Chapitre 3. Roxanne

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17 Octobre 2014

Errant comme un robot dans mon bureau, je finis de rassembler les dossiers traités en ce vendredi après-midi afin de quitter les lieux un peu plus tôt que prévu pour fuir la folie new-yorkaise. Ce week-end, je pars me ressourcer dans la petite maison de campagne que j'ai achetée l'an dernier pour une bouchée de pain à un vieux fermier qui voulait s'exiler pour le Canada afin de se rapprocher de sa famille. Je n'ai pas hésité une seule seconde concernant l'achat de cette ruine, quelques travaux et beaucoup d'huile de coude ont eu raison d'elle. J'arrête mes pas devant la baie vitrée. La vue sur Manhattan est époustouflante, impressionnante. Le panorama est tellement vaste que d'où je suis le monde semble vouloir s'ouvrir à mes pieds. Les bureaux de la société Harper occupent l'étage trente-deux et trente-trois d'un building qui en compte cinquante-quatre. Le gratte-ciel ou la tour de verre comme je l'appelle, ne mesure pas loin de trois cent soixante mètres, autant dire que c'est hallucinant quand on la regarde d'en bas. Alors que je plonge mon regard sur l'étendue de la ville, un sentiment de lassitude me percute de plein fouet, la monotonie me pèse, je me sens seule dans ce monde de fous. Personne à qui parler en rentrant le soir, à serrer dans mes bras, ni même à aimer, je n'ai absolument rien, mis à part mon travail. Des larmes perlent aux coins de mes yeux, pour me rassurer, je me dis que c'est sûrement la fatigue qui me joue un vilain tour. Au même moment, ma secrétaire passe sa petite tête brune dans l'entrebâillement de la porte pour me souhaiter un bon week-end.

— Il est quelle heure ?

— Bientôt seize heures Roxanne. Tu devrais rentrer. Tout le monde a déserté les lieux sur ordre du grand patron.

— Je finis de ranger et je pars après, ne t'inquiète pas. A lundi Olivia, embrasse tes enfants pour moi.

— Je n'y manquerai pas. Dit-elle en refermant la porte pour me laisser seule face à mon désespoir.

Olivia est une femme géniale et compétente. Elle bosse pour moi depuis trois ans et fait de l'excellent travail. Je suis heureuse de lui avoir donné sa chance et pourtant son embauche n'est due qu'au fruit du hasard. Elle cherchait un travail, son mari l'avait quitté quelques mois plus tôt sans se soucier de la laisser dans le besoin avec deux enfants à charge. Cet enfoiré avait vidé le compte en banque avant de prendre la fuite avec sa maîtresse sans aucun remord. Notre rencontre a eu lieu devant la porte du restaurant que je fréquentais régulièrement à l'époque. Elle était dévastée et de grosses larmes dégringolaient sur son visage. Quand j'ai croisé son regard dépité, j'ai eu envie de la prendre dans mes bras pour la réconforter. Je me suis approchée en sortant un mouchoir de mon sac et lui ai tendu en lui proposant de l'aide. Elle m'a regardée avec mépris, puis m'a répondu que sa situation devait m'être égale, puisque vêtue comme je l'étais, je ne devais pas me soucier des problèmes d'argent.  Ces mots m'ont profondément blessé, je n'étais pas celle que mon apparence lui laissait croire. De là, je l'ai invitée à boire un café. Elle était réticente, mais a fini par me suivre. Nous avons longuement discuté et je lui ai proposé un poste dans l'entreprise de mon père tellement sa situation me touchait. Elle n'en croyait pas ses oreilles, personne ne voulait d'elle puisqu'elle était sans diplôme, mais j'avais envie de lui donner sa chance pour qu'elle fasse ses preuves. Je lui ai dit que je ne plaisantais pas et qu'elle serait à l'essai la semaine suivante si elle le souhaitait réellement. Elle est venue me trouver le fameux lundi au bureau, et je lui ai expliqué ce que j'attendais d'elle sans pour autant la ménager. Elle s'est vite acclimatée à ses fonctions de secrétaire et en quelques semaines, elle m'était devenue indispensable. Aujourd'hui, c'est une femme heureuse et comblée. Elle a retrouvé l'amour avec Declan, un gars qui travaille à la comptabilité. Un bel homme d'une quarantaine d'années fraîchement divorcé et papa de trois enfants. À eux deux ils forment une très belle famille recomposée et cela me comble de joie puisqu'ils méritent tout ce bonheur.

J'enfile ma veste, récupère mon sac à main et quitte mon bureau avec soulagement. La journée n'a pas été de tout repos comme le reste de la semaine et je suis exténuée. Je longe le couloir qui mène aux ascenseurs, il n'y a pas un bruit. Les lieux sont déserts, les employés ont été libérés un peu plus tôt pour pouvoir profiter de leur week-end. Ces derniers temps, tout le monde redouble d'efforts, moi y compris pour gérer notre retard sur les dossiers, les commandes, les fournisseurs... Je n'ai pas compté mes heures de travail, mais pour sûr j'ai dépassé les soixante-dix heures cette semaine. J'appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur, je consulte mes messages en attendant que la cabine métallique arrive à mon étage. Après dix minutes d'attente, toujours rien. Je commence à perdre patiente et appelle la maintenance pour savoir ce qu'il en est.

— Nous avons une panne technique mademoiselle Harper, nous essayons de la réparer.

— Très bien, merci.

Je raccroche et décide que finalement trente-deux étages à pied n'auront pas raison de moi. Je retire mes escarpins rouges, enlève ma veste de tailleur beige et commence la descente en pestant à chaque étage dépassé. Finalement, c'est plus compliqué que ce qu'il n'y parait. Je continue ma descente et m'arrête au vingtième étage pour faire une pause. Je sors une bouteille d'eau de mon sac et avale quelques gorgées pour me désaltérer. J'ai extrêmement chaud, je suis en sueur et ma respiration est erratique. Cependant, je reprends ma course en comptant à nouveau le nombre de marche que je piétine d'étage en étage. Trente marches par étage, en faisant le calcul rapidement, je vais fouler pas moins de neuf cent soixante marches... A cette allure, je vais avoir un cul d'enfer et des cuisses en béton si je fais ça tous les jours. Mais il ne faut pas rêver, cela restera exceptionnel, la prochaine fois, je camperai dans mon bureau s'il le faut, mais plus jamais je ne prendrais l'escalier. Je m'imagine déjà dans un bon bain chaud, me brûlant le corps.
Une musique douce et du vin frais m'accompagnant dans ce moment de détente.

— Encore un étage Roxanne, tu peux le faire, c'est du gâteau. M'encouragé-je, en crachant mes poumons.

Arrivant enfin au rez-de-chaussée, je pousse la porte de la cage d'escalier et pénètre dans le hall du building en m'écroulant sur le sol marbré. Je prends de grandes inspirations, ferme les yeux et essaye de calmer mon palpitant. La fraîcheur du marbre a le pouvoir d'abaisser ma température corporelle qui doit avoisiner les cent degrés. Je sais, j'exagère, mais je n'en suis pas loin... j'en suis certaine.

— Mademoiselle, vous allez bien ? S'inquiète l'agent de la sécurité.

— Juste un petit coup de chaud. Laissez-moi cinq minutes pour récupérer.

— Vous êtes sûre ? Avez-vous besoin d'un médecin ?

— Non. Ce n'est pas nécessaire Georges, ça va déjà beaucoup mieux. Dis-je en me relevant.

Je chausse mes talons, le salue et me rends fébrilement jusqu'au parking pour récupérer mon nouveau jouet à roulettes qui en a sous le capot. Je m'installe au volant de ma superbe Maserati grand Turismo flambant neuve. Ce petit bijou est un cadeau de mon père. Selon lui, c'est amplement mérité puisque j'apporte beaucoup dans la société familiale. Malgré son prix exorbitant, je n'ai pas pu refuser cette voiture, au contraire, je l'ai acceptée avec plaisir. Avant cela, j'avais une Mercedes qui me convenait parfaitement, mais j'avoue que pour le coup mon paternel ne s'est pas moqué de moi et a visé juste en m'offrant cette merveille. Je reprends peu à peu mes esprits, mon souffle est à nouveau régulier à mon grand soulagement. J'ai réellement eu peur en m'écroulant au sol, j'ai cru que j'allais mourir à vingt-sept ans comme ceux du club des 27*. Je démarre la voiture, écoute le moteur qui ronronne, puis appuie sur l'accélérateur pour le faire gronder un peu plus fort sous le regard amusé de John, le gardien du parking. Ce vieil homme à la moustache poivre et sel nous quittera l'an prochain, il est temps pour lui de rendre son costume pour une retraite amplement mérité, et je sais par avance que sa personne me manquera. Je klaxonne, lui rends son sourire et pousse mon pied sur la pédale avant de disparaître sur l'asphalte. Je quitte enfin la ville, bifurque sur l'autoroute pour prendre la sortie qui me conduira jusqu'à ma petite demeure. J'arpente une petite route de campagne totalement déserte, je presse mon pied sur l'accélérateur pour mon plus grand bonheur et avale les kilomètres en ayant un goût de liberté. Je me sens libre, vivante. L'adrénaline qui s'immisce en moi me procure un sentiment de bien-être et d'euphorie. Je souris comme une idiote, écoute des vieux tubes en chantant faux. Néanmoins, je m'en               moque puisque je suis heureuse. Ce week-end, je me déconnecte de tout, je me mets au vert. Il m'est vital de m'évader de temps en temps. Ma mère pense comme beaucoup d'autres pensent que je ne vis que pour mon travail, ce qui n'est pas totalement vrai puisque parfois, le temps d'un week-end Roxanne Harper future PDG de la Harper Company a besoin de quitter le luxe, les strass et les paillettes pour retrouver la simplicité.

Une demi-heure plus tard, j'arrive aux abords de ma maison perdue au beau milieu d'un champ. Elle est en bois brute, petite mais fonctionnelle. La décoration est minimaliste, le seul bien de valeur qu'elle possède est une peinture de ma sœur Mary. Je stationne mon véhicule, me dépêche de sortir pour enfin retrouver mon cocoon. Je me sens vraiment bien ici, loin de toute la pression quotidienne que j'inflige à mon corps et à mon âme. Je me déchausse avec empressement, puisque mes escarpins m'ont torturé les pieds toute la journée. Je jette ma veste sur le dossier d'une chaise avant de monter l'escalier en courant pour me rendre à la salle de bains. Je verse du bain moussant dans la baignoire en zinc que j'ai déniché dans un dépôt vente, règle la température de l'eau puis commence à déboutonner mon chemisier de soie rouge. La jupe crayon que je porte prend la direction du panier à linge à son tour. Je suis encore en sous-vêtements quand le téléphone se met à sonner. Dévalant l'escalier à vive allure pour récupérer mon smartphone, je loupe les deux dernières marches et m'étale de tout mon long. Plus de peur que de mal, je me relève sans aucune blessure. Je trouve mon appareil dans mon sac et décroche sans regarder le nom de l'importun qui ose me déranger.

— Allô.

— Roxanne, j'appelle pour te donner l'heure du gala, il me semble ne pas te l'avoir fourni.

— Bonsoir mère, oui je connais l'horaire. Demain, dix-neuf heures trente.
— Tu arriveras en même temps que ton cavalier n'est-ce pas ?

— Oui, évidemment.

— Très bien, dans ce cas je te laisse dit-elle avant de raccrocher.

Interloquée par cet échange express, je me rends comptes de deux choses. Premièrement, pour les commodités de politesse ma mère n'a pas été à bonne école et deuxièmement, je suis dans la panade, puisque je n'ai personne pour le gala de charité. Tout est ma faute, j'ai complètement oublié de me lancer à la recherche d'un prince charmant.

— Merde, ce n'est pas le tout Roxanne, mais va falloir te bouger le popotin. Me sermonné-je à haute voix.

Je garde mon téléphone en main, remonte lentement l'escalier et me dirige de nouveau dans la salle de bains. Je retire mon soutien-gorge noir, le tanga assorti et me glisse dans le bain moussant. J'essaie de faire le vide dans ma tête pour me détendre, hélas, c'est peine perdue. Le merdier dans lequel je me suis fourrée me rappelle à l'ordre. Je sors de la baignoire précipitamment, pas le temps de me prélasser, je dois trouver une solution au plus vite, et ce n'est pas en barbotant que mes recherches avanceront. Mon corps est couvert de mousse, mes cheveux dégoulinent, inondant le sol sur mon passage. Je cherche une serviette dans l'armoire de toilette puis m'enroule dedans sans m'essuyer. Je récupère mon portable sur le lavabo et court comme une folle dans le couloir. Les gouttes d'eau me suivent à la trace comme le petit poucet semant ses petits cailloux. Je suis bonne pour tout éponger après, mais pour le moment l'heure est grave. Je me faufile dans ma chambre, déverrouille mon appareil et consulte tous mes contacts. Je déniche un morceau de papier, un crayon dans le tiroir de la table de chevet et commence à griffonner une liste de quelques noms, des potentiels candidats. Six numéros voilà ce que je récupère, c'est peu mais faisable. Je commence par Anthony, aucune réponse. Le numéro n'est plus attribué. Je rature son nom de la liste et compose déjà le prochain en espérant que Danny n'ait pas changé le sien. Par miracle la tonalité se fait entendre et au bout de trois sonneries, il décroche.

— Ici Danny, j'écoute.

— Dan, salut, c'est Roxanne. Tu vas bien?

— Ah ! Quelle surprise. Je vais étonnement bien et toi.

— Ça va. Dis-moi, es-tu libre demain soir à tout hasard ?

— Pas du tout ma belle, j'ai un shooting photo pour une célèbre marque de sous-vêtements. Je suis désolé, on se voit plus tard si tu veux.

— Ok, merci quand même. Pas de problème. A bientôt Dan.

Je le barre lui aussi. Vient le tour de Stefan, sa réponse est sans appel. Il fréquente depuis peu une jeune femme qu'il a connu sur un site de rencontre et semble vraiment l'apprécier. Je n'insiste pas, je lui souhaite d'être heureux et raccroche.

— Grrr ça m'énerve ! Ronchonné-je en gribouillant son nom.

J'appelle Tom un ami d'enfance, celui avec qui j'ai perdu ma virginité à l'âge de dix-sept ans.

— Tu sais bébé que les soirées guindées ce n'est pas pour moi... par contre si tu veux baiser, je suis ton homme.
— Non merci Tom, je m'en passerai. Tchao !

Il reste deux noms, Will et Rob, deux de mes ex. Le premier refuse de m'adresser la parole, il me raccroche au nez sans ménagement. Je pensais qu'il s'était remis de notre rupture... apparemment ce n'est pas le cas. Je contacte le dernier de la liste, Rob avec qui j'ai vécu durant deux ans.
Notre histoire d'amour a pris fin quand nous avons réalisé que nous n'avions plus de sentiments amoureux l'un envers l'autre. Il y avait de l'affection, de la tendresse entre nous et rien d'autre. Je compose son numéro, je tombe sur sa boite vocale qui explique qu'il n'est pas joignable puisqu'il est en déplacement professionnel à l'autre bout du pays. Je ne laisse aucun message et éteins mon téléphone avec rage. Je froisse la feuille et la jette à travers la chambre. La boulette de papier trouve refuge sous l'armoire. Je m'allonge sur mon lit et marmonne un tas de jurons à voix basse. Je suis dépitée. Je cherche une autre solution, mais rien ne vient. Je frotte mon visage vigoureusement avec mes deux mains.
Allez Rox, ne te décourages pas, il y a une solution quelque part, reste à la trouver.
J'appelle ma sœur, elle trouvera un moyen, j'en suis certaine. Je me lève du lit, arpente toute ma chambre en long en large et en travers et m'arrête devant la commode. J'attends que Mary me réponde. Je tapote rageusement le meuble en bois avec mes ongles, je vais finir par m'en casser un vu la force que j'y mets. Deux sonneries plus tard, elle daigne répondre.

— Ah ! Enfin ce n'est pas trop tôt. Tu foutais quoi Mary ?

— Salut Roxanne. Toujours aussi polie.

— Oh ! Bonsoir Paul, désolée, je pensais tomber sur ma sœur.

— Je n'en doute pas, pouffe-t-il. Elle est dans son atelier, attends une petite minute, je vais la prévenir.
— Merci beaucoup Paul !

Je stresse, j'espère qu'elle va pouvoir m'aider sinon je suis morte demain soir. Je patiente en regardant par la fenêtre l'étendue de verdure qui m'entoure.

— Salut Rox, que puis-je faire pour toi ?

— Salut Mary ! Comment sais-tu que j'ai besoin de toi ?

— Tu n'appelles jamais sans raison et surtout pas à une heure aussi avancée.

— C'est totalement faux ! Je te téléphone souvent pour prendre de vos nouvelles.

— Ah oui, laisse-moi te rafraîchir la mémoire. Il y a deux semaines, tu as perdu tes clés de maison, tu m'as appelé pour te secourir et tu es venue dormir à la maison. Il y a la fois où tu m'as encore contactée en catastrophe parce que tu n'avais pas commandé le gâteau d'anniversaire de maman et j'ai dû me démerder pour trouver une pâtisserie pour en acheter un. Et la fois où tu as...

Je la coupe dans son élan.

— Ok, tu as raison, j'ai encore besoin de ma grande sœur. Tu me connais par cœur.

— Je sais. Dis-moi, en quoi puis-je t'aider maintenant ?

— Trouve-moi un mec pour demain. J'ai contacté beaucoup de personnes, ils ont tous refusé. Mère va m'humilier si je viens seule. Pitié Mary, j'ai besoin de ton aide.

— Putain, tu es chiante Rox ! Tu ne pouvais pas te bouger le cul auparavant.

— Pas eu le temps, dis-moi que tu as un ami de libre. Ou alors, Paul n'a pas un collègue célibataire à la banque ?

— Pour ma part, je ne vois personne pour le moment. J'en parle avec mon mari et je te rappelle si on trouve une solution.

— D'accord, merci Mary.

En attendant l'appel de ma sœur, je sors un pyjama de l'armoire puis l'enfile rapidement. J'étais encore nue sous ma serviette de toilette et le temps s'est rafraîchi d'un coup. Je descends à la cuisine grignoter un morceau, je n'ai rien avalé de la journée et mon ventre gargouille bruyamment. Je récupère mon ordinateur portable dans ma sacoche, l'allume et consulte mes courriels en mangeant une barre de céréales trouvée au fond d'un placard. Un petit tri s'impose dans ma messagerie, des pubs pour des crédits, des régimes miracles ou des sites de rencontres, voilà les conneries que j'y trouve. Ma sœur me recontacte et me confirme la mauvaise nouvelle, elle n'a personne pour moi.

— Je suis désolée, je t'assure que j'ai harcelé tous mes amis et même Paul a essayé avec les siens.

— Ce n'est pas grave, c'est ma faute. J'aurai dû faire mes recherches avant ou dire la vérité à mère. Je vais essayer avec Barbara au cas où, c'est ma dernière chance.

— Bonne idée, bonne soirée Rox et bonne chance dans tes recherches.

— Merci pour tout Mary. À toi aussi. Bye !

Je contacte aussitôt ma meilleure amie. Elle décroche très vite dès qu'elle voit mon prénom s'afficher sur l'écran de son smartphone. Je l'entends mal, il y a beaucoup de bruit derrière elle. Elle doit encore faire la fête comme chaque week-end.

— Ma brunasse, chantonne-t-elle toute guillerette, ça va ?

— Barbara, tu es bourrée ? Bref, on s'en fout. Écoute-moi bien, il faut que tu me déniches n'importe quel mec pour le gala de charité.

— Je n'ai personne à te présenter Rox, je te l'ai déjà dit. Mais ne quitte pas, je vais demander à ma cousine Shirley, elle connaît beaucoup de monde.

Quelques minutes plus tard, elle me crie dans les oreilles qu'elle a la solution à tous mes ennuis. Ce qui ne présage rien de bon, j'en suis certaine. Cependant, je suis tout ouïe et écoute sa proposition.

— Un Escort ! Pourquoi on n'y a pas pensé avant s'écrit Barbara. Tu devrais jeter un coup œil sur le site web que je vais t'envoyer. Je sais ce que tu vas me dire, alors tais-toi et pense que c'est ta dernière chance avant de m'engueuler.

— Non mais t'es malade ! T'as pas autre chose ! Fait chier ! Puisque je n'ai pas d'autre choix, je vais jeter un œil, mais je ne te promets rien. Amuse-toi bien en tout cas, je te tiens au jus. Bisous !
Un bip m'avertit que j'ai reçu un nouveau message. Je clique et trouve le lien que Barbara m'a envoyé www.escortboy.com. Je rentre l'adresse dans le moteur de recherche et tombe sur la page d'accueil du site. Je ne sais pas par où commercer, il y a bon nombre d'hommes offrant leurs services. Je saisis donc quelques critères pour faire une première sélection. Tranche d'âge entre 25 et 35 ans. Une première liste se dresse devant mes yeux. Je notifie d'autres choix. Il faut un homme élégant, distingué et cultivé. La liste se raccourcit, trois hommes se détachent du lot. Bryan trente ans, blond aux yeux verts, un mètre quatre-vingts. Je détaille sa fiche de plus près : il est sportif, aime faire la fête et baiser. Il n'y va pas par quatre chemins celui-là. Le suivant s'appelle Kurt, il a vingt-six ans, beau garçon et à l'air sympa. Je clique sur ses photos qui me laissent bouche bée.
Il est toujours à poil donc je passe au suivant.
Le dernier type se nomme Léo. Il a trente et un ans, mesure un mètre quatre-vingt-douze soit une tête de plus que moi. Ce mec est juste... Waouh ! J'en reste sans voix face à tant de beauté. Il me plaît physiquement, c'est de loin le plus mignon et le plus classe. Il est brun aux yeux verts, porte une barbe de plusieurs jours et ses formes épousent à la perfection ses vêtements chics. Je consulte ses tarifs et manque de m'étouffer en découvrant les prix. Il prend entre deux mille et dix mille dollars par prestation. Détaillant sa fiche d'un peu plus près, un petit détail me percute.

« Je suis comme le caméléon, je m'adapte à toutes les situations »

Je clique sur l'icône et rédige un message, que je ne cesse de corriger.

« Bonsoir, Léo. J'aurai besoin de vos services. Je recherche un homme qui pourrait m'accompagner demain soir à un gala de charité. Seriez-vous disponible ? En attendant de vos nouvelles. Roxanne »

Je regarde une fois de plus l'écran de l'ordinateur et hésite à cliquer pour envoyer mon mail. Je ferme les yeux, inspire un grand coup et presse le bouton. J'ouvre les paupières et réalise que j'ai réellement contacté un Escort.
— Oh mon Dieu, je l'ai vraiment fait ! Qu'est-ce qui m'a pris d'écouter les conneries de Barbara.

Je tente de me ressaisir, rien n'y fait. J'ouvre le frigo, récupère la bouteille de vin blanc, la débouche et la porte à mes lèvres pour boire au goulot. Qu'est-ce que je vais faire s'il me répond ? Je l'ignore tout simplement ou mieux je dis que c'était un canular. Oui, une blague de ma meilleure amie. C'est bien comme explication, pourvu que ça marche, car que je suis une piètre menteuse. Je retourne au salon avec ma copine du moment en main et m'affale sur le canapé en souhaitant qu'un miracle se produise avant demain soir, ce qui est loin d'être réalisable puisque les fées n'existent pas.

Nda * Surnom donné à un ensemble d'artistes célèbres du rock et du blues qui ont pour point commun d'être tous décédés à l'âge de 27 ans.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant