Chapitre 15. Roxanne

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13 Décembre 2014

Le jour tant attendu est enfin arrivé, si quelqu'un a un remède miracle pour calmer la future mariée... qu'il m'envoie la recette au plus vite. Carla est au bord de la crise de nerfs, rien ne se passe comme prévu, c'est la panique générale. Il pleut à torrent tandis que son père a loué un cabriolet pour l'emmener jusqu'à l'église, et puis il y'a un problème beaucoup plus grave que le temps... sa robe.

— C'est la catastrophe Roxanne ! Je ne peux pas me marier dans cet accoutrement.

— Ça va aller, respire un bon coup et réfléchissons, tenté-je pour la rassurer. Sauf qu'elle a raison, elle a un sérieux problème avec sa jolie robe qui est malheureusement beaucoup trop large pour elle.

— Tu veux que ça aille comment !? Regarde-moi ça ! S'époumone-t-elle en retenant le haut de son bustier. Dès que je gigote un peu trop, mes seins se font la malle.

— Pourtant elle t'allait à la perfection lors des derniers essayages, comment cela est-il possible ? La questionne Mary.

— Je n'ai plus d'appétit depuis quelques semaines, trop stressée et j'ai sûrement dû perdre quelques kilos sans que je ne le remarque.

— J'ai la solution, elle a des bretelles ajustables ta robe n'est-ce-pas !? Mets-les, ça limitera la casse.

— Figures-toi Rox que c'est ce que j'aurai fait si ma mère ne les avait pas oubliées chez elle.

C'est vraiment la panade, ses parents habitent à trois heures d'ici et le mariage débute dans moins de deux heures, autant dire franchement et sans retenue que c'est la merde... vraiment la grosse merde.
La pauvre me fait de la peine, elle qui voulait ce jour parfait, voilà que tout tourne à la catastrophe.
— Donne-moi ton téléphone, j'appelle Mick, on doit annuler le mariage. Tout est fichu ! Pleure Carla à grandes larmes.

— Ah non !!! Tu vas te marier. On va trouver une solution. Ça fait des années que tu attends ce grand jour, s'il le faut, on va bidouiller ta robe avec des épingles à nourrice. Il doit bien y avoir une vieille qui a un nécessaire de couture dans son sac. Les vieilles ont toujours des aiguilles et du fil, pas vrai Roxy !? M'interpelle ma sœur.

— C'est probable. Mais attends une minute. Que suis-je bête, pourquoi n'ai-je pas pensé à Heather beaucoup plus tôt.

— C'est qui cette fille ?

— Ma styliste aux doigts de fées bien sûr. Celle que mère méprise. Je suis certaine qu'elle pourra arranger tout ça en un temps record. Reste à savoir si elle est disponible. Je vais l'appeler, dis-je en fouillant dans ma pochette afin de récupérer mon téléphone.

Je compose le numéro de mon amie et attends qu'elle réponde mais en vain, ça sonne dans le vide, alors je lui laisse un message en espérant qu'elle le consultera rapidement avant que la situation ne tourne au vinaigre.

— Heather, c'est Rox. Rappelle-moi dès que tu as ce message, c'est super urgent, merci.

— Essaye encore, je t'en supplie. Je suis prête à payer toute ma vie pour qu'elle arrange tout ça au plus vite.

— En attendant, elle est où ta coiffeuse ? Parce que là ma belle, tu ressembles à un épouvantail.

— Partie aux toilettes, je crois.

—Je tente de la rappeler, taisez-vous une minute !  En tout cas j'espère qu'elle pourra venir sinon je crains le pire. On va avoir droit à un striptease devant l'autel, me moqué-je pour essayer de détendre l'atmosphère.

— Arrête tes conneries Roxy. Le curé risque de faire un infarctus ou pire de se mettre à bander, et on pourrait de se tromper de cierge ! S'esclaffe Mary.

Carla et moi la rejoignons dans son délire et rigolons comme des idiotes. Cela apaise les tensions et nous fait un bien fou.

— Va téléphoner au lieu de pouffer comme une pétasse ! Me gronde ma sœur.

— Oui petit chef ! J'y cours, j'y vole même ! Souris-je en réalisant quelques petits pas de danse tout en mimant un vol d'oiseaux avec mes bras.

Quel drôle de volatile !
Il doit avoir les ailes cassées, me dis-je en boitillant. J'ai autant de grâce qu'une poule, mais ma chorégraphie a au moins le don d'amuser Mary et Carla, c'est déjà ça.

Je saisis mon téléphone et m'aperçois qu'une petite enveloppe est affichée. J'ouvre le message et découvre qu'il vient de Léo. J'espère qu'il ne se désiste pas sinon ce serait l'apocalypse. Fort heureusement, il me demande où doit-il me prendre pour me conduire à la cérémonie. Je lui ai pourtant donné l'adresse de Mary hier soir quand il m'a téléphoné pour savoir si je voulais encore qu'il m'accompagne après ce qu'il s'était passé au club un mois plutôt. Depuis l'eau à couler sous les ponts, je suis passée à autre chose et ne lui en veux absolument pas, au contraire il a eu raison de me rejeter.
Léo doit me récupérer à l'arrière de la maison pour laisser Carla sortir par la porte de devant et ainsi récolter tous les éloges qu'elle mérite en tant que future mariée. Je tape donc un message rapide puisque les filles me pressent et ne fais pas attention à ce que j'ai véritablement écrit. Sa réponse ne tarde pas à arriver.

De Léo : Vous êtes sûre de vous Roxanne ?

Oui, je le suis. Qu'est-ce qu'il n'a pas compris dans mon texto ? Je tapote que je suis catégorique et ça sera derrière et pas autrement. Je lance l'appel en admirant ma manucure en me disant que mon esthéticienne est réellement douée pour son jeune âge.

— Heather Mils, j'écoute.

— C'est Roxanne, j'ai besoin de toi. L'heure est grave !

— Que puis-je faire pour toi ma belle ?

— Écoute-moi attentivement, ma future belle-sœur se marie dans moins de deux heures, et elle a un souci de dernière minute avec son bustier, il est trop grand, il lui faut une retouche express.

— Quoi !! Deux heures, mais c'est impossible Roxanne.

— Je sais que tu peux le faire, tu es la meilleure Heather. Ne me force pas à te supplier, j'ai mal aux genoux. Dis-je en ricanant bêtement.

Un long silence s'installe, je crois même qu'elle a coupé la communication mais non, je l'entends soupirer.

— Tu es toujours là ?

— Oui. Donne-moi l'adresse, j'arrive aussi vite que possible.

— Ooooh merci tu es un amour, je te revaudrais ça.

Je sautille de joie dans les bras de Carla qui ne comprend pas mon élan d'excitation.

— Tu es sauvée, elle arrive !

Carla relâche enfin la pression et se met à chialer comme jamais.

— Ah non, tu ne pleures plus... tout s'arrange, alors sèche moi ces larmes de crocodile.

— Bien madame !

— Mademoiselle s'il te plaît, je ne suis pas mariée.

— Ça ne saurait tarder, ajoute-t-elle.

— Il faudrait déjà que je trouve un amoureux, tu ne crois pas !?

— Et le beau gosse qui t'accompagnait au gala et qui sera encore à tes côtés aujourd'hui, ce n'est pas ton style de mec ? À ta place, je lui aurai fait des avances, voire plus, il est sacrément sexy.

— Euh Carla, je te signale que tu vas épouser mon frère.

— Bah quoi ! Regarder n'est pas trompé, pas vrai Mary !? Ne me dis pas que tu ne reluques pas d'autres hommes que Paul, tu serais une piètre menteuse.

Ma sœur se racle la gorge pour cacher son embarras, elle n'ose la contredire et se contente d'hausser les épaules en guise de réponse.

— Donc Roxanne, il ne se passe rien entre vous deux ? Me questionne Carla qui subitement à retrouver sa joie de vivre.

— Non, Léo n'est qu'un ami.

— Plus pour longtemps, mon petit doigt me l'a dit.
— Ton doigt !? Fourre-le-toi où je pense.

— Il y a ton frère pour ça.

— Beurk, tu es dégueulasse. Tais-toi où je décommande Heather.

— Petite nature, arrête de faire ta vierge effarouchée, c'est Mary qui l'est habituellement.

— Hé ! S'insurge-la concernée. Je suis loin de l'être figure-toi. J'ai même suivi les précieux conseils de Barbara pour faire succomber mon mari et je pense que j'ai réussi mon coup.

— Balance-moi tout.

— Pas le temps, mais un jour je te promets de tout te raconter.

— Roxy, tu sais quelque chose toi, avoue-le !? Me harcèle Carla.

Je souris et secoue la tête, rien ne filtrera, je serai muette comme une tombe.

— Du tout. Je ne suis au courant de rien.

— Menteuse, je sais que tu sais et tu sais que je sais. Attends que je trouve Barbara, je vais lui tirer les vers du nez et elle me dévoilera tout. Vous n'êtes pas sympa avec moi, pour la peine je ne vous raconterai pas ma lune de miel.

— Mary, je crois qu'on a frappé à la porte ? C'est probablement Heather.

Ma sœur revient en compagnie de ma couturière et ni une ni deux, elle somme à Carla d'enfiler sa robe.

— La fée Heather est là pour raccommoder tout ça. Comment se fait-il que tu flottes autant que cela dedans, tu n'as pas fait les retouches avant ? Demande-t-elle en inspectant l'étendue des dégâts, et vu sa tête je sens que c'est mal parti.

— Ca ne s'annonce pas très bien ma belle.

— J'en étais sûre. Mais comment je vais faire ?

—  Tu vas devoir tenir ton bustier toute la soirée si tu ne veux pas que tes invités voient ta belle paire de miches, se moque Heather.

— C'est la catastrophe !

— Plus sérieusement, relaxe ma jolie. Je plaisantais. Je vais faire quelques points par ici et ta robe tiendra parfaitement, tu me fais confiance j'espère !?

— Ai-je d'autres choix ?

Heather sympathise avec Carla très rapidement et celle-ci l'oblige à rester pour la cérémonie en guise de remerciement.

— J'accepte si tu me racontes comment ton fiancé a fait sa demande. Je suis une grande romantique tu sais.

Carla, Mary et moi partons dans un fou rire monumental. Elle ne va pas être déçue quand elle connaîtra les détails, c'est du lourd, du très lourd !

— Tu veux la version officielle ou officieuse ?

— Les deux, si tu as le temps.

— Bois une coupe avant ou mieux siffle-toi la bouteille, lui conseillé-je. Tu vas en avoir besoin.

— Alors officiellement, mon futur mari a fait sa demande un genou à terre dans l'école où j'enseigne. Mais officieusement, ce n'est pas du tout comme cela que ça s'est passé. Mick et moi faisions l'amour à l'arrière d'une voiture, j'étais sur le point de jouir quand il m'a dit : « Et si on se mariait ». Sur le coup, j'ai pensé « il raconte des bêtises, il est en plein coït ». Comme je ne disais rien, il a redemandé, j'ai répondu en lui hurlant dessus « Ouais, ouais. On verra ça après, pour l'instant baise-moi ou je t'émascule et tu pourras dire Adieu à ta descendance »

Mon téléphone émet un bip, un nouveau message de Léo apparaît et je deviens rouge quand je lis ce qu'il a écrit.

De Léo : « C'est une proposition alléchante, mais vous risquez de boiter à l'église si je vous prends le derrière »
Non, il a osé dire ça, quel connard !
Je relis le message que je lui ai envoyé plus tôt et tombe de haut en découvrant ma sottise.
De Roxanne : « Prenez-moi le derrière »

Oh mon Dieu, quelle boulette !

J'ai vraiment merdé, il doit me prendre pour une délurée. Je tape un message et lui fais comprendre que je ne veux pas qu'il me prenne le derrière mais par derrière puis envoie avant de percuter que mes propos sont toujours explicites. S'il n'est pas trop con, il comprendra à moins qu'il ne réfléchisse qu'avec sa queue.

— Et voilà le travail ! Crie Heather. Tu es parfaite ma belle, reste plus qu'à retrouver ton homme.

— Tu es magnifique !

— Époustouflante ! Renchérit ma sœur. Mick va devenir fou en te découvrant.

— Tu crois !?

— Évidemment, je parie que dès que l'occasion se présentera, il t'emmènera dans un coin pour te culbuter.

— Depuis quand deviens-tu grossière ?

— Depuis qu'une certaine amie commune m'a donné des tuyaux pour chauffer mon homme.

Nouveau message de Léo, l'enfoiré c'est bien joué de moi, il avait compris depuis le début le sens de mon message et pourtant il m'a torturé l'esprit avec ces salacités.

De Léo : « Ne paniquez-pas Roxanne, j'ai bien saisi votre message. Je passe vous PRENDRE DERRIÈRE la maison. Cependant la proposition est très alléchante »

                                                            ***

L'heure du départ a sonné, Carla est enfin prête grâce à Heather qui a réussi à limiter la casse. Le père de la future mariée attend devant la maison, ma future belle-sœur s'empare de son bouquet de roses et contre toute attente le coince dans la porte. Miss catastrophe le retour, on va avoir droit à une nouvelle crise de nerfs, mais non, elle se contente d'arranger ses fleurs et part tout sourire aux bras de son père. Je la regarde monter dans la voiture, sa robe choucroute est tellement énorme qu'elle a dû mal à passer dans l'habitacle. Si je me marie un jour, il est hors de question que je m'encombre avec une robe aussi volumineuse. Ça doit être lourd, inconfortable et super chiant à enlever lors de la nuit de noce. J'opterai pour une robe de style empire, simple, fluide et raffiné.
Léo m'informe qu'il attend à l'arrière de la maison depuis dix minutes. Il peut rester sous la flotte celui-là, ça lui fera les pieds avec ses texto salaces, même si involontairement c'est moi qui ai mis le feu aux poudres.
Tant pis, même si je suis l'instigatrice du premier message explicite, un peu d'eau lui refroidira le cerveau.
Je quitte à mon tour la maison, Léo est adossé sur la portière de sa voiture un parapluie à la main.
Bordel de merde !
Il est canon dans son costume noir qui épouse son corps à la perfection. Tel un gentleman, il vient me chercher, me couvre avec le parapluie puis me conduit jusqu'à son coupé sport. Je m'installe à l'intérieur puis attends sagement mon cavalier qui se précipite à son tour dans le véhicule afin de se mettre au sec.
— Vous connaissez l'adresse de l'église ?

— Bonjour Roxanne, je vais très bien si ça vous intéresse. Et oui, je connais le chemin alors attachez-vous, on y va !

Oh ! Monsieur est à cheval sur les règles de politesse, je tâcherais de m'en souvenir à l'avenir.

— Bonjour Léo, désolée d'avoir été impolie et d'avoir offensé votre petite personne. Si vous pouviez accélérer ça serait sympa, je suis le témoin du marié.
— Madame est en retard et elle donne des ordres, non mais je rêve.

— C'est mademoiselle !

— Je peux vous appelez madame, vous n'êtes plus une jeune fille, il me semble. Vous devez avoir trente, trente-cinq ans, pas vrai ?!

— Hé ! M'offusqué-je en lui donnant une petite tape derrière la tête, je suis encore une jeune fille, je n'ai pas encore trois décennies.

— Ah oui ? Je vous pensais presque ménopausée.

Le connard !
Déjà insupportable et je vais l'avoir sur le dos toute la journée. Si j'avais su, je ne l'aurais pas invité, sauf que l'idée n'était pas de moi, mais de mon imbécile de frère.

Je le tuerais un jour celui-là ! Pensé-je en serrant les dents.

— Contrairement à vous Léo, je ne suis pas une vieille branche.

— Vous connaissez mon âge Roxanne, vous devriez savoir que je suis encore jeune et surtout très bien conservé. D'ailleurs, je suis prêt à vous le montrer à l'arrière de la voiture.

— Ça ne va pas dans votre tête, vous n'êtes un porc !

— C'est vous qui avez commencé les hostilités. Souhaitez-vous toujours être prise par-derrière ?

— Concentrez-vous sur la route et juste pour info Léo, personne ne touchera à mon derrière et surtout pas vous !

— Il faut vous décoincer ma jolie, vous loupez quelque chose.

— Pfff, taisez-vous ! Je ne suis pas prude, j'ai de la pratique. Peut-être pas dans ce domaine où je suis novice, mais je ne suis pas vierge. J'ai eu quelques amants, moins que vous en tout cas, ça c'est certain.

Plus un mot ne sera prononcé après cela, heureusement que le trajet est court car ce silence glacial me donne froid dans le dos.

                                                                ***

Nous arrivons enfin à destination. Après nous être garés quelques mètres plus loin, nous avançons et entrons dans l'église. Léo prend place sur une chaise tandis que je rejoins mon frère. Mes parents sont au premier rang, mon père est très élégant dans son costume gris et ma mère fait un peu tâche à ses côtés. Elle porte un tailleur beige, un chapeau extra large ainsi que des bijoux aussi voyant que le nez au milieu de la figure. Elle me fait penser à Barracuda, le grand black de la série « L'agence tous risques ». Elle est toujours dans l'excès, elle ne changera donc jamais.

— Pas trop stressé ? Demandé-je à Mick qui ne cesse de faire craquer ses doigts.

— Non, je suis impatient. Comment va Carla ?

— Elle va mieux. Quelques petits soucis de dernière minute, je te rassure tout est rentré dans l'ordre.

— Quel genre de problème ?

Fais chier Roxanne ! Tu pouvais pas te taire, il faut toujours que tu ouvres ta bouche quand il ne faut pas.

— Rien ! Elle a seulement eu ses règles avant de venir, donc pas de nuit de noces. Mentis-je fièrement, ça lui apprendra de me faire des coups en douce. Maintenant tu respires un grand coup, car tout va bien se passer.

Et j'ai eu raison puisque la cérémonie s'est déroulée s'en encombre. Je retrouve Léo en pleine discussion avec ma mère et celle-ci rit avec lui.
Attendez !  Il l'a ensorcelée, monsieur beau gosse papote avec elle et madame minaude. Pathétique !
Je m'approche doucement pour essayer d'écouter ce qu'ils se disent sauf que Léo me repère et me fait un clin d'œil suivi d'un grand sourire. Il joue à quoi celui-là. Je vais lui faire bouffer son sourire à cet abruti.

— Roxanne, tu es très élégante ma chérie, me complimente ma mère lorsque j'arrive à côté d'elle.

Cette fois j'en suis absolument certaine, Léo l'a maraboutée. Ma mère qui me trouve belle, c'est un miracle. Je suis convaincue que demain il flottera comme vache qui pisse.

— Merci mère, vous êtes ravissante. J'aime beaucoup votre... chapeau, dis-je hypocritement. Alors vous parliez de quoi tous les deux ?

— Rien de particulier Roxanne. Ce jeune homme a beaucoup d'humour.
Il lui a filé de la drogue, c'est obligé !

— Nous devrions y aller, le cortège attend.

— Allez-y les enfants, je ne voudrais pas vous retardez, lance le dragon.

Léo et moi nous éloignons d'elle, et là je l'attrape par la manche pour le stopper net.

— De quoi parliez-vous avec elle pour la rendre si joyeuse ?

— C'est un secret, je sais charmer les vieilles dames, me murmure-t-il à l'oreille.

— Gardez-vos mains dans vos poches, pas touche à ma mère ou je vous castre sur le champ.

— Oh ! Vous êtes cruelle avec moi Roxanne. Comment ferai-je pour travailler sans mon engin !?
— Ce n'est pas mon problème, de toute façon, votre retraite approche. Vous devez vous bourrer de médocs pour assurer avec autant de clientes, sauf que ces petites pilules sont mauvaises pour le cœur. Vous savez que vous risquez l'arrêt cardiaque en plein coït.

— C'est une belle mort je trouve, pas vous ?

— Pas pour celle qui sera coincée sous votre corps.

— Vous croyez ? Expliquez-moi vos arguments.

Comment en est-on arrivés là ? Cette conversation frise le ridicule. Je ne suis pas du genre à parler sexe avec des inconnus, sauf qu'avec Léo ma langue se délie sans savoir pourquoi.

M'aurait-il jeté un sort ?
                                                               ***

Le lieu de réception choisi par les jeunes mariés est tout simplement magnifique, voire féerique. Il s'agit d'une vieille bâtisse du 20ème siècle au charme d'antan, arborant un magnifique jardin de plusieurs hectares où l'on y trouve un tas de sculptures, toutes plus belles les unes que les autres. Avant d'entrer à l'intérieur, j'aperçois au loin le petit lac dont m'a parlé Carla où il est possible de faire une balade en barque. J'aurais volontiers fait un petit tour avec mon cavalier, histoire de faire plus ample connaissance, malheureusement la pluie s'est invitée aux festivités. À l'intérieur de la bâtisse, je reste bouche bée devant tant de beauté. Le mobilier est d'époque, la décoration baroque me subjugue, je suis sous le charme. Mes yeux se posent partout, je m'attarde sur chaque élément, les plafonds en stuc, les colonnes, les frises, les tableaux, les dorures... tout est fait pour impressionner et donner une image fastueuse.

— Waouh, c'est sublime ! Je n'ai jamais rien vu de si somptueux Léo.

— Je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai visité beaucoup de lieux très beaux, mais celui-ci est de loin le plus spectaculaire.

— Les jeunes mariés ont visé juste, ils ne pouvaient pas trouver plus bel endroit que celui-ci lui pour célébrer leurs noces. Allons les féliciter lui proposé-je, tout en lui tenant la main.

Ce geste qui semble si anodin attire pas mal de paires d'yeux sur nous et à vrai dire, je m'en moque. Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, alimenter les rumeurs, personne ou presque ne connaît le secret que Léo et moi partageons.
J'aperçois au loin Barbara qui use déjà de ses charmes auprès d'un jeune serveur. Elle ne perd pas le nord. À peine cinq minutes que nous sommes là et ma copine est déjà en chasse.

— Ce n'est pas votre amie là-bas.

— Vous avez très bonne mémoire, vous voulez qu'on aille la saluer ?

— Plus tard ! J'aimerai bien boire une coupe de champagne pour me détendre.

— Vous plaisantez !? Il me semble qu'habituellement vous vous acclimatez plutôt bien dans ce genre de soirées.

— C'est différent cette fois, j'accompagne la sœur du marié. De plus, je fais dans la charité, je ne suis même pas payé pour vous chaperonner. Quelle arnaque !

J'espère qu'il rigole là, s'il croit que je vais lui donner le moindre dollar pour sa présence, il se fourre le doigt dans l'œil.
Qu'il se débrouille avec Mick pour les frais, ce n'est pas moi qui l'ai invité... mais lui !

— Voyez cela avec mon frère, c'est lui qui réglera la note. Cependant je doute qu'il apprécie de devoir payer un Escort alors qu'il vous a gentiment convié.

Et toc ! Prenez ça dans vos dents Léo !

Il me regarde, désabusé... ma brillante idée n'a pas l'air de l'emballer, comme c'est dommage, j'aurai bien ri.

— Vous vous dégonflez monsieur le gigolo.

— Roxanne, je plaisantais. Je ne suis pas en service aujourd'hui, je vous accompagne par plaisir et parce que Mick m'a invité pour ne pas vous laisser seule.

— Pfff ! Je n'ai pas besoin de chaperon, je me débrouille par moi-même depuis des lustres.

— Pourtant vous avez eu besoin de mes services le mois dernier.

Il n'a pas tort, quel goujat ! Je n'avais pas d'autre choix, je voulais juste clouer le bec de ma mère afin qu'elle arrête de m'humilier et voilà qu'il me le relance à la tronche.
— Ok, je l'admets. Un point partout. Maintenant taisez-vous et allons prendre un verre avec les mariés.

— Vous préférez faire diversion que d'en parler Roxanne. Vous avez honte d'avoir payé pour avoir un homme à vos côtés.

— Ça suffit ! On en discutera plus tard si vous le voulez bien. Et puis en y réfléchissant bien, je n'ai pas déboursé un centime. Vous m'avez redonné les dix mille dollars pour que je les reverse à une œuvre de charité. Alors, je dirai que c'est vous qui avez payé pour m'avoir à vos côtés. Le sujet est clos, venez à présent.

Nous rejoignons Carla et mon frère près du bar, ils ne cessent de recevoir les congratulations de tout un tas de personnes, il est presque difficile de les approcher pour les féliciter à notre tour. Je me faufile à travers la foule puis saisis Mick dans mes bras.

— Je suis tellement contente pour toi. Soyez heureux tous les deux.

— Ton tour viendra aussi ma Roxy, me souffle-t-il à l'oreille.

Quand ? Ai-je envie de lui demander. Dans cinq, dix ou peut-être vingt ans quand je serai devenue accro au Botox et à toutes sortes de chirurgies possibles pour me donner un air plus potable.

— Si tu le dis !

— Ton prince n'est pas loin, il suffit d'ouvrir les yeux Roxy.

— Je ne vois rien, désolé. Maintenant laisse-moi aller embrasser ma belle-sœur.

Je me dégage des bras musclés de mon frère et m'approche de Carla qui respire le bonheur.

— Félicitations ma belle ! Je suis heureuse pour vous. Il ne vous reste plus qu'à mettre un bébé en route pour parfaire le tableau.

— Bientôt, me confie-t-elle à l'écart. Ton frère est d'accord. Il voulait qu'on se marie avant, maintenant on va pouvoir y travailler, mais ne dis rien à ta sœur pour le moment, je ne veux pas la blesser.

— Tu peux compter sur moi, je serai muette.

Mary peine toujours à convaincre Paul, il n'est toujours pas d'accord concernant un second enfant, hélas rien de ce qu'elle dit ou fait n'a d'impact sur sa décision. Elle essaie de se donner bonne figure quand je lui en parle, mais je soupçonne qu'elle nous fasse une petite dépression. Ça me fait beaucoup mal de la voir ainsi, je devrais peut-être en parler avec le principal intéressé dans les jours qui viennent si la situation s'aggrave.

Léo discute avec Mick et ses amis du club de rugby dont il fait partie, toute la petite troupe mijote quelque chose, mais quoi ? Affaire à suivre !

— Hello les girls ! Chantonne Barbara qui vient de surgir à nos côtés. Félicitations Carla, tu viens de commettre une grave erreur en épousant ce dingue.

— Tu aurais dû m'avertir avant, lui répond-elle tout sourire. J'ai cet anneau au doigt maintenant qui me lie à vie avec lui. Tu as une solution pour que j'annule mon mariage rapidement sans que ça me coûte une blinde.

Barbara plaisante bien évidemment, elle adore Mick. Il est comme le grand frère qu'elle n'a jamais eu. Ces deux-là ont rendu nos parents complètement chèvre avec leurs conneries. Je me souviens qu'une fois elle était punie, elle n'avait pas le droit de sortir puisqu'elle avait envoyé bouler notre prof de philo. Ce soir-là, nous avions une soirée étudiante qu'elle ne pouvait pas louper. Barbara n'avait pas trouvé mieux que de faire le mur pour m'y rejoindre. Sauf qu'elle n'avait pas établi de plan pour rentrer chez elle sans réveiller ses parents. Il n'y avait que la gouttière qui menait à la fenêtre de chambre, mais vu son état d'ébriété, elle n'arrivait même pas à tenir debout, alors grimper était inconcevable. Nous n'avions aucune solution mise à part de la faire dormir chez moi, sauf que mes parents l'auraient balancé aux siens à la minute où on aurait franchi le seuil de la maison. Heureusement, ce soir-là, Mick était sorti avec sa petite amie de l'époque, une nana prétentieuse que je ne pouvais pas blairer, et quand il est rentré, il nous a vu tentant d'escalader la gouttière, mais en vain. Grâce à son génie, il a eu une idée pour qu'elle puisse retourner dans sa chambre sans se faire prendre. Étant donné que nos familles étaient voisines, Mick s'est fait passer pour ivre et a toqué comme un dingue à la porte jusqu'à ce que David, le père de Barbara lui ouvre en slip. Celui-ci l'a allongé sur le canapé pour qu'il décuve de sa vraie fausse cuite. Quand David est retourné au lit, Mick a ouvert la porte de derrière. Barbara gerbait ses tripes dans les bégonias de sa mère alors mon frère et moi riions comme des cinglés. En deux temps trois mouvements, mon frère l'a soulevée et couchée dans son plumard ni vu ni connu et personne ne l'a jamais su.

— Tu sais que je plaisante Carla. Mick est un mec bien. Si tu le quittes, préviens-moi, je l'épouserai sans hésiter celui-là !

— Au fait Roxanne, on a eu un souci, m'annonce ma belle-sœur. La chambre que tu devais occuper est en travaux, tu devras partager celle de Léo, mais ne t'en fais pas, il y a deux couchages.
— Hors de question Carla que je dorme dans sa chambre ! J'irai dans celle de Barbara. N'est-ce pas ? Demandé-je à la principale concernée qui me jette un regard contradictoire.

— Dans tes rêves ma chérie. On est peut-être meilleures amies, mais tu vois je travaille un plan avec un charmant jeune homme et crois-moi qu'il va finir dans mes draps. Alors tu as deux options, soit tu participes à notre petite partouze ou bien tu te couches dans la chambre du beau gosse. C'est génial non !?

Moi ? Dormir avec Léo dans la même pièce que lui ?  Elles sont folles, jamais je ne pourrais me retenir de lui sauter dessus. Je suis certaine que c'est un coup monté.

— Vous deux, je vous déteste. Sachez que ma vengeance sera terrible !

Les festivités vont bon train, le repas est succulent, l'ambiance géniale, je m'amuse comme une petite folle. Mick fait participer les convives à des jeux plus cons les uns que les autres sous le regard outré de notre mère. Je crains le pire quand je le vois saisir une énorme pastèque dans ses deux mains.

— Il va faire un carnage dis-je à Léo qui rit de toutes les bêtises que mon frère invente.

— Vous croyez ?

— Oh que oui ! On peut parier là-dessus.

Mick et ses amis débutent un match de rugby en plein milieu de la salle, certains invités rient, d'autres moins. Et que disais-je quelques minutes plus tôt, qu'un carnage allait avoir lieu et bien je ne me suis pas trompée puisque le fruit géant arrive droit sur nous et que mon frère se jette dessus pour le récupérer. Malheureusement le pseudo ballon et Mick atterrissent en beauté sur la table renversant tout sur leur passage. Barbara, Carla, Léo, Mick et moi partons dans un fou rire à n'en plus finir. Ma mère est au bord de la crise cardiaque tandis que mon père s'époumone de bon cœur avec les parents de la mariée.

— Vous aviez raison Roxanne, le drame est arrivé. M'annonce Léo qui me montre une énorme tâche de vin rouge qui décore sa belle chemise blanche.

— Je vous avais averti très cher. Vous devriez la passer sous l'eau froide et changer de vêtements. Vous avez bien un rechange, n'est-ce pas ?

— Oui, dans mon sac de voyage. Par contre vous pouvez m'accompagner jusqu'aux toilettes, je ne sais pas où ils se trouvent.

— Venez, je crois que c'est par là.

Léo me suit dans un dédale de couloirs, j'improvise car je ne sais absolument pas où nous nous trouvons. Après avoir ouvert une bonne dizaine de portes, nous repérons enfin le saint graal.

— Sauvés ! Je pensais qu'on ferait encore trois fois le tour de la maison avant de trouver ces fichus toilettes. J'en ai pour une minute, me prévient-il avant d'entrée à l'intérieur.

Je l'attends, le corps reposant contre le mur. La lumière est très faible, le silence me fait peur et soudain Léo s'approche de moi sans faire de bruit. Je sursaute et ricane en portant la main sur mon cœur puisqu'il m'a fichu la trouille. Il observe attentivement mes lèvres, instinctivement je les humidifie en passant ma langue dessus, et j'arrête de rire. Au lieu de ça, je l'invite à venir m'embrasser par un simple geste. J'espère qu'il ne se défilera pas comme ce fameux soir où il m'a gentiment repoussé. Cette fois c'est la bonne, j'en suis sûre...

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant