qu'il est fatigué. Trois jours à veiller sur moi nuit et jour, sans jamais quitter l'hôpital.
Alors qu'il démarre avec ses affreuses cernes sous les yeux, je décide de caser le sujet Sam à « je m'en occupe plus tard ». Pour l'instant, je préfère discuter avec mon père qui n'a pas l'air dans son assiette ce matin.

—Papa, t'as des nouvelles des Durand ?

Autant commencer par déterminer ce que deviennent mes ennemis.

—Ils ont déménagés la semaine dernière.

—Où ça ?

—Dans un quartier au nord de la ville. Tu sais dans les collines.

Mon cœur se serre. Ils ont de l'argent et ont pu partir.

D'un autre côté je suis pas prête à quitter ma maison qui rassemble tous les bons souvenirs de ma mère et de ma sœur. Ma gorge se noue à cette simple pensée.
Du coup, je mets ça aussi de côté, pour orienter la discussion sur quelque chose de positif.

—Tu penses que je peux reprendre les cours demain ?

—Si tu veux, réplique-t-il d'une petite voix. De toutes manières je vais devoir reprendre le travail.

Il s'engouffre dans les petites ruelles de la ville, et constater que le monde ne s'est pas arrêté de tourner depuis le drame, me réchauffe un peu le coeur.
Naume est mort.
Marysa a déménagé à l'autre bout de la ville...

—Et t'as des nouvelles de Constantin ? je demande soudain angoissée.

—Non, répond-il en s'arrêtant à un feu rouge.

Quelques passants traversent, pendant que je me demande si Constantin a aussi déménagé. Il n'a pas eu de fusillade chez lui contrairement à nous. Du coup il y a 99% de chances que je le croise demain au Lycée.

Je pousse un soupir dépité, avant de rebondir sur un autre sujet.

—T'aurais pas par hasard des nouvelles de Sam ?

—Non ma Jeannie, réplique-t-il comme si mes questions le fatiguait.

—Il t'a parlé ? je lance d'une petite voix.

—À propos de quoi ?

Soudain intimidée, je tourne la tête vers la fenêtre. On traverse une rue de grands magasins qui commence à se remplir de bon matin.

J'ignore si Sam lui a parlé de notre...mariage ?
Est-ce qu'on est mariés ?
Est-ce qu'on va se marier ?

Pourquoi il est jamais là quand j'ai besoin de lui ?

De nouveau énervée qu'il me laisse sans nouvelles, je choisis de pas pousser le sujet plus loin.

—Rien papa. Je disais juste ça comme ça.

On termine le trajet en silence, pendant lequel j'augmente le volume de la radio pour éviter de penser. Pourtant le manque de ma mère me broie le coeur. Je me sens triste, infiniment triste de l'avoir perdue.

Quand on arrive à la maison, mes yeux s'arrondissent de surprise. Alex se tient debout devant ma porte.

Je sors de la voiture et me rue vers lui.

Troublé, il esquisse un sourire forcé, alors que je le fixe en état de choc. C'est vraiment la dernière personne que je pensais voir.

Habillé d'un jean, d'un pull gris et d'une doudoune noire, il lance d'une voix gênée :

—Je peux rentrer ?

—Quoi ? je lance le souffle coupé.

—Bonjour Alex, le salue mon père en lui serrant la main.

Deuxième choc intersidéral.
Je me tourne nerveusement vers mon père.

—T'es au courant qu'il est le fils de Naume ? Qu'il m'a enfermée dans une cave pour me tuer ?

—Il t'a sauvé la vie, rétorque calmement mon père en prenant mes mains tremblantes pour les serrer dans les siennes.

—Quoi ? Comment tu sais ça ?

—Il est venu me voir ma Jeannie, et il m'a tout expliqué. S'il n'est pas en prison comme son frère, c'est pour une bonne raison.

—Matt est en prison ?

Il approuve des yeux.
Je le fixe complètement perdue.
Je sais absolument pas quoi faire.

—Laisse-moi cinq minutes, intervient Alex d'une voix suppliante. Et si après tu ne veux plus me revoir, je l'accepterais.

—Va au diable.

—Jeannie ! s'étrangle mon père.

Je me retourne vers Alex pour le regarder droit dans les yeux.

—Ok rectification : va brûler en enfer.

—Ça suffit ! s'énerve mon père en ouvrant la porte. C'est ton ami, et il t'a sauvé. La moindre des choses serait de l'écouter.

Je pousse plusieurs jurons silencieux en rentrant dans la maison.

Mon père ne s'énerve jamais, alors si je veux pas qu'il fasse une crise cardiaque dès mon retour, j'ai intérêt à régler cette histoire entre quatre yeux.

Je m'arrête à l'entrée en fronçant les sourcils. Le canapé et la table à manger ont été changés. Ils sont neufs et de couleur différente. Fallait si attendre, on pouvait pas regarder la télé avec un canapé troué de balles.

Mes poings se serrent de colère.
Ma vie est un véritable chaos.

J'abats mes yeux furieux dans ceux d'Alex pour affronter son regard bleu.

—Cinq minutes, me demande-t-il d'un air grave. Pas plus.

Je jette un regard à mon père qui me fait signe de la tête de l'écouter.

Un gros soupir plus tard, me voilà montant dans ma chambre avec Alex derrière moi.

Just Play 2  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant