64- Retour à Paris

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Neuf heures moins cinq, il était déjà assit au café ; les mains jointes, son pied tapotait fermement le goudron. Il jetait plusieurs coups d'œil à sa montre ; avant de regarder à droite puis à gauche. Il m'attendait. Puis il soupirait en se remettant à tapoter du pied.
Prenant sur moi, je devais y aller. C'est moi qui lui avait donné le rendez-vous et je n'avais pas le droit de me défiler. On devait parler.
Gardant le regard fixé au sol, mes talons me guidaient maladroitement vers la table où il était assit. Je m'asseyais en relevant timidement la tête tandis qu'il se redressait précipitamment ; en cessant de tapoter son pied contre le goudron. Il éteignait sa clope avant de me fixer de ses yeux ronds.

— Salut, soufflais-je, en évitant à tout prix son regard.

— Salut, répondit-il sur le même ton que moi, qu'est-ce qui t'amènes ?

— Hm, et bien, je voulais te dire quelque chose. Quelque chose d'important à vrai dire.

J'appréhendais tellement ce moment ; c'était la première fois que l'on se reparlait depuis notre dispute à Libourne. J'avais prit sur moi pour faire le premier pas.
Il acquiesçait avant de boire quelques gorgées de son café. Il faisait tellement froid, j'ignorais pourquoi on ne s'était pas glissé à l'intérieur du café. Je soufflais de l'air chaud sur mes doigts pour tenter de les réchauffer mais cela n'avait aucune conséquence.

— Je t'écoute hein, relança-t-il en me sortant de mes pensées.

— Je sais pas si tu sais ce que ça fait de se sentir vide à l'intérieur de soi-même. J'ai plus rien, avouais-je alors d'une petite voix. J'ai déjà pensé tant de fois à m'ôter la vie, mais je suis bien trop faible pour oser passer à l'acte. Il y a des jours où la douleur est moins forte, où j'arrive à la gérer ; et puis, il y a les autres fois ; où je suis incapable de la contrôler. Elle sort de moi par des pleures le plus souvent, mais aussi par des paroles et des gestes.

Je marquais une pause, cherchant de nouveau mes mots. Mes jambes se mirent à trembler ; et je mettais cet événement sur le fait que je mourrais de froid.

— La vérité, c'est que tout me bouffe. On m'a fait tellement de mal, j'ai souffert et je continu de souffrir. J'ai beaucoup prit sur moi durant vingt ans, j'ai tout gardé enfouit en moi.

J'affrontais enfin son regard : vide. Aucune réaction.

— Je veux que personne puisse entrer dans ma tête, j'ai peur du désordre qu'il s'y trouve. Je ne veux pas que tu vois à quel point je suis malade, à quel point je suis folle ; et je ne veux surtout pas que ton regard change. Je ne pensais pas avoir autant souffert, au fond c'est cette colère en moi que j'ai depuis petite qui me pourrie l'existence. C'est à cause d'elle que j'en suis là aujourd'hui. C'est contre elle que je me bats et contre moi aussi. Mais elle me pourrie l'existence. Comment faire pour m'en sortir ?

Une nouvelle pause, je tentais de rassembler toutes mes pensées. En face de moi, il ne bougeait pas. J'étais même pas certaine qu'il m'écoutait à vrai dire. Mais maintenant que j'étais lancée, je me devais de terminer ce que j'avais commencé.

— Comment ? Répétais-je d'une voix plus forte.

J'attirais sans le vouloir quelques regards des personnes autour de nous.

— Je ne fais que me répéter. Je suis inintéressante. Comment tu veux que je puisse faire une croix sur mon passé, alors que je le porte tous les jours comme un fardeau ? Pourquoi je ne parviens pas à passer au dessus de tout ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi on dirait que je passe tout le temps pour la fille qui se plaint ? Pourquoi est-ce que j'ai autant mal ?

〉𝑭𝒆́𝒍𝒊𝒏𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒍'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆 [𝑻𝒆𝒓𝒎𝒊𝒏𝒆́]〈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant