San Pietro - Saint Pierre

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Nous sommes dans la chapelle du domaine. Les portes sont fermées à double tour et seuls les hauts vitraux éclairent la scène. Tout les consiglieri sont là, bien habillés, solennels et bien alignés au niveau des bancs face à la table où est posée l'image, la bougie et le chapelet. Cette cérémonie est très importante mais surtout extrêmement secrète et solennelle.
Face à eux, mon père, Vincenzo, Cristiano et moi. Mon père dirige la cérémonie et Vincenzo est fier d'accompagner son fils dans cette étape. Je suis à côté de Cristiano, je le sens nerveux mais déterminé.

Papa: Nous sommes réunis ici pour assister à l'entrée parmi nous de Cristiano, fils de Vincenzo et Francesca, né à Messine. Il jure solennellement de refuser le vol, le proxénétisme, l'adultère notoire, l'alcoolisme, l'ivresse, les prêts usuraires, les enlèvements sur notre terre, de respecter l'omertà et sa femme, d'obéir à la Cuppola et d'y être fidèle. Jures-tu ?
Cristiano: Je le jure.

Je m'avance pour prendre sa main gauche et couper finement la pulpe de son pouce. Il ne serre pas les dents, ça n'a pas l'air de lui faire mal. Trois gouttes tombent sur l'image de San Pietro puis il appuie sur la coupure pour que le sang s'arrête. Il prend ensuite l'image dans sa main gauche, la fait entrer entièrement dans son poing et je l'enflamme. Le contact du feu sur sa peau le fait tiquer mais il tient bon et récite son serment à voix bien haute, passant l'image se consumant d'une main à l'autre.
Une fois que l'image est totalement consommée et qu'il n'en reste que des cendres, il s'essuie les mains et les place ouvertes face au ciel. L'assemblée récite une prière avec lui puis tout les hommes lui serrent la main en signe de respect et d'acceptation.
De la où je suis, je vois Elvino Vigoda et Ottorino Cazale discuter dans leur coin comme d'habitude. Ils doivent sans doutes pester encore contre le serment de Cristiano, qui est une décision de mon père. Leur attitude me déplaît de plus en plus et elle commence à m'inquiéter. Je ne fais rien et fait un signe de tête à Cristiano pour le féliciter.

Ensuite, tout le monde remonte à la maison pour partager un festin. Rosa s'est surpassée avec les deux cuisinières pour préparer un déjeuner excellent. Je suis assise en face de Cristiano qui me fixe inlassablement. Soudain, son gâteau d'anniversaire arrive. Mon père a voulu lui faire plaisir en lui amenant son gâteau devant les consiglieri. Cela permet en effet de partager un premier moment tous ensemble, après l'entrée officielle d'un nouveau membre assermenté dans nos rangs. Pourtant, mon regard dévie à nouveau vers Vigoda et Cazale : leurs mots, leurs murmures, leurs gestes ne me disent rien qui vaille. Cristiano lui, a l'air très heureux même si je vois qu'à chaque mouvement de main, il tressaille. Mais peu importe, aujourd'hui est un jour très important.

*******

Tout le monde est parti depuis une heure. Il est tard, au moins vingt trois heures. La fête s'est un peu prolongée et nous avons beaucoup discuté.
Je suis dans ma chambre et retire ma jupe crayon pour enfiler un pyjama deux pièces, bien pus confortable. Je me démaquille et me décoiffe en passant ma main dans mes cheveux ondulés. Puis, je remonte lentement mes mains face à mes yeux et me souviens de la douleur que j'ai ressentie la première nuit, après mes brûlures j'avais 16 ans. Je décides donc de descendre prendre de la glace au réfrigérateur et de remonter à l'étage.
Je me trouve face à la porte de sa chambre et toque avant de le voir apparaître derrière le pan qu'il a ouvert lui-même. Je ne sais pas trop quoi faire alors je lui montre la glace et entre dans sa chambre.

Moi: Je me rappelle qu'elles m'ont fait mal la première nuit.
Cristiano: Pas que la nuit, ça fait des heures que je souffre.

Son sourire faussement boudeur cachant une espièglerie certaine apparaît sur son visage après qu'il ait fermé la porte. Je m'assois sur le bord de son lit et joue le jeu.

Moi: Oh, pauvre petit chou.
Cristiano: J'aime bien quand tu m'appelles comme ça...

Je me sens étrange, je ne sais pas quoi dire et me mords l'intérieur de la joue. Je tapote la place à côté de moi sur le lit. Il lève un sourcil puis s'assoit.

Cristiano: Qu'est-ce que tu fabriques avec ça ?
Moi: Tu m'as dit que tu avais mal alors...

Je dépose la poche de glace sur la paume de sa main droite tout d'abord. Il grogne et son nez se retrousse un instant.

Cristiano: Ah ! Mais c'est pire !
Moi: Dans trois jours ce sera passé si tu fais ce que je te dis. Il faut que tu prennes soin de tes brûlures pour ne pas qu'elles t'empêchent de bouger.
Cristiano: Ouais, ouais c'est ça... écoutes princesse, je suis un homme fort, je peux vivre avec la douleur.

Je me relève pendant qu'il blablate son discours mais là, je restes dubitative face à lui. Les bras croisés, les sourcils levés, je lui témoigne mon incrédulité. Non, c'est vrai on entend un parfait mensonge là !

Moi: C'est fou ce que tu peux être mytho.
Cristiano: Quoi moi mytho ?! Mais t'es folle princesse, je te dis la vérité là.

Ok, la vérité. On va voir ça. Je lui lance la poche de glace qu'il attrape des deux mains par reflex, aussitôt celle-ci en contact avec sa peau il la lâche en hurlant.

Cristiano: T'es vraiment sadique c'est incroyable, j'avoue, ça me fait vraiment super mal...

Je secoue la tête en souriant puis revient vers lui avec des bandes de gaze. Je m'assois et tends mes mains pour qu'il me donne les siennes. Il se méfie et fronce les sourcils rendant son regard encore plus intense. Je pouffe une seconde et dis :

Moi: C'est bon, j'arrête, je vais te mettre ses bandes. Elles feront respirer ta peau en la protégeant.

Il me donne alors ses mains et me les enrubanne des petites bandes blanches, concentrée sur ma broderie tandis que je sens son regard fixer mon visage baissé. Une fois tout ça terminé, je me redresses et rencontre ses yeux. Je sens qu'il a quelque chose à dire.

Cristiano: Pourquoi tu as prêté serment si tard ? Je veux dire, tu étais active dans le clan depuis des années déjà avant tes dix-sept ans.
Moi: Simplement, parce que notre majorité est à dix sept ans.
Cristiano: Ah bon ? C'est pour ça enfin, juste pour ça ?
Moi: Oui. Pourquoi ?
Cristiano: Je voulais savoir.
Moi: Tu es trop curieux.

Je ris légèrement simplement pour détendre l'atmosphère qui est habitée par la tension physique qui est de plus en plus présente lorsque je suis seule avec Cristiano et qui m'asphyxie presque.

Cristiano: Et alors ?
Moi: Je n'aime pas ça.
Cristiano: Moi j'aimerais mieux te connaître, plus profondément.

Son regard intense me transperce et son corps tourné vers le mien m'attire sans cesse. Je ne sais pas quoi faire mais je laisses un peu passer les choses que je veux lui dire.

Moi: Et moi, j'ai parfois envie de te toucher, de te regarder si intensément que je pourrais plonger dans tes yeux, de te faire taire parce que tu parles trop.
Cristiano: Pourquoi tu ne le fais pas princesse ?
Moi: Et toi, pourquoi tu ne fais que parler ? Sans rien faire ? Tu vois, on peut se renvoyer toutes ces questions si facilement.
Cristiano: Tu voudrais que je passes à l'action ?

Son comportement dragueur habituel et les mimiques qui vont avec, habitent ses mots et son regard pourtant il n'est pas obscène comme certaines autres fois. Ça me plaît.

Moi: Je ne préfères pas.

Je vois qu'il ne comprend plus grand chose. Je lâche alors ses mains que je tenais entre les miennes et me lève de son lit pour quitter la pièce. Je me retourne, trouvant étrange qu'il ne me retienne pas ou alors je l'espère, je ne sais pas mais je finis par sortir.
Tout ces aller-retour de l'un à l'autre ne mènent à rien pourtant, je n'arrive pas à m'empêcher d'aller vers lui autant que je veux m'en détacher. Je m'inquiète pour ma santé mentale, moi qui ne ressens pas d'amour véritable pour qui que ce soit et qui n'est pas habituée à de tels sentiments.

Média : image de San Pietro

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