Je suis assis sur ma chaise en tenant du bout des doigts mon verre, le compte déposé en liquide à côté dans une sorte de petite assiette. Et comme l'a dit Pietro, je guette au loin un visage, une main, un indice qui me permettrait de trouver Reina ou cette fameuse Maria. J'observais sans tellement d'espoir à présent quand je vis apparaître sous un châle ajouré posé délicatement sur les cheveux noirs ondulés d'une femme, deux yeux perçants balayer l'espace, soudainement cachés par des lunettes de soleil. Puis un magnifique sourire, qui sourit à une femme plus petite et plus âgée. Elles s'approchent d'une ancienne mais rutilante voiture noire. La vieille femme s'installe à l'intérieur et la femme au châle allait limiter quand un homme de dos l'interpelle. Elle se retourne pour lui prêter attention, ils échangent quelques mots. La jeune femme ne bouge pas et son visage perd son magnifique sourire, l'homme la quitte pour repartir d'où il venait. Elle reste figée un instant. Puis elle monte à son tour dans la voiture qui part tranquillement par une rue.
Quelque chose me prend et je décide de partir à sa poursuite, à pieds. Je marche l'air de rien dans sa direction, j'ai la chance qu'elle roule assez lentement. Il est midi et il fait chaud, heureusement que les rues sont étroites et garantissent ainsi un peu plus de fraîcheur. Je ne vois rien dans la voiture qui pourrait me garantir que c'est Reina. Je n'ai pas pu bien la voir avec tout ce brouhaha, je l'observais de loin comme dans un vieux film. Pourtant, quelque chose me dit que cette vieille femme est la Maria que je cherche. Et que par conséquent, elle pourrait répondre à mes questions. Je suis la voiture jusqu'à ce qu'elle s'arrête dans une ruelle assez haute sur la ville. D'ici, on voit le bas de la ville parfaitement. Mais en regardant le paysage, j'oublie d'observer les deux femmes et le chauffeur descendre de la voiture. Ils parlent entre eux dans un sicilien plus que rapide et très accentué. Un italien du nord n'en comprendrait pas un mot.
En effet, ils quittent la voiture et la jeune femme aide l'autre à marcher quelques mètres pour pousser une petite porte dans un haut mur en pierres épaisses. Ils disparaissent derrière ce pan de bois noir mais leurs voix restent encore audibles un instant. Ils discutent du repas et d'une réception. Une fois les voix éloignées, je m'avance dans la rue pour voir à quoi ressemble cette porte. Une vieille porte en bois noir très épais, bien entretenue, percée dans un mur épais et très haut. On ne voit rien de ce qu'il y'a de l'autre côté de plus, des plantes ont envahi le haut du mur, cachant un peu plus de hauteur. Je soupire un instant et décide de faire demi tour. Je ne trouverai rien ici. Peut-être que mon intuition était mauvaise.Je retourne sur la place qui se vide peu à peu de son monde. Les gens repartent chez eux pour déjeuner en famille et même si chez nous, on mange vers les deux heures de l'après-midi pas avant, les familles aiment se retrouver pour l'anti pasti aux alentours de midi. Mais le temps passe vite, il est déjà midi et demi. Je décide alors de m'installer dans un bar pour prendre un verre. Des gens y sont déjà et discutent entre eux. Assis en terrasse, je vois les minutes défiler sur ma montre puis viens l'heure de manger. Je commande et mon plat arrive. Je mange lentement en repensant à tout ce que m'a dit Angelo : la passation de pouvoir, les inquiétudes de Reina sur les clans du Nord, son désir de s'éloigner de moi... Puis je l'imagine ici, traînant seule dans les rues ensoleillées de ce magnifique endroit. L'idée qu'elle soit tout prêt de moi me fait trépigner d'impatience de la retrouver, de la revoir. La savoir loin de moi à tué mon moral durant des jours entiers, alors je me sens soulagé de l'avoir presque retrouvée. Je pense aussi à la fameuse Maria Cortesi. Sûr qu'elle fait partie de la famille, mais qui elle est et quel rôle joue-t-elle, je l'ignore. Pourtant, je sens qu'elle est importante.
J'avale donc mon repas avant de commander un dessert puis un café, lentement savourés. Il faut dire que la route et l'angoisse m'ont largement ouvert l'appétit. Un dernier verre de digestif, le règlement du compte puis je décide de partir à la recherche du cimetière. Les panneaux me guident quelques fois et je prends le temps d'observer cet endroit en détails. L'observation est une des clés et il faut avouer que cet endroit est un délice de mystère et de beauté.
J'arrive enfin au cimetière. Il n'y a personne à ce moment de la journée, en effet le soleil tape sur le sol et la peau de son point culminant, tout en haut du ciel. Je marche dans l'allée principale tout en observant les noms qu'il y'a sur les tombes. Des tas de pierres tombales avec des noms presque effacés parfois mais pas de Cortesi. Puis j'arrive au fond du cimetière et un grand mausolée se dresse. Une sorte de chapelle miniature en marbre blanc, fermée par un portillon bas en fer peint de noir. Une grosse croix dorée et décorée orne le parvis. Il y'a le même motif sur le sol clair du mausolée. En face de l'entrée, une petite niche où se trouve une statuette de la vierge Marie, toute décorée de rouge et d'or. Des tas de fleurs sont disposées ici et là. Et les tombeaux sont couverts de plaques gravées des noms des défunts. J'avais presque terminé d'observer ce monument de richesse mortuaire pour continuer mon chemin quand mon cerveau se concentre sur le nom écrit sur une des plaques. Federico Cortesi. Je fronce les sourcils et regarde les autres noms. Anna Cortesi, Diana Paviolo Cortesi, Domenico Cortesi. Je me recule alors pour trouver quelque chose qui conforterait mon hypothèse. C'est alors que je perçois en dessous de la croix qui orne le toit du parvis, les mots Famigglia Cortesi. Je pensais juste : ce mausolée est celui des Cortesi. Alors, je me concentre à nouveau sur les noms inscrits sur les plaques. Huit personnes au total reposent ici mais pas de Maria. Cette femme est donc sans doutes vieille mais encore vivante. J'ai trouvé ce que je cherchais, mais je ne suis pas plus avancé. Je décide alors de retourner en ville pour aller chercher la bouteille d'eau laissée dans un recoin de mon coffre et pour réfléchir à la suite.*******
Assis sur un banc à écouter l'accordéon d'un homme revenu de son repas chez lui, je réfléchis. Est-ce que venir ici n'étais pas finalement qu'une immense connerie ? Qu'est-ce que j'espérais trouver ? Je n'ai aucune information, seulement ces papiers que j'ai réussi à choper sur un des ordis de Reina au domaine. Ce sont des papiers sur Reina, ses dernières recherches, une ou deux photos... des tas de trucs que j'ai emmenés avec moi dans un espoir qui m'échappe totalement maintenant. Que faire ?
Je me perds dans mes pensées jusqu'à rester dans le vague. Soudain, la conversation de vieux hommes assis en grappe sur le banc voisin parvint à mes oreilles.Homme 1: Apparement, l'héritier est revenu.
Homme 2: Comment tu peux dire ça ? Qu'est-ce que tu en sais ?
Homme 1: Si tu étais sorti ce matin, tu l'aurais vu à la sortie de la messe. Il était avec sa famigglia.
Homme 3: Il y avait le grand-père ?
Homme 4: Je ne crois pas mais je l'ai vu sortir de chez lui quand je vous ai rejoins.
Homme 2: Il est sans doutes allé prendre son verre habituel.
Homme 1: En tout cas, si l'héritier est là ce n'est pas par hasard.
Homme 3: Je suis d'accord. Mais mon beau-fils m'a dit ce matin qu'un gars qui n'est pas de chez nous était arrivé en ville et qu'il cherchait quelqu'un, une femme âgée.
Homme 4: Tout ceci n'est pas une coïncidence mais si quelqu'un vient chercher ici, ce n'est pas normal.
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Trono
Roman pour AdolescentsRégner sur le monde, voilà ce que désire la moitié de la planète. Seulement quelques êtres sont capables d'accéder au trône. J'en fais parti, je suis née et j'ai été élevée pour ça. Je compte bien atteindre mon objectif malgré que ce soit dangereux...