24- La dévalorisation

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— Ils ne vont pas tarder, souffla-t-il en faisant un noeud au tissu. Tiens bon.

À peine avait-il finit sa phrase, qu'on entendait déjà la sirène de l'ambulance. Idriss se retournait rapidement vers moi, me soulevant du sol, avant de me caler dans ses bras, de la même manière que dans les films de Disney.
Je ne voyais plus grand chose. Il l'avait comprit.

— Essaie de rester éveillée, s'il te plait, Charlie, lança-t-il d'une voix tremblante. Je ne te demande pas de le faire pour moi, mais fais le pour Alisha.

Je secouais doucement la tête. Tandis qu'on descendait les trois étages, passant devant la concierge, qui poussait un cri aigüe, presque imperceptible pour moi.

—  Charlie oh mon dieu !!!

—  Tout va bien Madame, paniqua Idriss, l'ambulance est là. Elle va être prise en charge.

—  Ma douce enfant ! sanglota-t-elle en s'approchant de lui.

J'aurais pu la regarder, et tenter de la rassurer. Oui j'aurais pu. Mais je n'arrivais pas à décrocher mon regard de Idriss. Si ça se trouve c'était la dernière fois que je le voyais ? Alors j'en profitais.
Et soudain, tout me paraissait clair. Je ne savais pas si vous savez ce que ça fait de se sentir vide à l'intérieur de soi-même. Je n'ai plus rien. J'ai déjà pensé tant de fois à m'ôter la vie, mais je suis bien trop faible pour oser passer à l'acte. Il y a des jours où la douleur est moins forte, où j'arrive à la gérer ; et puis, il y a toutes les autres fois ; où je suis incapable de la contrôler. Elle sort de moi par des pleures le plus souvent, mais aussi par des paroles et des gestes. La vérité, c'est que tout me bouffe. On m'a fait tellement de mal, j'ai souffert et je continu de souffrir. J'ai beaucoup prit sur moi durant dix ans, j'ai tout gardé enfouit en moi. Je veux que personne puisse entrer dans ma tête, j'ai peur du désordre qui s'y trouve. Je veux pas qu'ils voient à quel point je suis malade, à quel point je suis folle ; et je ne veux surtout pas que leurs regards changent. Je ne pensais pas avoir autant souffert, au fond c'est cette colère en moi que j'ai depuis petite qui me pourrie l'existence. C'est à cause d'elle que j'en suis là aujourd'hui. C'est contre elle que je me bats et contre moi aussi. Et elle me pourrie l'existence. Comment faire pour m'en sortir ?
Comment ?
Je suis si inintéressante. On me dit de lâcher prise, je ne sais pas comment faire. On dit que je suis dure envers moi-même, mais comment voulez-vous que je sois bien, que je puisse bien vivre après tout ce que j'ai fait subir à mon entourage ? Comment voulez-vous que je me regarde dans le miroir sans voir la petite fille que j'étais, sangloter en permanence ? Comment voulez-vous que je puisse faire une croix sur mon passé, alors que je le porte tous les jours comme un fardeau ? Pourquoi je ne parviens pas à passer au dessus de tout ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi m'a-t-on fait subir ça ? Pourquoi on dirait que je passe toujours pour la fille qui se plaint ? Pourquoi est-ce que j'ai autant mal ?

Mes yeux se fermaient au moment même où je me sentais arrachée de ses bras musclés et crispés. J'avais eu juste le temps d'apercevoir deux autres visages penchés vers moi, tandis que les portes se refermaient subitement sur sa silhouette. Je me perdais dans le néant.

Narration Externe :

Les portes de l'ambulance venaient de se fermer, sur la silhouette de la fille dont il était tombé éperdument amoureux.
Heureusement qu'il n'était pas seul, Alisha était déjà entrain de garer sa Clio blanche à quelques mètres non loin d'ici. Elle se précipitait brusquement vers lui, pieds nus, ses talons rouges dans le creux de ses mains, les cheveux ébouriffés. Visiblement elle était occupé à faire autre chose.

〉𝑭𝒆́𝒍𝒊𝒏𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒍'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆 [𝑻𝒆𝒓𝒎𝒊𝒏𝒆́]〈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant