Chapitre 29. Roxanne

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Le 22 Mai 2015

Mes yeux picotent et mes paupières s'alourdissent, alors que je tente vainement de rester éveillé depuis que je suis montée dans la voiture. Je regarde la route défilée avec l'infime espoir de deviner la destination choisie par Léo, hélas je n'ai aucune idée d'où nous sommes et celui-ci tient à garder le secret pour me faire une surprise. Je baille, lutte pour déchiffrer les panneaux routiers, seulement un voile me brouille la vue et je ne distingue que des lettres floutées sur les taules métalliques qui bordent les grands axes.

— Dors Roxanne, tu es épuisée.

— Pas du tout ! Je tiens une forme olympique. Lui répondis-je faussement en essayant de dissimuler les bâillements incessants qui me déforment les traits du visage. C'est encore loin ?

— Encore une centaine de kilomètres.

— Cela fait des heures que l'on roule, tu es sûr de connaître le chemin ? Je pourrais allumer le GPS.

— Bien tenté ma belle, pas besoin de guide, je connais la route comme ma poche. Maintenant, tais-toi et admire le paysage qui s'offre à toi.

Ce qu'il peut être autoritaire. Je détourne le regard pour cacher le sourire qui s'étire aux coins de mes lèvres. Malgré ses nombreux défauts, j'aime sa façon d'être avec moi. Je sais qu'il se la joue homme fort, narcissique et despotique, et pourtant quand on gratte sous la carapace, il y a quelqu'un de tendre, attentionné et malheureusement brisé qui s'y cache.
Je finis par m'assoupir, laissant ma quête aux indices de côté, préférant me plonger dans le rêve qui se déroule dans mon esprit. Et bien vite la compagnie de Léo et de ses mains expertes font irruptions dans mes songes.
                                                           ***
Mon petit scénario prend fin lorsque Léo me ramène à la réalité en me réveillant avec précaution pour m'avertir que nous sommes arrivés à destination. Je me sens groggy et lui demande combien de temps a duré mon hibernation. J'ouvre grand les yeux, bluffée par le charme naturel qui nous entoure. Une petite cabane se trouve aux abords d'une plage désertique, jonchée par une luxuriante forêt verdoyante en arrière-plan. Les vagues viennent caresser le sable fin, déposant écume et algues sur leurs passages. J'observe le vent qui s'engouffre dans le feuillage des grandes pinèdes, et sors enfin de la voiture pour prendre une inspiration de cet air si pur. Léo me rejoint les bras chargés de nos bagages et je ne trouve pas mieux que de me jeter sur lui pour le remercier de m'avoir fait découvrir ce lieu si bucolique.

— C'est absolument magnifique ! Où sommes-nous ? Ne cessé-je de répéter inlassablement jusqu'à ce qu'il me révèle enfin que nous nous trouvons chez lui. Ses grands-parents lui l'ont léguée à leur décès.

— Allez princesse, suis-moi, je te fais faire le tour du propriétaire.

Je piétine le sable d'un pas léger et avance sans rechigner d'avoir des petits grains qui s'immiscent dans mes chaussures. Il dépose nos sacs devant la porte et ouvre celle-ci avec difficulté. La petite demeure est plongée dans l'obscurité, une odeur de renfermé titille mes narines à m'en donner la nausée. À tâtons, Léo appuie sur l'interrupteur, offrant à cette maison un peu de luminosité. Je constate que les lieux n'ont pas été visités depuis un long moment. La poussière s'est amassée sur les quelques meubles qui habitent la pièce principale.

— Cela fait une éternité que je n'ai pas mît les pieds ici. J'aurai dû venir faire un peu de ménage, je suis désolé de t'amener dans un endroit si....
— Ce n'est rien. Un coup de chiffon et plus rien n'y paraîtra. Depuis combien de temps n'es-tu pas venu ?

— Pas loin d'une année je pense.

— Tu as déjà passé du temps ici avec tes clientes ?

Léo me fusille du regard, je comprends que ma question n'était pas appropriée, surtout que nous venons à peine de pénétrer à l'intérieur du salon.

— Bon sang Roxanne, tu penses que c'est ma garçonnière ?

— Non ! C'était idiot de ma part de te demander cela, je suis désolée. Je ne sais pas pourquoi j'ai sorti ça. Cela m'a traversé l'esprit et tu me connais je ne sais pas tenir ma langue.

— Sache que tu es la première femme à franchir le seuil de cette maison et à en connaître l'existence. Jamais je n'aurais fait venir une cliente, c'est mon jardin secret. Allons ouvrir les volets et aérer les pièces. Conclut-il pour mettre fin à ce sujet de discorde.

—  Je suis flattée d'être la première fille que tu emmènes ici. Allons-y, je te suis.

La légèreté du vent s'immisce à l'intérieur de la maison, balayant la poussière qui vole et virevolte au passage de la brise. Léo entame un nettoyage rapide des lieux alors que je m'occupe de vider nos sacs dans la chambre. Je range les quelques vêtements dans la commode et tombe sur une photo de famille couverte de saleté. Je souffle dessus et observe l'enfant d'une dizaine d'années qui tient dans ses mains un gros poisson, alors que l'homme qui l'accompagne le regarde avec beaucoup d'amour et de fierté.
— C'était le jour de mon douzième anniversaire. Mon grand-père était venu me chercher à la sortie de l'école pour aller pêcher avec lui. Cette après-midi-là, j'ai sorti un poisson de six kilos, c'était ma première prise, alors j'te dis pas comme j'étais content ! Le soir même, mon grand-père et moi dégustions ce poisson au barbecue.

Je l'écoute attentivement, captivée par son récit. En me contant son histoire, son regard brillant illumine la chambre et un sourire heureux se lit sur son visage. Je découvre une nouvelle facette de lui que je ne lui connaissais pas jusqu'à maintenant.

— Il doit te manquer.

— Tous les jours. C'était un homme formidable. J'ai beaucoup appris en sa compagnie, j'espère pouvoir léguer son savoir à mes futurs enfants.

— Je suis sûre que tu le pourras.

— Il t'aurait adorée. Tu es une femme exceptionnelle Roxanne, ne laisse jamais personne te dire le contraire.

Léo m'enserre de ses bras et m'informe qu'il doit sortir pour faire quelques courses puisque le réfrigérateur est complètement vide et que mon estomac ne tiendra pas deux jours sans manger la moindre chose.

— Pfff, tu dis des bêtises, je ne suis pas gourmande. Cela dit, tu pourrais acheter des marshmallows. On les dégustera sur la plage tout en admirant le coucher de soleil.

— Autre chose ?
Je réfléchis brièvement et ne vois rien à ajouter à la liste de courses. Léo me pousse sur le lit et m'embrasse avec fougue. Je relève mes bras au-dessus de ma tête pour l'inciter à continuer son petit jeu sauf qu'il me laisse pantelante sur le matelas alors que lui se redresse en se moquant de moi.

—  Je te ferai ta fête à mon retour ma belle. Me prévient-il avant de quitter la chambre.

Oh le cochon !  S'il croit me faire l'amour ici, il se trompe amplement.
Pourquoi se contenter d'un plumard alors que les alentours sont déserts et regorgent d'endroits atypiques. Soyons fous et innovants. J'imagine déjà sa tête quand il me trouvera dénudée sur la plage en train de prendre un bain de soleil.
La voiture démarre et quitte l'allée en laissant un nuage de poussière derrière elle. Je cherche mon paréo dans mon sac, mais ne le trouve pas. Je jette tout sur le lit, mes strings, mes shorts et mon maillot de bain qui est inutile pour ce que j'ai prévu. Je retire mes vêtements, récupère mon huile solaire, ma serviette et file en direction du bord de mer. J'étends mon drap de bain sur le sable chaud, vérifie que personne n'est aux alentours et entreprends d'enduire mon corps d'huile afin de ne pas ressembler à une écrevisse. Je m'allonge et profite de parfaire mon bronzage intégral en attendant le retour de Léo. J'ai déjà ma petite idée sur ce qu'il dira quand il me trouvera comme cela, sauf qu'il enragera bien plus quand je me jetterai à l'eau sous ses yeux ahuris.
En attendant, je me prélasse au soleil tout en écoutant le bruit des vagues. Léo avait raison depuis le début, j'aurai dû prendre quelques jours de repos. Ce dépaysement total est ce dont j'avais besoin pour libérer toute l'anxiété que je gardais en moi depuis des lustres. J'apprécie la sérénité des lieux.
Trois quarts d'heure plus tard, j'entends le moteur de la voiture qui approche. Léo se gare et comme je l'avais prévu, je cours nu comme un ver me jeter à l'eau. La fraîcheur de l'océan m'accapare, me glaçant le corps, seulement je ne veux pas ressortir aussi vite que je m'y suis propulsée afin que Léo profite du spectacle. Je sens le regard foudroyant de monsieur ours sur moi, et pour l'agacer un peu plus, je lui décoche un large sourire et lui fais un petit coucou de la main avant de lui envoyer un baiser.
— Roxanne, qu'est-ce que tu fous ! Sors tout de suite !

Je m'exécute et exagère le balancement de mes hanches pour le provoquer. Je passe devant lui en riant comme une enfant, et m'allonge sur la serviette de bain.

— Pourquoi t'es à poil bon sang !?

— Je bronze. Tiens d'ailleurs, passe-moi le flacon d'huile de monoï, je ne voudrais pas que ma peau rougisse. Tu pourrais m'en étaler dans le dos ?

— Mais tu es malade ! Si quelqu'un passe par ici, il va s'en donner à cœur-joie pour te reluquer le cul.

— Impossible. Tu m'as dit que c'était privé et désert, donc personne ne pourra me mater. Et puis tu sais Léo, un cul reste un cul. On en a tous un ! Alors pourquoi se priver de faire du naturisme. Je ne te pensais pas si pudique, surtout avec ton passif. Tu devrais aller ranger les courses, moi je retourne me baigner. À tout à l'heure mon chaton. Minaudé-je en déposant un rapide bisou sur sa joue avant de m'immiscer de nouveau à l'eau en roulant exagérément du popotin.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant