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SAM

Ne pas lui casser la gueule.
Paraître civilisé même s'il veut se taper ma femme.
Prendre de longues et profondes taffes, avant d'appuyer sur la sonnette.

Je suis passé chez le père de Jeanne, elle n'était pas encore rentrée. J'en ai donc déduis qu'elle est encore ici avec lui en train de...discuter...oui c'est ça discuter calmement de cette putain de malédiction.

J'appuie sur la sonnette, en me répétant mentalement que mon ange n'aime que moi, et que ce putain de sportif ne lui a pas retourné le cerveau.

Mon doigt commence à s'impatienter. Je l'enfonce une deuxième fois sur ce petit bouton noir. J'aurais pas dû jeter ma clope, j'en ai grave besoin là. C'est pas comme si ma femme se retrouve avec son ex coup de cœur, seuls dans cette gigantesque villa noire.

Ma patience a des limites, ça fait déjà trois bonnes minutes que je suis planté là comme un con. Je ne réfléchis plus, je grimpe sur le portail pour aller voir ce qui se trame là-bas derrière.

***

Quinze minutes plus tard, je ressors complètement affolé. Le portable en main, j'ai fais la connerie d'appeler Mitch.

Je rejoins nerveusement ma Audi avec une clope en bouche. Je raccroche au nez de l'autre taré qui m'a encore plus stressé avec ses cris d'hystérique, et compose le numéro de Blaise.

—Ouais ?

—Mobilise une équipe, j'ordonne aussi calmement que je peux. Je la trouve pas.

—Écoute mec...

—Quoi ? je gueule en démarrant ma caisse.

—Hé bien...le boss n'est pas trop chaud pour...enfin tu vois quoi...Elle n'est plus en danger, enfin pas en ce qui concerne le district, alors...

Je raccroche.

Merde.

On n'est plus dans la même équipe. Le seul Player comme moi est Clémire, et tout le monde sait qu'on est en froid en ce moment. Les autres...ben je leur parlais pas, alors pas moyen qu'ils se bougent pour moi.

Pendant que je retourne chez mon ange pour checker qu'elle n'est pas rentrée entre temps, je me résous à rappeler Mitch. Il a beau être lourd, je sais qu'il réussira à persuader Sonya de me donner un coup de main. À trois pour retrouver Jeanne dans l'immensité de la ville : ouais, on y arriver.

Il est 18h08 et une nuit profonde quand je débarque une nouvelle fois chez Jeanne. Je dois ensuite rejoindre Mitch et Sonya pour établir un plan de recherche au Qg. Mais d'abord je vais devoir sonner chez le père de ma femme, chose que j'ai pas fait avant. Comment lui expliquer que je reviens sans elle alors que je suis censé la protéger ? Quelle excuse je vais devoir sortir pour justifier que je la cherche ?

Putain.

Mes neurones pulsent à fond, pendant que je cours presque jusqu'à chez elle. Il faut que je demande à son père, j'ai pas le choix. Ça se trouve elle l'a appelé avec le téléphone d'Alex pour le prévenir qu'elle rentre plus tard. Et ça moi je le sais pas, PARCE QUE J'AI PAS EU LE TEMPS DE LUI REMETTRE UN PUTAIN DE PORTABLE.

Je me stoppe net à deux mètres de chez elle. J'ai garé exprès ma caisse deux rues plus loin pour...je sais pas pourquoi merde. Mais ce que mes yeux découvrent devant moi, me pétrifie. Me cloue le cœur et le fracasse en deux.

Alex vient de garer sa moto devant chez elle, avec Jeanne derrière lui. Cette image d'eux, ensemble, est insoutenable.

Je suis incapable de faire un pas de plus. Pourquoi ? Je sais pas. Je suis figé, dans l'obscurité de la nuit, en train de me décomposer en voyant Alex descendre de sa moto et poser ses mains sur les hanches de ma femme.

Je vais le défoncer.

Dix pas de plus, je suis presque à leur hauteur. Jeanne enlève son casque de protection et Alex fait pareil. Ils se font face, plusieurs minutes, je dois absolument entendre ce qu'ils se disent.

Mon ange n'a plus ses cheveux tressés. Ils sont emmêlés comme si elle avait couru un marathon. Mes poings se crispent.

Qu'est-ce qu'ils ont fait tout ce temps-là chez lui ?

La jalousie qui se loge dans mon coeur est noire.
Si j'avais un flingue là sur moi, je l'aurais sorti sans hésiter.

ALORS POURQUOI JE RESTE FIGÉ COMME UN CON EN TRAIN DE LES MATTER ?

J'observe minutieusement le visage de Jeanne qui n'est pas aussi précis que je le voudrais. Cette putain de nuit m'empêche de lire en elle.
J'effectue quelques pas de plus, quand la main droite d'Alex se lève, doucement, pour attraper une mèche de cheveux de ma femme et l'enrouler autour de son doigt.

Je suis prêt à lui sauter dessus, à lui démolir la gueule d'avoir osé la toucher, mais un regard chocolat change tout. Un regard chocolat brillant ? Est-ce que je viens de voir des putains d'étincelles dans ses yeux ?

Elle le repousse violemment avec son bras, Alex se met à rire. Même si ça me rassure qu'elle ait fait ça, j'ai son putain de regard pétillant dans le crâne. Impossible d'oublier comment elle l'a regardé.

Une lame transperce mon coeur, j'ai l'impression de mourir. De mourir de tristesse, de douleur, d'une souffrance sans nom.

Elle l'aime encore ?

Des larmes me montent aux yeux. Mes jambes flageolent. J'ai la tête qui tourne comme dans un cauchemar. Comment j'ai pu croire qu'elle m'aimerait vraiment ? Comment j'ai pu croire qu'elle risquerait sa vie pour moi ?

Je suis un Maudit.
Personne n'est capable de m'aimer.
Et les rares personnes qui y sont parvenues sont mortes.

Mon monde s'écroule en quelques minutes. J'étais tellement obnubilé par elle, que j'ai cessé de réfléchir. J'étais tellement amoureux d'elle, que j'ai pas réalisé une seule seconde qu'à 17 ans elle pouvait pas ressentir les mêmes sentiments que moi.
Je l'ai embarquée dans mon naufrage, alors que c'est clair qu'elle a toute sa vie devant elle. Sa vie avec d'autres garçons de son âge, qui ne sont pas aussi paumés et abîmés que moi.

La porte de chez elle claque, je sursaute.
Mes mains viennent essuyer les putains de larmes que j'ai pas versé depuis la mort de ma sœur.

Alex remonte sur sa moto pour partir, alors que je suis toujours cette ombre dans la nuit qui a compris qu'une vie heureuse n'est pas pour moi.

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Just Play 2  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant