〉𝑭𝒆́𝒍𝒊𝒏𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒍'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆 [𝑻𝒆𝒓𝒎𝒊𝒏𝒆́]〈

10- Un instant de bonheur

Plusieurs jours après s'être échangés nos numéros, et après avoir fait plus ample connaissance, Idriss m'avait donné rendez-vous dans un petit coin de Paris. Histoire de passer l'après-midi ensemble. On ne s'était pas encore revu depuis la soirée chez Théodore, et pour être tout à fait honnête, il n'avait cessé d'occuper mon esprit ces derniers temps. Et je crois bien que Alisha l'avait remarqué. Cependant, elle ne m'avait pas posé de question, ce qui était plutôt surprenant de sa part ; et lorsque je lui demandais des nouvelles de Ken, elle finissait toujours par fuir la discussion. Sauf que je n'étais pas dupe moi non plus, si elle fuyait aussi souvent le sujet c'est qu'elle n'avait guère de ses nouvelles. Parfois même j'avais l'impression qu'elle était jalouse, jalouse qu'un garçon s'intéresse à moi, alors que j'étais loin d'être jolie comparé à elle. Naturellement, je ne lui avait pas dit que aujourd'hui je le revoyais, j'avais préféré garder ce moment pour moi ; n'étant certaine de rien.

Cette après-midi, on optait pour se poser dans un petit parc non loin de là où je vivais. Après s'être salué timidement, cela me faisait bizarre de me retrouver en face de lui ; surtout suite à nos nombreuses discussions échangées via nos portables où il n'y avait aucune trace de timidité.
Observant rapidement les alentours après m'être assise dans l'herbe fraîchement coupée, je remarquais qu'à côté de nous se situait une aire de jeux pour les enfants. Ils étaient nombreux à jouer sous ce grand soleil ; en même temps, nous étions mercredi après midi, soit la journée des enfants. C'était donc tout à fait normal.
En face de nous, sur un banc, un vieux couple était assit côte à côte. Le vieil homme tenait fermement son journal dans ses petites mains, fumant la pipe ; tandis que sa femme, balançait du pain aux pigeons. Un sourire se formait alors sur mes lèvres. En sommes, ils étaient beaux tous les deux à contempler, dans ce paysage entièrement remplit de jeunes personnes tous vautrés sur le monde numérique. Le vieil homme refermait lentement son journal, avant de jeter un coup d'œil en direction de sa femme. Je ne parviendrais jamais à oublier la manière agréable, douce et aimante dont il l'avait regardé.
Elle paraissait se rendre compte qu'il avait terminé de lire son journal. Alors, lentement elle se redressait, lui tendant doucement sa main. Il s'en emparait avant de déposer un baiser sur son front. Je voyais ses pommettes à elle rosir, tandis qu'ils quittaient ensembles le parc.
Voir ce couple s'aimer, m'avait redonné de l'espoir.
Peut-être qu'un jour un garçon m'aimerait autant que cet homme pouvait aimer sa femme ? Mais la réalité me rattrapait bien vite, c'était uniquement la troisième fois que l'on se voyait, et rien ne m'indiquait qu'il m'appréciait un peu plus que l'amitié. En même temps nous nous connaissions à peine et cela ne servait à rien de vouloir précipiter les choses. Comme pour me changer les idées, je me redressais en secouant négativement la tête. C'était trop le bordel quand on me laissait seule avec mes pensées, je partais dans toutes les directions possibles et inimaginables, et ça m'effrayait beaucoup. Pour me distraire, j'observais alors le bleu intense du ciel, nous avions de la chance qu'il fasse beau.

— Ils étaient bien assortit hein, lança-t-il tandis que je reportais mon attention vers lui.

Je me mordais la langue. Je l'avais quasiment oublié, dans cette bulle de remise en question dans laquelle je m'étais enfermée. Une fois de plus, je m'étais retiré de la réalité.

— Désolée, soufflais-je timidement en bougeant mes mains.

Bon dieu !
Pourquoi je m'excusais déjà ?
Ah oui ! Je m'excusais d'être moi. J'étais pitoyable et pathétique ! Je comprendrais parfaitement s'il voulait qu'on en finisse là, je comprendrais qu'il prenne la fuite.
Pour qui il allait me prendre ? pensais-je. Une folle ? Dans son monde imaginaire ?
Et pourtant, à mon plus grand étonnement, il restait là, à côté de moi à me regarder. Je me sentais vraiment très mal à l'aise.