L'idea - L'idée

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Mon père a su que Cristiano a déclenché une bagarre hier. Il était très en colère et m'a fait comprendre qu'il n'était plus très sûr de le faire s'engager. Je l'ai rassuré en lui jurant que c'était pour me défendre.
Résultat, je dois m'occuper moins vite que prévu de l'assermentation de notre invité. Je ne sais plus où donner de la tête : l'éducation et le serment de Cristiano, retrouver Béné, l'anéantir, et surtout les agissements de Cristiano à mon égard me préoccupent.

Je descends de ma chambre habillée d'un pantalon à pinces et d'un t-shirt blanc, les mains dans les poches. Je ne sais pas ce que je cherches ni ce que je comptes faire mais j'ai besoin d'être au calme, un peu seule.
J'arrive devant la piscine et continue mon chemin dans le terrain du domaine jusqu'à arriver au niveau du jardin couvert. C'est un espace très ombragé par les plantes qui se sont enroulées autour d'une pergola en bois, pourvu d'une balancelle et d'une table en fer forgé blanchi. C'est proche de notre morceau de côte, je sens la mer et le vent me caresser doucement le visage. Pas un bruit, pas une présence.
Je m'assois sur la balancelle et triture un des coussins posés sur celle-ci en réfléchissant. Je reste là un bon moment, peut-être une heure et demie avant de mettre le coussin blanc brodé de dentelle sur ma tête. Oui, la solitude et les tracasseries me font mettre des coussins sur ma tête. Mais soudain me vient une idée, l'idée.
Je réfléchis un moment de plus pour affiner dans mon esprit le flot de pensées incontrôlables qui me viennent puis, je me relève et remonte presque en courant dans la maison. Je grimpe les escaliers à la vitesse de l'éclair et toque directement au bureau de mon père.

J'attends qu'il m'autorise à entrer et pousse la porte de façon magistrale comme je le fais souvent. Vincenzo, le père de Cristiano est là, assis dans le siège de cuir face à mon père qui fume la fin d'un cigare bien installé dans son fauteuil. Leurs visages sont tournés vers le mien. Je reste bête un instant puis je me reprends. Je salue Vincenzo qui embrasse le dos de ma main, comme le veut la tradition chez nous.

Vincenzo: Bonjour Reina.
Moi: Bonjour Vincenzo, soyez le bienvenu chez nous. Je suis désolée de vous couper dans une conversation mais j'ai eu une idée, celle que nous cherchons depuis si longtemps sans aucun doute.
Papa: Et bien, assieds toi ma fille et dis nous.

Je m'assois dans le siège à côté de Vincenzo et il se taisent pour me laisser la parole. Soudain, un éclair dans mon esprit me fait penser à une chose : Pourquoi Vincenzo a fait le chemin depuis Messine pour venir ici ? Ça paraît normal, il est l'un des proches collaborateurs de mon père et son fils habite chez nous mais je trouve qu'il a quelque chose qui cloche... Bref, je fais abstraction de ma pensée pour exprimer l'idée que j'ai eu.

Moi: J'ai réfléchi à un plan pour détruire les espagnols pendant longtemps mais je viens d'avoir l'idée : nous devrions nous allier avec eux.
Papa: As tu perdu l'esprit ?!
Moi: Laisses moi t'expliquer. Une fausse alliance.

Mon père allait s'emporter mais il se renfonce dans son siège en fronçant légèrement les sourcils. Je le vois réfléchir à mes mots. Il ne dit rien en me fixant tout de même, il veut que je continue.

Moi: Nous discutons avec eux, faisant semblant d'ignorer nos différents. Puis on leur propose une alliance sérieuse. Jorge, le père de Béné est gravement malade. On attend que Béné soit le chef, que son père meurt pour nous allier. Après avoir signé l'alliance qui garantit notre pacte, on tue Béné et les autres dirigeants subordonnés.

Il se frotte à présent le menton. Vincenzo alterne son regard entre mon père et moi pour déceler quelque chose. Personne ne dit rien jusqu'à ce que mon père demande :

Papa: Combien de temps reste-t-il à Jorge ?
Moi: Deux ou trois mois tout au plus. La vision du crépuscule de sa vie le rendra sûrement plus tendre avec nous.
Papa: C'est vrai.

Je vois le minuscule sourire se dessiner sur la bouche de mon père lorsque Vincenzo coupe le silence.

Vincenzo: Reina, que veux-tu dire par « alliance sérieuse » ?

Mon père porte tout son intérêt à la discussion quant à moi, je baisse un peu la tête. Je ne connais pas la réaction que mon père et Vincenzo vont émettre. Mais je sais que mon père comprendra sans doutes car c'est une décision qui engage notre avenir et notre sécurité.

Moi: Un mariage.
Vincenzo: Mais qui ?
Papa: Je suis certain que ma chère fille pense à un mariage entre Béné et elle... n'est-ce pas ?

Leurs regards sont tournés vers moi. Mon père n'est pas surpris, il a compris pourquoi j'ai pensé à ça et pourquoi je veux faire ça. Mais Vincenzo n'a pas l'air convaincu, il ne comprends pas. Je sens son air perplexe et abasourdi.

Moi: C'est cela.
Vincenzo: Mais pourquoi ? Pourquoi toi ?
Moi: Je suis la meilleure garantie de la famille, je suis l'héritière. De plus, l'amitié passée entre Béné et moi légitimerait cette union.
Papa: Tu sais que c'est très risqué. Et si tu restais mariée à lui, loin de nous ?
Moi: Je suis sûre de moi papa, c'est une décision mûrement réfléchie.

Comme je mens bien.

Moi: Je peux me sacrifier pour nous, c'est mon devoir. Je dois montrer l'exemple. Si je ne suis pas capable de me mettre en danger pour la famille, qui le ferait ?
Papa: En tant que chef de notre clan, j'approuve et je trouve que c'est une excellente idée. Mais en tant que père, tu comprends que je suis inquiet. Tu sais aussi que je te fais confiance au plus haut point ma fille.
Moi: Je sais, papa.
Papa: Néanmoins, je suis d'accord. Nous t'aiderons à mettre ton plan en place. Nous travaillerons dès ce soir, j'en parlerais au conseil. Vincenzo, dis à tout le monde qu'une réunion se fera ce soir au palais de cristal, suite 707. Tu peux y aller Reina.

Mon père a accepté mon plan car il est bon et fiable. Cependant, si il n'y avait pas eu toute cette urgence et ce besoin de se débarrasser des espagnols, il n'aurait jamais accepté que je me rapproche autant de l'ennemi. C'est bien une mesure de dernier recourt.
L'idée est trouvée, elle est accepté et peut se mettre en place. Mais le plus dur reste à faire. Il faut que nos informateurs trouvent un moyen pour que je me rapproche de Béné le plus rapidement possible. Je compte sur un genre de soirée privée auquel il participe de temps à autre au profit de causes charitables pour se montrer et faire briller son image.

Je sors du bureau de mon père, pensant aux moyens que je devrais développer pour cette mission. Je suis déjà écœurée de penser que je vais devoir me rapprocher physiquement de façon dangereuse de Béné. Mais il le faut, il est de mon devoir d me sacrifier dans l'intérêt de la famille.
C'est en voyant apparaître Cristiano au bout du couloir alors qu'il sort de sa chambre et se dirige vers la sortie dos à moi, que je me rends compte d'à quel point il est un poids certaine fois. Je croise les doigts et prie Dieu pour qu'il m'aide à le tenir tranquille pendant tout le temps de cette mission.

Média : vue sur la mer du petit jardin

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