3- Une société robotisée

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Ne les laissez pas me changer. Ne laissez pas la société me changer. Ne laissez pas les gens me changer. Ne les laissez pas me changer, par pitié, pensais-je subitement.

Là en marchant, les écouteurs coincés dans les oreilles, le regard fixé sur l'horizon, je ressemblais plus que jamais à un robot qui se dirigeait vers son industrie. Je détestais ça. On devenaient des putains de machines programmées, pour subir ce que la société nous mijotait.
Dans mon esprit, mes pensées s'échauffaient ; me provoquant par la suite un mal de crâne que je ne pourrai calmer sans l'aide d'un cachet.

Étant décidée à ne pas regagner mon appartement, je préférais m'assoir sur un banc inoccupé, au milieu d'un trottoir, à quelques rues de l'immeuble dans lequel je devais me trouver.
Grâce à mon iPhone, j'observais qu'il était déjà deux heures et écart du matin.
Faiblement éclairé par le lampadaire situé à ma gauche, j'augmentais le volume de mon portable, avant de me concentrer sur les défauts de notre société actuelle. Sans aucun doute, mon plus grand démon.

En effet, seule, face à moi-même, j'étais forcée de constater que c'était en partie à cause d'elle, que je me détestais autant. Elle nous dictait tout ce que nous devions faire. Et non, je ne faisais pas partie de ces filles magnifiques, à la taille 34, aux visages ronds mais aux joues pourtant creuses, à la poitrine refaite et aux gros culs. Non, je ne faisais pas partie de ces stéréotypes auxquels tout le monde voulait ressembler.
J'en suis tout l'inverse à vrai dire, et je ne m'acceptais pas.

J'ai des formes, je veux dire que j'ai des hanches larges ; ce qui est normal, car nous sommes majoritairement toutes dans la capacité de donner la vie. Mais à mon goût, et surtout au goût de la société, mes hanches sont beaucoup trop larges. Il n'y a pas que ça qui n'aille pas chez moi. J'ai une faible poitrine. Mais je ne m'en pleins pas, car j'adore dormir sur le ventre, et ils ne me gênent absolument pas. Contrairement à Alisha, qui a une forte poitrine, et qui est gênée pour dormir sur le ventre. Ensuite, si vous voulez tout savoir, je n'ai pas un ventre plat comme tous ses modèles que l'on croise dans les magazines, ou dans les programmes télévisés. Je ne suis pas grosse, mais je ne fais pas la taille mannequin non plus.
Mes cheveux blonds ne sont pas lisses naturellement, et pourtant j'en prends beaucoup soin. En effet, mes pointes se terminent toutes par des anglaises ; qu'Alisha trouve toujours ravissantes. La seule chose que j'appréciais réellement quant à mon physique, était ma peau. Je n'ai jamais connu le problème d'acné, alors oui, j'ai déjà eu deux, trois boutons dans ma vie, mais ma peau est nickel.
Pourtant, je me sentais mise hors jeu de la société.

J'aimerai tellement ressembler à toutes ses jolies filles des magazines ; même si Alisha me répétait sans cesse que les photos sont toutes retouchées. La société m'a tellement bourré le crâne, que je me suis laissée aller vestimentaire parlant.
Je baissais rapidement le regard sur ma tenue : je portais un jean, avec mes baskets puma roses pâles, et un gros sweat blanc avec des inscriptions dessus ; ce qui ne mettait absolument pas mes yeux bleus en valeur malgré le mascara qui recouvrait mes cils.
Malgré l'effort que j'avais fait de me maquiller, chose que je ne faisais que lors de rares occasions, je me trouvais encore trop immonde.
Finirais-je un jour par cesser de me détester ? Probablement pas.

Le regard fixé droit devant moi, je sentais l'impuissance me gagner. Car, en cette soirée, je venais clamer ma colère. J'étais en colère contre la société actuelle.
En soit, ce n'est pas la vie qu'on tentait désespérément de fuir, mais plutôt la société. Et à présent, tout me paraissait beaucoup plus clair.
En effet, lorsque nous sommes triste ou déçu, ce n'est pas vraiment contre la vie en elle-même, mais contre la société. Oui, j'aimais la vie, contrairement à ce qu'on pourrait penser. J'étais en bonne santé, et je n'avais rien à lui reprocher. Ce n'était point la vie que je haïssais ou que je cherchais à fuir.
Non. Contre qui suis-je remontée alors ? Contre la société.
C'est elle qui nous pousse à penser qu'on aime pas la vie. Mais c'est faux. Tout le monde aime la vie. Nous avons la capacité de nous rendre compte de l'opportunité que nous avons de respirer, parler, manger, dialoguer, débattre, rigoler, découvrir, même si l'on hérite pas tous de cette même chance.
En revanche, c'est à cause de la société que des centaines de personnes chaque année, se condamnent en mettant fin à leurs jours. C'est uniquement à cause d'elle. On devrait s'en prendre à son système. Car c'est elle qui nous enferme dans ses idées : par exemple, si on ne fait pas taille 36 minimum, nous sommes considérées comme étant grosses, et donc par conséquent pas belle. Ce qui veut dire qu'on ne trouvera jamais un homme dans la capacité de nous aimer tel que nous sommes vraiment ; qu'on ne pourra ni fonder une famille ni avoir un métier. Qu'on pourra faire une croix sur notre avenir ainsi que sur nos rêves. Si nous ne sommes pas bon dans le système scolaire, et qu'on n'a ni brevet ni bac, on ne réussira jamais à rien dans la vie, au mieux on exercera un métier que l'on aime point, au pire, on sera à la rue. Sauf que non, je ne cautionnais pas les messages que véhiculait la société. J'étais cent pour-cent contre.

〉𝑭𝒆́𝒍𝒊𝒏𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒍'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆 [𝑻𝒆𝒓𝒎𝒊𝒏𝒆́]〈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant