Chapitre 25. Léo

530 44 0
                                    

1 semaine plus tard


— Mais qu'est-ce qui m'a pris d'adopter ce chien. Ronchonné-je, alors que Gigolo aboie inlassablement depuis plusieurs minutes derrière la porte de ma chambre.
Sept jours qu'il me prive de grasses matinées à mon grand regret. Du lundi au dimanche, il me tire du lit à sept heures tapantes pour que j'aille remplir sa gamelle de croquettes, c'est à croire qu'il a une horloge interne nichée dans l'estomac. Habituellement, je cède à ses caprices et me lève dans la foulée, sauf qu'aujourd'hui je suis victime d'une fainéantise aiguë et ne souhaite sortir de mon petit nid douillet. Je cale ma tête sous l'oreiller pour ne plus entendre ses jappements, hélas, Gigolo se met à gratter au bas de la porte, faisant un boucan d'enfer. En rogne contre mon nouveau coloc, je vire les draps brusquement, m'extirpe de mon lit, puis réduis la distance qui nous sépare en ouvrant cette maudite planche de bois.

— As-tu fini ton bordel ? Lui dis-je alors qu'il me saute dessus pour me faire la fête en couvrant mon visage de bave.

Je lui octroie quelques caresses et l'invite à me suivre à la cuisine pour lui filer sa ration de nourriture. Encore dans le brouillard, le cerveau fonctionnant au ralenti, je ne prête aucune attention à la mare de pisse qui jonche le sol et piétine de bon cœur dedans.

— Ce n'est pas possible. Tu es un dégueulasse Gigolo ! Fulminé-je alors que je marche à cloche pied jusqu'à la cuisine pour récupérer le papier absorbant afin de nettoyer ses bêtises. En épongeant le carrelage, je me fais la remarque que la vessie de mon chien doit être disproportionnée par rapport à sa taille, vu l'étendue des dégâts.
Si j'avais su, je serais resté au lit. Journée de merde !

Après avoir nourri le chien, pris une douche rapide, et chausser mes baskets, je quitte la maison pour aller promener mon compagnon dans le parc du coin. Aux alentours de huit heures quinze, je songe à rentrer puisque le temps glacial me congèle les doigts, sauf que mon clébard ne semble pas être d'accord. Il me le fait savoir en partant en direction d'une joggeuse qui promène, elle aussi, son animal domestique. Ce chenapan a repéré la jeune chienne et si mon sixième sens ne me trompe pas, je suis certain qu'il aimerait gambader avec elle dans l'herbe humide pour faire autre chose que d'attraper la balle que je lui envoie. Il est bien comme son maître. Toujours à courir après les femelles. J'accélère le pas lorsque je le vois renifler l'arrière-train du toutou à sa mémère qui commence à perdre patience face à l'insistance de mon chaud lapin.

— Gigolo, aux pieds ! Crié-je sauf que celui-ci n'en fait qu'à sa tête et continue sa séance de séduction.

Je m'approche de lui, l'attache de nouveau et me fais incendier par cette femme qui me reproche de ne pas savoir tenir mon chien. Je me confonds en excuses et lui explique brièvement que Gigolo n'est pas encore dressé puisque je l'ai adopté il y a de cela quelques semaines. Elle rétorque qu'il y a des cours de dressage et patati et patata. À vrai dire, je m'en moque complètement et repars avec mon chien. Comme tout bon maître, je lui fais la morale... mais il s'en fout. 

— Je vais te trouver une chienne p'tit gars, mais pour le moment reste sage, sinon tu sais que je vais devoir te faire couper les roubignoles pour calmer tes ardeurs.

— Pauvre chien ! Entendis-je, à quelques centimètres de moi. Cette voix me rappelle quelqu'un, je cherche et trouve qu'il ne peut s'agir que d'elle... Roxanne.

Je me tourne en sa direction et découvre que je ne m'étais pas trompé sur la personne, en face de moi se tient effectivement la déesse brune qui fait battre mon cœur. Ma maladresse me joue un mauvais tour. Alors que j'avance pour la saluer, je me prends les pieds dans la laisse de mon chien et tombe sur les fesses devant ma belle. Un sourire moqueur se dessine aux coins de ses lèvres, ce qui me fait sourire aussi. Elle s'avance et me tend la main, afin de m'aider à me relever.

— Merci. Bafouillé-je, troublé par son charme naturel.

Elle porte une brassière de sport rose qui épouse sa poitrine à la perfection, ainsi qu'un legging moulant qui accentue le galbe de ses fesses rebondies. Ses cheveux sont relevés en un chignon flou, sa peau couverte d'une légère pellicule de sueur, son visage est rougi par l'effort, et malgré cela, Roxanne reste une bombe atomique.

— Donc, tu veux faire castrer ce pauvre chien ?

— Ce sont des menaces en l'air. Je ne pourrai jamais faire ça à Gigolo, c'est un mec qui a des besoins à assouvir.

— Comme son maître, je suppose.

Mais qu'insinue-t-elle ? Que je suis accro au sexe ?

— Pardon ? 

— Laisse tomber, je dois partir. En tout cas, j'ai été ravie de te revoir.  Ajoute-t-elle avant de reprendre sa course. Au fait Léo, crie-t-elle un peu plus loin, original le nom de ton chien.

Euh ouais, je n'ai pas eu à chercher longtemps.
Quand je suis arrivé au refuge pour animaux, je n'avais pas d'idée précise sur la race de chiens que je voulais. Je regardais les cages avec hésitation et puis j'ai vu ce bâtard qui me faisait des yeux de merlans frits. J'ai craqué, et drôle de coïncidence il portait un nom qui me rappelait celui que j'étais auparavant... un gigolo.
Cela ne pouvait être qu'un signe du destin, alors c'est lui que j'ai adopté pour me tenir compagnie.
Au beau milieu du chemin, je regarde la belle amazone disparaître à grandes foulées sans oser la rejoindre pour la retenir près de moi encore quelques secondes.
Mais qu'attends-tu ? Bouge-toi gros con. Me sermonné-je. Rejoins-la et propose-lui de venir boire un café après son footing. Oui mais... Mais quoi ?!
Admettons qu'elle soit prise pour déjeuner ou pire qu'elle ait déjà quelqu'un dans sa vie.
Comment réagirai-je face à ça ? Sûrement mal.
Sachant que j'ai pété le nez du type qui l'a touché, alors je n'ose imaginer ce que je ferai subir au fumier qui me l'a volé. Il n'y a qu'une façon de le savoir, c'est de lui courir après pour l'inviter.

— Roxanne ! Attends-moi !

Mes pieds foulent le bitume à une allure surprenante, mon chien suit la cadence et nous voilà à sa hauteur en moins de temps qu'il ne m'en a fallu pour me convaincre de la solliciter à sortir avec moi. Elle semble à la fois surprise et ravit de me revoir de sitôt. Avant d'ouvrir la bouche, je tente de reprendre ma respiration, puisque le souffle me manque. Je devrais arrêter la cigarette. Admis-je pour la seconde fois en moins de dix minutes. Niveau endurance ce n'est pas le top.

— Euh...Bah...Hé...

Bien joué Léo, on dirait un débile qui s'exprime qu'avec des monosyllabes. Respire et recommence.

— Je crains de ne rien avoir compris.

— Je me demandais si tu étais libre un de ces jours pour boire un café.

— Quand ? J'ai un emploi du temps très serré, il va falloir que je vérifie mes possibilités.

— Cet après-midi par exemple...enfin si tu es disponible. Je ne veux pas paraître insistant, mais le plus tôt sera le mieux. Ce que je veux dire, c'est que ça me ferait plaisir de te revoir rapidement.

— Quinze heures. Annonce-t-elle avant de disparaître telle une proie fuyant le lion qui la pourchasse pour la dévorer.

— Yes ! Yes ! Yes ! Marmonné-je en serrant du poing comme un winner. Voilà comment on rencarde une nana Gigolo. Prends-en de la graine mon petit gars.

Les heures, les minutes et les secondes qui passent me paraissent interminables. Je guette montre, réveil et pendule afin d'être certain que tout fonctionne parfaitement, et que l'heure n'est pas erronée. Seulement tout est précis, et je constate que le temps s'égrène lentement quand on est impatient. Et cela est mon cas actuellement ! Je tourne en rond dans la maison, je me parle à moi-même pour patienter. Mon chien m'observe de loin, installé confortablement sur sa couche et je sais qu'il doit se dire :
Mon maître est complètement siphonné, faites-le interner. Et j'avouerai qu'il n'a pas tort.

Il est seulement quatorze heures vingt, et je suis fin prêt depuis un moment pour aller chez Roxanne. J'ai joué la carte du mec détendu en enfilant un jean, un pull bleu et des boots, après tout on va seulement boire un café, on ne va pas dîner, donc le costard peut bien rester au placard. J'inspecte mon apparence une dernière fois dans le miroir, je suis à tomber comme toujours. Les traits du visage détendus, la coupe de cheveux structurée, la barbe bien rasée, cela devrait être de sacrés atouts pour faire succomber la jolie brune. Attention ! Quand je dis succomber cela ne veut pas dire que j'espère qu'elle retirera sa culotte en me voyant, bien au contraire, je souhaite juste qu'elle bave devant l'homme parfait que je suis et que cela attise ses hormones.
Sur le départ, je vérifie que je dispose de mon portefeuille et de mon téléphone avant de monter dans ma voiture. Les notes de musique virevoltent dans les airs, je fredonne cet air joyeux en étant convaincu que cette chanson est un signe et que l'après-midi sera excellente. Arrivant un peu en avance devant chez Roxanne, je me questionne, à savoir si je dois attendre dans ma voiture qu'elle sorte ou si je dois aller cogner à sa porte pour m'annoncer. Impatient et curieux de découvrir son lieu de vie, je m'extirpe de l'habitacle et traverse l'allée qui me conduit à l'entrée de sa demeure. Avant que je ne puisse frapper, Roxanne ouvre et m'invite à entrer en se décalant sur la droite.

— Je fais vite. Il me reste à enfiler mes chaussures et à récupérer mon sac.

— Il n'y a pas le feu. À vrai dire, je pense que je suis un peu en avance, alors prends tout ton temps.

Elle m'octroie un large sourire avant de s'éclipser dans une autre pièce. J'avance à petits pas dans son intérieur, la décoration est épurée, harmonieuse comme la femme qui y vit. Un canapé en cuir noir rehaussé de coussins rouges trône au milieu de la première pièce que je visite. Une console se trouve dans un coin, sur le dessus, j'y perçois une pile entière de magazines féminins. Une peau d'ours polaire s'étale devant la cheminée où je nous y verrai bien Roxanne et moi enlacés dans un plaid à échanger de longs baisers lorsque l'hiver nous fera défaut. Une grande table blanche sublime la pièce, je caresse la texture et laisse mon imagination dérivée. Roxanne se cambrant, le buste dévêtu sur la pierre, sa jupe retroussée jusqu'aux hanches, m'exposant ainsi son fessier que je cajolerai du bout des doigts.
Bordel, je m'égare. Pense à autre chose sale pervers !
Tu viens pour la sortir prendre un café, pas pour la baiser. Hé merde ! J'ai une trique d'enfer.
Un encens brûle parfumant le salon d'une odeur que je n'arrive pas à identifier. Je m'en approche et inspire bien plus profondément l'essence qui s'en dégage.

— C'est du Palo Santo. M'informe Roxanne qui revient vêtue comme une cowgirl.

Elle porte un chemisier noir à carreaux, une jupe en jean très courte et des bottes qui soulignent agréablement la longueur de ses jambes, il ne lui manque que le chapeau pour compléter son look.

— Je ne connais pas, mais cela sent très bon.

— C'est un bois sacré, utilisé anciennement par les chamans incas. Quand tu le brûles, il dégage une fumée blanche qui possède une série de propriétés spirituelles. Il apaise les tensions au sein d'un foyer, il est idéal pour la méditation, la relaxation, et il favorise l'harmonie dans un couple. J'ai trouvé ce bois en Amazonie, alors que j'étais sur place pour dénicher une plante aux vertus rajeunissantes.

— Comme quoi, parfois le hasard fait bien les choses.

— Exactement !  Je suis prête. On y va.

— Je te suis, lui dis-je alors que je tente de camoufler la bosse qui déforme mon jean.

Souffle un bon coup Léo et sors d'ici tout de suite. Me dicte ma conscience. Tu risquerais de faire une connerie et de lui sauter dessus. Peut-être que c'est ce qu'elle attend après tout.
Non, non et non !

Une fois installée dans la voiture, Roxanne me demande où je compte l'emmener. À vrai dire, je n'en ai aucune idée puisque je l'ai invitée sur un coup de tête.

— Tu verras, c'est une surprise. Mentis-je.
Je trouverai bien un bistrot sympa en roulant, enfin je l'espère.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant